C’est un film déconcertant . Une très longue introduction historique , avec des images documentaires, recomposées , introduit l’histoire de la contestation étudiante japonaise entre 1967 et 1971. Des milliers de jeunes ont battu le pavé pour protester contre la politique gouvernementale . Au fil du temps ,la répression s’est accentuée ; il y aura plusieurs morts et des milliers d’arrestations.
Au milieu de ce préambule, le réalisateur introduit quelques saynètes , qui nous éclairent encore plus sur la réalité nipponne difficile parfois à appréhender pour un non -initié. Subrepticement , le film prend forme ,délaissant les reportages de l’époque pour une véritable fiction,cette fois, qui parle d’une véritable histoire . Celle des hommes et des femmes que rien semble-t-il n’appelait à devenir des leaders, des despotes et des tortionnaires.
La dérive typique et radicale d’un mouvement révolutionnaire malmené ici par deux monstres , dont l’emprise idéologique les conduira à l’extrême . Etudiants de l’Armée Rouge Unifiée ils ont pris en otage une aubergiste pendant plus de dix heures. Les télévisions ont suivi heure après heure l’évolution de ce drame au cours duquel 14 jeunes japonais vont mourir sous les coups fanatiques de leurs leaders. Après quoi la police donnera l’assaut .
Au cœur de cette histoire qui aura longuement marqué la politique japonaise ( notre mai 68 fait figure d’opérette ) l’épisode du chalet est la pierre d’achoppement d’un système idéologique devenu fanatique .
Certaines scènes risquent de heurter, mais la force du film est à ce prix pour saisir cette déshérence historique et l’inanité d’un tel comportement . Je n’ai pas forcément saisi tous les tenants et les aboutissants de ce docu-fiction rapporté de manière parfois confuse par un réalisateur qui il est vrai n’a jamais filmé de façon conventionnelle. « Si je ne fais pas ce film, personne d’autre le fera » dit-il au cours du casting, s’adressant aux futurs comédiens en leur assurant qu’ils sont fous eux aussi « de vouloir y participer. Notre pays veut étouffer ces affaires, moi je veux les déterrer. Il y aura peut-être de la répression, des cinémas ne voudront peut-être pas le projeter mais je suis prêt à le faire» .
Et pour y arriver Kôji Wakamatsu est d’une intransigeance totale ( colérique le garçon ) au point d’envisager parfois la suppression de certains rôles quand les comédiens n’arrivent pas à suivre ses consignes . « En tant que réalisateur, mais surtout en tant qu’homme , je ne serais pas en paix si je ne fais pas ça comme il faut » .
Le tournage dans la montagne enneigée, décrypté dans le making of, n’est ainsi qu’une parenthèse dans la mise en garde du réalisateur
La mise en scène est assez paradoxale , presque nonchalante , au regard de la violence des propos et des actes .La musique tout aussi incitative , de Jim O’Rourke de Sonic Youth contrebalance cette impression d’apathie.
Car ce n’est qu’une impression , Wakamatsu a gagné son pari . Son film a été sélectionné dans de nombreux festivals au Japon et à l’étranger. Il a pu aussi le confronter à certains anciens membres de l’Armée Rouge . Un autre grand moment des bonus .
Entretien avec Isabelle Sommier , directrice du centre de recherches politiques de la Sorbonne, et Michaël Prazan, journaliste et réalisateur, spécialiste de l’Armée Rouge Japonaise.