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Sarkozy aime l'Amérique... mais pas ses journalistes

Publié le 29 octobre 2007 par Willy

Enième accroc dans une relation très mouvementée: le Président claque la porte d'une interview avec CBS.

Nicolas Sarkozy lève les yeux au ciel. "L’imbécile!" Au beau milieu de son interview avec la chaîne CBS, il décroche le micro de sa veste et se lève. "Au revoir, merci…", dit-il en tournant les talons. Lesley Stahl, la journaliste, défend la question qui semble avoir provoqué le départ du président français: "What was unfair?", "Qu’est-ce que j’ai dit de déplacé?" Il répond sèchement, avec un geste de la main: "Allez!". C'était avant l'annonce du divorce, la question portait sur le sujet sensible.

C'était la bande-annonce du magazine d’information "60 Minutes", diffusé dimanche soir sur la chaîne CBS. Au cours du programme, on le voit de mauvais poil pendant la séance de maquillage, puis refuser de mettre un micro pendant une interview dans un avion. L'"imbécile", à en croire le commentaire de la chaîne, n'est autre que son porte-parole, David Martinon.

CBS avait annoncé un spécial "Sarko l’Américain" qui, contrairement à ce que dit la voix-off de la bande-annonce, n’est pas le surnom que les Français donnent à Nicolas Sarkozy, mais celui que… Nicolas Sarkozy donne à Nicolas Sarkozy. Cela remonte au printemps 2004. Le ministre du Budget d’alors, en visite aux Etats-Unis, lance devant une association juive américaine:

"Certains en France m’appellent Sarkozy l’Américain et j’en suis fier…"

Depuis, du Boston Globe au L.A Times, la presse américaine a repris l’expression (à laquelle on peut rajouter, pour compléter la sainte trinité de l’américanophilie présidentielle: "Il écoute Elvis Presley" et "Il est allé en vacances aux Etats-Unis"). Cet auto-surnom "a fait des miracles" pour son image aux Etats-Unis, s’amuse un journaliste américain. Car pour séduire la presse outre-Atlantique, Nicolas Sarkozy n'a pas eu à déployer beaucoup d'efforts. Et a souvent donné l'impression de ne rien faire pour la courtiser. Au contraire.

En septembre 2006, alors qu'il vient décorer le patron de la police de New York, une journaliste du Daily News lui demande une interview lors du cocktail. "Ne bougez pas, je reviens", lui répond-il. Une heure plus tard, elle s’est fossilisée près du buffet. Le ministre français est parti s’entretenir avec des journalistes français.

Au cours du même séjour, il décline une invitation du service des éditoriaux du New York Times, qui souhaite rencontrer le candidat à la présidence. Un an plus tard, à l’occasion de l’Assemblée générale de l’ONU, l’équipe Sarkozy tente d’exclure la presse étrangère d’une conférence de presse donnée dans l’enceinte des Nations unies.

"Avec nous, il ne peut pas relire et corriger"

C'est naturel, se dira t-on, tous les politiciens préfèrent s’adresser à leurs électeurs. Après tout, les correspondants français aux Etats-Unis sont également ignorés par les attachés de presse des hommes politiques américains.

Mais ce journaliste américain voit un autre motif de réticence de l’Elysée à l’idée de rencontrer ses compatriotes journalistes: "Avec nous, il ne peut pas relire et corriger les interviews" (à la différence de la presse française, la presse américaine n'autorise pas les personnes interviewées à relire la transcription de leurs propos).

En janvier, Elaine Sciolino, la correspondante du New York Times à Paris, avait raconté dans son journal comment, après un entretien avec Jacques Chirac, les quelques journalistes y participant avaient reçu une retranscription corrigée de l'échange, dont avaient été effacées les déclarations les plus controversée. Ce qu'avait écrit Elaine Sciolino:

"C’est une longue tradition du journalisme français d’accorder aux sujets d’interview, du Président aux personnalités de l’entreprise ou de la culture, la possibilité de modifier les textes d’entretiens en questions-réponses avant leur publication."

Lors de son premier rendez-vous avec la presse étrangère, en juin juste après son élection, Nicolas Sarkozy leur avait demandé d’éteindre leurs magnétophones:

"On va tout faire en 'off', on décidera ensuite de ce qui est 'on'".

Abordage hasardeux à Wolfboro

Après son entretien au New York Times et à l’International Herald Tribune le 24 septembre dernier, l’Elysée ne digère pas que l’interview n’ait pas fait la première page du grand quotidien new yorkais, et encore moins qu’Elaine Sciolino ait raconté la scène de la photo, quand Nicolas Sarkozy avait posé les bras autour des épaules d’elle et de sa consoeur en disant: "Je fais un beau métier..."

Le président français n’est pas habitué à perdre le contrôle de sa communication. D’où la porte claquée au nez de Leslie Stahl, de CBS, qui l’interroge sur Cecilia, mais aussi la colère sur le bateau des photographes cet été à Wolfeboro (il avait demandé aux journalistes de rentrer chez eux, ce qu'ils n'avaient pas fait).

Il faudrait pourtant que Nicolas Sarkozy s’habitue au fonctionnement de la presse américaine. La semaine prochaine, il sera à Washington, et on risque de l’interroger sur sa vie de "bachelor", que cela lui plaise ou non.

A la fin du reportage de CBS, la journaliste lui demande pourquoi on le voit toujours dans les médias. Il lui fait remarquer qu’elle lui a aussi demandé un entretien. "Touché", dit-elle (un mot français passé dans le vocabulaire anglais). "Coulé", ajoute-t-il.


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