Une hypothèse commence à poindre parmi les personnes que j’interroge : et si Borloo, fort de l’expérience de négociations du Grenelle de l’environnement créait la surprise avec son « plan justice climat » ? Je suis très loin d’avoir la réponse mais l’hypothèse mérite d’être étudiée.
Sans que personne ne s’en soucie, le Ministre de l’écologie multiplie, assez discrètement, les déplacements en Afrique et en Asie du Sud Est depuis de nombreux mois. Avec une idée : inutile de faire la queue dans la file d’attente de Copenhague en râlant parce que ça n’avance pas assez vite, : autant sortir de la file et trouver un autre moyen d’avancer plus vite. Le moyen c’est d’y arriver en sortant d’un mécanisme de négociations où tout le monde s’assoit à la même table en même temps.
Lors du Grenelle, Borloo avait créé 6 groupes de travail et des intergroupes qui ont planché pendant plusieurs mois avant de réunir tout le monde les 25 et 26 octobre. Pour le climat, il tente d’agglomérer les Etats uns à un plutôt que tous en même temps. Même façon de faire, en somme, que lors du Grenelle, mais portée à l’échelle mondiale cette fois. Ce qui change un peu les choses forcément.
Cette stratégie du grignotage a commencé par l’Afrique en commençant par s’assurer du concours de l’Ethiopie qui prendra la tête de la délégation africaine à Copenhague. Elle s’est ensuite élargie à l’Asie du Sud Est : Bangladesh la semaine dernière, Inde ce vendredi.
Une étape décisive pourrait être franchie ce samedi. Le président Lula sera reçu à Paris et Nicolas Sarkozy le recevra à Paris en présence de…Jean-Louis Borloo. Le Brésil et la France avait déjà signé il y a peu une « déclaration conjointe » sur l’environnement. Le terrain est donc préparé et si le Brésil signe le plan justice climat, un axe France-Afrique-Asie du Sud-Est-Brésil se dégagerait.
Plusieurs inconnues demeurent cependant et pas des moindres. La première concerne l’Europe. Un axe France Afrique sur le climat serait vite qualifié de francafrique verte. L’adhésion d’autres Etats européens est donc indispensable. Jean-Louis Borloo profitera peut-être de la réunion pré Copenhague au Danemark, où se réuniront 44 représentants d’Etats lundi et mardi prochains pour abattre ses cartes. L’adhésion de la Chine aussi demeure une inconnue mais il se dit aussi que celle-ci a trop investi dans le sols et les sous-sols africains pour refuser de signer un texte validé par un grand nombre d’Etats africains. Autre inconnue : l’articulation du plan justice climat avec celui qui doit être signé à Copenhague. Enfin, il sera aussi nécessaire de dévoiler le contenu exact du plan.
Impossible donc aujourd’hui d’écrire la conclusion de cette histoire mais ce qui est frappant est que Jean-Louis Borloo tente l’absolue antithèse du modèle actuel de négociations climatiques menées dans le cadre de la conférence de parties de l’UNFCC. Plutôt que de rechercher un financement par les Etats, le plan qu’il propose mentionne une taxe sur les transactions financières. Bernard Kouchner piloterait un groupe de travail pour faire avancer ce dossier. Plutôt que de forcer les négociations climatiques en cours, ledit plan propose une réforme de leur gouvernance en ressortant des cartons l’idée d’une Organisation mondiale de l’environnement. L’idée est ancienne dirons les uns, elle est donc devenue consensuelle diront les autres. Enfin, il part du terrain et des pays pauvres pour remonter vers un accord global alors que les négociations climatiques en cours tentent exactement l’inverse. A suivre…