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La maison des temps rompus

Par Fibula
La maison des temps rompusLa maison des temps rompus, de Pascale Quiviger, Éditions du Boréal, 2008, 238 pages
La narratrice, dont on ne sait rien, fait l'acquisition d'une maison en bord de mer, lieu qui semble à la fois idyllique et mystérieux puisque personne d'autre qu'elle ne semble le voir. Ses amies, voulant lui rendre visite, marchent pendant des heures le long de la plage sans jamais trouver cette maison («Comment, vous n'avez pas trouvé la maison ? Je vous ai tout expliqué, je vous ai même fait un dessin, ce n'est pourtant pas compliqué !»).
Le premier chapitre nous décrit pourtant cette maison (dans un style magnifique d'ailleurs), nous avons l'impression d'y être. Contrairement à la majorité des critiques que j'ai lues, j'ai beaucoup aimé cette première partie. Le passage au deuxième chapitre (L'âge tendre) a été un peu difficile car il y a une vraie cassure dans le style et la narration.
«Il convient de commencer par la fin. Par le début de la fin, qui est en soi un commencement : je voulais une maison.
Je voulais une maison pour qu'elle m'avale, je me souviens avoir pensé : j'aimerais tant être nulle part. Être nulle, annulée. Une maison, si possible au bord de la mer, comme antidote à l'étroitesse d'horizon»
Cette histoire débute donc par une fin, qui présage d'un renouveau, ou qui tend vers cela. Nous l'espérons.
«J'allais bientôt savoir à quoi m'en tenir au sujet de ma maison, c'est à dire : au sujet de ma vie.»
Jusqu'au dernier chapitre, nous ne saurons pas exactement ce qui amène une telle détresse chez la narratrice. Les morceaux se recollent au fur et à mesure, comme un puzzle, car un deuxième roman débute dans le roman : l'histoire de l'amitié forte et unique entre deux jeunes filles, Claire et Lucie, d'abord petites filles (L'âge tendre), puis jeunes enfants (L'âge de raison), puis ados (L'âge ingrat) et enfin adultes (L'âge adulte).
Ce roman est un hommage aux femmes, aux mères, aux amies, à toutes les femmes qui ont marquée Lucie et qu'elle a aimées. Sa mère, Aurore, prend beaucoup d'importance dans l'univers des deux fillettes, leur racontant des histoires magnifiques... «Il semble parfois à Lucie que les histoires d'Aurore poursuivent passionnément un objectif caché: expliquer qui elle est sans devoir s'exposer. D'une manière ou d'une autre, elles commencent à lui poser problème et Lucie s'interroge de plus en plus sur la nature de la vérité.»
Aurore, qui finalement, fuira face à cette vérité. Moment difficile, que Lucie extériorisera peu mais qui posera les jalons de sa vie d'adulte.
Il s'agit d'une lecture très exigeante, demandant toute l'attention du lecteur. Le style contient de nombreux passages poétiques et lyriques, notamment les histoires inventées d'Aurore, des légendes qui nous transportent, si l'on veut bien, par leur magie. Celles-ci nous permettent de comprendre le cheminement de Lucie, jusqu'à revenir au point de départ dans le livre, mais le point d'arrivée pour elle : l'achat de la maison des temps rompus.
«Je voulais une maison pour qu'elle m'avale. Je me souviens avoir pensé : j'aimerais tant être nulle part. «En vente, bord de mer» est la maison des temps rompus. C'est le lieu concocté par ce qui, en moi, demeure capable de vision, de guérison et d'espoir. Je n'ai pas d'autres mots pour le dire.»
Voici une critique plus mitigée (mais positive quand même) parue dans le journal Voir (par Tristan Malavoy-Racine).
Pascale Quiviger est une auteure québécoise, originaire de Montréal-Nord. Elle réside maintenant en Angleterre où elle enseigne les arts visuels et la peinture (c'est aussi une artiste).
De ses origines, Pascale Quiviger dit sur le site de Canoë (article intéressant ici) : «L’écriture est transportable. Ça m’ouvre des horizons. Vivre ailleurs fait que nous n’appartenons à aucun espace. Ça rend mon travail plus malléable. Mon identité est en doute. Tout est familier et, en même temps, ne l’est pas du tout. Ma vision n’est pas celle de l’appartenance, mais elle est liée à des solidarités planétaires.»
La maison des temps rompus est son troisième roman publié, après Ni sol ni ciel, publié en 2001 aux Éditions de L'Instant même et Le cercle parfait, publié en 2004 aux mêmes éditions, qui a obtenu le prix du Gouverneur Général cette année là.
Alors je ne peux en révéler trop de ce roman, qui contient ici et là des phrases sublimes, des sentiments bouleversants. Juste vous dire que ce livre m'a profondément émue, je le conseille vivement pour la beauté de l'écriture et la découverte d'une auteure très originale et talentueuse.
En écrivant ceci, j'écoute Soap & Skin (2008), et Marianne Faithfull, Easy Come Easy Go (2008, Naïve)

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