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Hors champ de Sylvie Germain

Par Sylvie

Rentrée littéraire 2009
Hors champ
Editions Albin Michel
Sylvie Germain est pour moi l'une des plus grandes romancières françaises actuelles. Ses oeuvres mêlent le mythe et l'Histoire, le réel et le fantastique, le drame et l'onirisme.
J'ai lu tous ses premiers romans jusqu'à Magnus. Puis je viens de lire son dernier opus. J'ai noté une nette différence avec ses titres plus anciens.
Ici, Sylvie Germain quitte le terrain de l'Histoire pour se concentrer sur un très court laps de temps, une semaine. Nous sommes dans le présent le plus pur : Aurélien, est un "homme d'aujourd'hui" ; mais, de jour en jour, il devient invisible dans le regard des autres ; on n'entend plus sa voix au téléphone, on ne sent plus son parfum ; puis, un jour, ses proches ne se souviennent plus de lui...il devient alors complètement invisible...
Aurélien nous raconte sa propre histoire, celle de son effacement  ; parallèlement, sa sensibilité s'aiguise, ses souvenirs d'enfance ressurgissent ; il devient un être de ressenti.
Bien que Sylvie Germain évite toute mention de repère spatio-temporel ou de contexte sociopolitique, on ne peut s'empêcher d'y voir une parabole de la solitude contemporaine ; d'ailleurs, le parcours d'Aurélien croise de grandes figures solitaires : un SDF qu'il considère comme son frère d'infortune. Plus il disparaît aux yeux des autres, plus il compatît au sort des autres, plus il saisit leur pensée.
L'écriture est beaucoup plus limpide, plus simple que dans les grands romans tels Le livre des nuits ou Tobie des marais. Mais, par le recours au fantastique et surtout à des thèmes récurrents dans son oeuvre comme l'origine fabuleuse, mythique (Aurélien est né d'un père vaporeux, réduit au souvenir d'une odeur d'herbe et de tourbe chez la mère ; ses grands-parents ont eux-aussi disparu sans laisser de trace ; son frère est un mort vivant, accidenté de la route et ses amis sont des gens du spectacle, à l'identité incertaine), par le thème de l'évanescence, de la disparition, Sylvie Germain fait naître une atmosphère intemporelle, élevant ses personnages à la dimension d'un mythe universel. Aurélien incarne la figure du grand solitaire, de "l'abandonné". Le recours au fantastique est là pour souligner quelque chose de bien réel.
Dans ce roman, Sylvie Germain célèbre les personnages qui sont par définition évanescents, sans identité définie : les artistes saltimbanques, les exclus, les personnages de roman et aussi....le lecteur. Sylvie Germain met en scène ces "esprits" qui naviguent de peau en peau et rend le plus bel hommage qui soit au lecteur :
"Je suis un personnage composite, et de plus en plus arlequiné au fur et à mesure que je lis, arpente, explore de nouveaux livres....Je suis un personnage inconnu, inachevé, en évolution, ou plutôt en altération constante : métamorphose, anamorphose, paramorphose, tératomorphose, hagiomorphose, patamorphose...un arlequin en expansion et vibration continues, un transmutant incognito.Un simple lecteur.
Toute une vie de lecture devant moi, de rencontres de personnages d'encre et de vent pour doubler les rencontres de personnes de chair et de sang, les ourler d'une ombre dense et mouvante, les troubler à profusion. Et plus tard, dans la vieillesse, m'en défaire, ôter une à une toutes ces peaux d'encre et d'ombre, les oublier, sans les renier. Arlequin écorché, dépiauté, lumineux de nudité, comme un vieil ermite en fin de course sur la terre, délesté de tout, comme un vieux sage déposant tout son savoir pour s'épanouir dans un état de folie douce...."

Hors champ ou éloge de la métamorphose...


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