Magazine Autres musiques

Un Baroque intimiste et coloré sous les doigts de Racha Arodaky

Publié le 21 novembre 2009 par Philippe Delaide
Dans le cadre du lancement de son disque consacré aux suites de GF Haendel, Racha Arodaky donnait un récital lundi 16 novembre au théâtre de l'Athénée-Louis Jouvet. Au programme, Georg-Friedrich Haendel, Jean-Philippe Rameau et Domenico Scarlatti.

Le choix de ces trois compositeurs, avec GF Haendel ouvrant et clôturant le concert, était particulièrement judicieux. Racha Arodaky nous a permis de comprendre la différence de climats, de couleurs entre ces trois compositeurs, d'ailleurs pratiquement nés la même année (seul Jean-Philippe Rameau, né en 1683, était de deux ans l'ainé de ses deux contemporains allemand et italien).

Le premier volet du concert, dédié aux suites en suites N°5 en mi mineur HWV 438 et N°6 en sol mineur HWV 439 de GF Haendel, initie le concert sous le signe de tout ce qui constitue l'essence de compositions pour clavier du compositeur allemand. Racha Arodaky révèle avec une finesse rare les splendides couleurs de ces sonates, avec le parti pris d'une approche intimiste, délicate.

Arodaky Racha 20091121
On notera la très belle version de la suite N°6 en sol mineur HWV 439 cahier N°2, notamment l'Allemande d'introduction, d'une gravité mais aussi d'une grandeur inouies. Racha Arodaky nous rappelle judicieusement au piano moderne, avec les nuances que ce dernier permet, que GF Haendel était aussi un excellent organiste. La majesté avec laquelle cette Allemande se déploie rappelle inévitablement l'ampleur quasi-orchestrale de l'orgue. L'opposition main droite / main gauche sur cette Allemande fait aussi invariablement penser au chant, à une aria, incarnée par la main droite, dont le thème est repris par l'orchestre, les graves, jouées à la main gauche. Racha Arodaky imprime une tension impressionnante à ce mouvement, due en grande partie à un tempo assez allongé qui apporte comme une sorte de questionnement. On reste accroché au déroulement du superbe motif de ce mouvement du début à la fin.
Le concert se prolonge avec la suite en la mineur de Jean-Philippe Rameau, plus nerveuse, et qui se déroule comme un aiguillon, dont les tonalités plus vives, viennent en contraste avec le clair obscur et les couleurs fondues des suites de GF Haendel.

En troisième partie, Racha Arodaky nous transporte ensuite dans sa lecture sensuelle et délicate des sonates pour clavier de Domenico Scarlatti (sonates en fa mineur K 466, en do majeur K 159, en la majeur K208 et en ré mineur K1). On ne peut que se laisser séduire par la sublime sonate en fa mineur K 466 qui incarne à merveille cette capacité de Racha Arodaky à nous plonger dans une sorte de douceur contemplative.  Avec un jeu gracile, et une grande finesse de toucher, elle donne à ces sonates de splendides couleurs et instaure un climat au charme envoutant. Avec un jeu nécessairement plus articulé que pour GF Haendel, Racha Arodaky nous permet de savourer les belles couleurs méditerranéennes de la musique de Domenico Scarlatti et on sent une réelle intimité avec l'univers du compositeur napolitain.

Le concert se termine par deux suites de Haendel qui s'inscrivent plus, quant à elles, sous le signe de la virtuosité (suite N°5 en mi majeur HWV 430, et suite N°8 en fa mineur HWV 433). Racha Arodaky s'affranchit sans encombres des mouvements les plus difficiles, aussi bien musicalement que techniquement, qu'il s'agisse de la fameuse variation dite de l’Harmonieux forgeron de la sonate en mi majeur, que de la Fugue de la sonate en fa mineur.

En bis, outre le rappel de sa version de la sonate en fa mineur de Scarlatti et dont on ne se lassera jamais, Racha Arodaky fait preuve d'une audace aussi rare que rafraichissante dans le monde de la musique dite classique.

L'un des bis n'est autre que l'accompagnement au piano, sur une pièce de GF Haendel, d'une poésie arabe déclamée par Fadhel Messaoudi qui a rejoint la pianiste sur scène pour l'occasion. Cette magnifique tentative (déjà présentée au public dans le cadre d'un concert à la Fenice) de la rencontre de deux mondes que finalement beaucoup de points rapprochent, s'avère être une superbe expérience humaine et musicale. Les mélismes de Fadhel Messaoudi, raisonnent comme un plainte, que les notes délicatement distillées par le piano, viennent ponctuer. L'intensité émotionnelle de ce duo a indéniablement interpelé le public, et plongé la salle dans un silence impressionnant.

L'avant dernier bis était quant à lui des plus improbables mais d'un charme fou, avec Racha Arodaky se lançant dans le "Do it again" (George Gershwin), immortalisé par Marilyn Monroe, et s'accompagnant au piano. Clin d'œil malicieux et d'une sensualité qui n'avait rien à envier à la blonde américaine !

Le bis final, revenait aux maîtres baroques, et, inévitablement à JS Bach, avec la transcription de l'Andante de la deuxième sonate pour violon seul. L'ampleur là encore quasi orchestrale que prend le piano, rappelle inévitablement, les grandes compositions pour orgue.
Très beau concert, d'une artiste authentique et dont la générosité et la sincérité sont suffisamment
Arodaky Haendel 1
rares pour être soulignées. Dans ma note du 28 septembre 2009, après avoir écouté en avant-première des extraits du disque enregistré par Racha Arodaky et consacré à des Suites de GF Haendel, j'avais déjà fait part de mon enthousiasme sur la façon dont Racha Arodaky poursuit son exploration de la musique des compositions baroques pour clavier.
A l'écoute complète du disque, sorti depuis maintenant environ un mois, je confirme à quel point cet enregistrement est une belle réussite. Comme pour le JS Bach de Murray Perahia, à l'issue d'une audition de ce disque de Racha Arodaky, on ressent une impression de sérénité et de plénitude rares. Ce disque fait indéniablement partie de mes coups de cœur 2009.

Logo Coup de coeur Poisson Reveur 4
GF Haendel - Suites pour clavier - Racha Arodaky, piano - label air note.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Philippe Delaide 1912 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte