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Imbroglio sécuritaire

Publié le 18 novembre 2009 par Toulouseweb

Imbroglio sécuritaire La sécurité aérienne courageusement face à elle-même.
Comment rendre les voies aériennes encore plus sûres ? Il faut faire preuve d’une grande audace pour poser la question au terme d’une année particulièrement meurtrière pour la France. Un défi relevé par le député de l’Oise François-Michel Gonnot et le sénateur de la Manche Jean-François Le Grand. Tous deux connaissent la question, le second étant d’ailleurs président du Conseil supérieur de l’aviation marchande.
La conférence parlementaire qu’ils ont organisée a réuni du beau monde, en même temps qu’elle a montré qu’il reste décidément beaucoup à faire, ne serait-ce que pour harmoniser des points de vue contradictoires, insérer les louables efforts français dans un cadre européen et mondial ou encore répondre aux légitimes attentes des associations de proches de victimes d’accidents, notamment ceux qui se sont produits au cours de ces dernières années.
Un exercice difficile, au coeur d’un microcosme plus habitué à pratiquer la langue de bois qu’à faire des confidences en public. Cela avec, en discret arrière-plan, une ambiance très O.K. Corral chez Air France où de règlements de compte sont en cours, six mois après la catastrophe de vol Rio-Paris AF447.
L’un des intervenants les plus francs a sans doute été Jocelyn Smykowski, président du tout puissant Syndicat national des pilotes de ligne. Il a osé dire que «la formation est largement insuffisante, doit être réévaluée». Cela après avoir affirmé que «nous sommes moins bons que d’autres pays européens». Un langage auquel personne n’est habitué et qui en dit long sur l’état d’esprit actuel des pilotes français.
C’est une piste d’amélioration toute tracée, dont on sait qu’elle sera suivie. Heureusement. Les autres parties prenantes sont incontestablement empreintes de bonne volonté mais éprouvent de sérieuses difficultés à accorder leurs violons, ce qui n’est pas nouveau. Le langage est trop souvent technocratique et rien de convaincant n’est dit pour faire admettre que l’establishment, qui serait constitué de compères sortis des mêmes grandes écoles, n’a rien à cacher et travaille pour la bonne cause.
Jean-Paul Troadec, depuis peu directeur du Bureau enquêtes et analyses, explique son rôle en termes bien choisis. Mais quand il précise qu’il relève directement du ministre des Transports, une voix s’élève, quelque part dans la salle : «eh voilà !» Ce qui revient à dire que la crédibilité du système est encore et toujours contestée.
Florence Rousse, directrice de la sécurité à la DGAC, s’aventure pour sa part à affirmer «qu’on ne sait pas mesurer le niveau de la sécurité». Si c’est vrai, ce serait mieux de ne pas le dire et de s’en remettre à des statistiques qui «parlent» à l’opinion publique. Ce que fait Claude Lelaie, directeur de la sécurité des vols d’Airbus, qui souligne que les avions commerciaux dits de quatrième génération ont permis d’obtenir des progrès considérables, dans un rapport de 1 à 3.
La rencontre se poursuit, permettant d’entrevoir par moments la nervosité à peine contenue d’acteurs prêts à bondir en cas d’écart. Surtout quand il est question de l’indépendance du BEA, un éternel sujet de discorde, des listes noires, des contrôles inopinés d’avions de compagnies suspectes de laxisme ou encore des trop fameux tubes Pitot.
Mieux vaut retenir des pistes à considérer en priorité. Patrick Gandil, patron de la DGAC, évoque le contrôle des survols océaniques (actuellement dépourvus de couverture radar) et la télétransmission de données actuellement recueillies par les enregistreurs de bord, lesquels, parfois, gisent par 4.000 mètres de fond. Il faudra effectivement prendre cette direction novatrice et le plus vite sera le mieux. Mais, bien sûr, rien ne se décidera, ne pourra se faire, à l’échelle d’un seul pays.
Les familles de victimes écoutent. Certains de leurs représentants sont devenus de bon connaisseurs des arcanes de la sécurité aérienne en même temps qu’ils ont abandonné à leur corps défendant une bonne part de leurs illusions. Ils n’ont même plus envie de dire qu’il manque à tout cela une touche d’humanité, de compassion. Ils ont découvert, d’un crash à l’autre, que le monde de l’aviation n’est pas très bon, en cette matière. Les avocats parlent d’indemnisations, les juges de responsabilités, les industriels de haute technique tandis que les compagnies, dans la plupart des cas, cherchent vainement la moins mauvaise posture à adopter. Eux, les parents, les veuves, les veufs, les orphelins, voudraient faire le deuil. Mais comment procéder, sans épave, sans dépouilles, quand les progrès des identifications ADN permettent tout au plus de mettre un nom sur quelques dizaines de grammes de «restes» humains. C’est très dur, à un point tel que personne, ou presque, n’ose en parler.
Est-ce là le début d’une nouvelle étape, d’un second souffle, d’une reprise de dialogue ? Lequel n’a pas vraiment été rompu mais s’est tout simplement essouflé ? Il est visiblement trop tôt pour s’aventurer à répondre à cette question.
Euphémisme du député F.M. Gonnot : «l’exercice n’était pas facile».
Pierre Sparaco - AeroMorning


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