On s'amusera toujours de découvrir que plus de 58 ans après la parution du livre et 56 après celle du film, l'ouvrage de James Jones, From Here to Eternity, traduit en français par Tant qu'il y aura des hommes, ait pu choquer l'éditeur de l'époque au point qu'il en fasse couper des morceaux.
Pourtant, nul qui a vu ce film n'oubliera la scène langoureuse où, allongés tous deux au bord de l'eau, Burt Lancaster et Deborah Kerr s'embrassent fougueusement, alors que seules les vagues les recouvrent... Une scène d'une hétérosexualité torride... mais qui dissimule mal la censure qui s'est exercée sur le livre avant sa publication, accusé d'être un peu trop gay...
Kaylie JOnes, fille de James, l'auteur, explique que dans les premiers temps, l'éditeur, Scribner, avait fait éliminer deux "F-word" [NdR : le mot Fuck, plus tabou que celui de Dieu...] ainsi que des scènes homosexuelles, inspirées par ailleurs de son expérience dans l'armée à Pearl Harbour...
Les détails donnés par le récit From Here to Eternity croustillaient particulièrement et dans une lettre à son éditeur James invoquait cette bienséance navrante, conscient que cinq ou dix années plus tard, les mêmes choses se retrouveraient dans le livre d'un autre auteur et que l'on se demanderait pourquoi les censurer. Mais de dépit, il accepte de couper un certain nombre de répétitions du mot Fuck. Pour ce qui était des scènes homosexuelles, en revanche, pas question d'y toucher, ce serait « une infidélité à la réalité ».
Infidélité ou pas, elles ont tout de même été supprimées du livre, explique sa fille. « Il estimait que l'homosexualité était une chose naturelle sur un champ de bataille et qui n'affecte en rien les capacités d'un soldat. » Et aujourd'hui, Kaylie aimerait bien que l'on rende à son père ce qui lui appartient et en cas de nouvelle édition, souhaiterait que l'on puisse remettre les passages censurés. « Les choses sont plus simples pour les auteurs aujourd'hui. Je crois que mon père a ouvert la voie à de nombreux auteurs. Il a rendu le monde littéraire sûr pour le F-word. »