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Perverse cité

Par Collectifnrv

La perverse cité : 
Le vice privé  
à l’heure de la reproduction  
des turpitudes publiques.

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Michel de Nostredame n’était pas très serein quant aux perspectives de l’an 1559. Il prévoyait quelques troubles et bouleversements, graves et sans précédent : 

« Et sera telle mutation qu'ait esté depuis le temps des Halarics, Honorics & Vandales, onques ne furent tels evenemens, & tels que plusieurs ne voudroyent jamais estre nez. »  

annonçait-il par exemple (en 1558) , dans son style volontiers chantourné.  
Bien qu’assurément fort troublée, l’année 1559 fut pourtant bien moins pourvue en merveilles dignes de frapper de stupeur les contemporains du temps, que celles que nous allions connaître 450 ans plus tard, sous l’impérieuse initiative du prince bouffonnant et de ses zélés courtisans. Frappant plus encore que s’ils avaient affecté la course des astres dans les cieux, des prodiges inouïs vinrent renverser cul par dessus tête tout l’agencement des valeurs et des préceptes qui ordonnait jusqu’ici la bien pensance du royaume, la quiétude des chaumières à la lueur des écrans de radiovision qui brutalement se couvrirent des stupéfiantes images du spectacle inverti. 

2009 eut-il été le chiffre de la bête qu’on eut pas assisté à plus d’ « evenemens & accidens inouys & inaccoustumez » : Là le ministre larmoyait son soutien aux suborneurs d’enfants, en confessant publiquement ses pratiques touristiques lubriques pour mieux récolter l’approbation générale de ses pairs, ici le prince appropriait les plus juteuses sinécures à sa descendance médiocre en piétinant tous les redevables méritants et le droit coutumier. Tous, partout, invoquaient les plus viles raisons comme des aspirations justement sanctifiées. Pour accompagner ce renversement de toutes les valeurs on assistât au relâchement généralisé des pulsions jusque là contenues au nom du bien public et des mœurs partagées, on ne vit plus que génuflexions , échines courbées devant la face du veau d’or, dans les torrents de stupre et de corruption répandue en offrande et témoignage de la nouvelle piété, vouée au déchaînement effréné des passions égoïstes.  
Comme pour convaincre le peuple de célébrer la grande crise conjurée, les nantis et les puissants donnèrent le départ et l’exemple de la bacchanale sous la nouvelle maxime du temps : jouir sans plus d’entraves et conchier les archaïques vergognes. 

Le trouble et la confusion sont tels en cette nouvelle ère que les sages et les prêtres du culte dédaignent leurs anciens domaines d’autorité pour consacrer leurs oracles savants et sentences profondes aux plus étranges controverses, que la veille encore ils rejetaient au rang des futiles et vulgaires vanités.

Tels débattent doctement des nouveaux principes de haute morale , d’honneur et d’identité nationale qui nous commandent plutôt de laver la honte insigne d’un coup de main impie de footballeur que se soucier de l’accablement des pauvres et des faibles au prix de la prospérité inique des riches et des puissants, tandis que tels autres mobilisent l’opinion sur les dommages subis des effets du carnaval radiovisé qu’ils fustigent comme accapareur de la charité des dupes au détriment de leur escarcelle personnelle, que d’autres encore ferraillent sur les caveaux à pourvoir au Panthéon comme de l’affaire la plus cruciale et comminatoire requérant la puissance publique , et que d’autres un peu plus loin accaparent les gazettes multimédiatiques du reniement proclamé de leur sœur voire leur mère en politique, aux motifs de piquage d’assiette respectifs.  
Toutes disputes de cabaret naguère jugées vaines et ridicules, prospérant désormais dans le relâchement général, l’évanouissement d’instances dont les édiles se dissolvent en coma catatonique ou divagation égarée, au son aigrelet des mandolines italiennes désaccordées, alternant les râles ultimes éructés par des rockers séniles mais fortunés.

Mais alors ce « temps où nous sommes » est-il bien celui que décrivait l’auteur de « La Vie sur terre » et l’aveuglement avec :

« Mais pour nous qui sommes dans l'époque annoncée, il y a bien d'autres récréations et ces phénomènes célestes nous laissent complètement indifférents; nous ne perdons pas notre temps à conjecturer sur les « evenemens & accidens inouys & inaccoustumez » que porteraient à notre attention ces signes précurseurs, ces avertissements d'une révélation imminente de vérités encore cachées dont par ces présages nous serions bientôt les curieux spectateurs »

Dany Robert Dufour , déjà chroniqueur des origines de ce temps venu du « divin marché » , a quant à lui prévu et annoncé cette « perverse cité », qui est la notre désormais et compris qu’elle n’augure en rien d’un prochain armageddon décliné en grotesque , mais qu’elle n’est que le fruit monstrueux des noces d’Adam Smith et du Marquis de Sade, accomplissement instrumental des impénétrables desseins du divin marché qui désormais imprime à toute chose la marque de la marchandise et la seule nécessité de circuler.

Pour Dany Robert Dufour ce temps est celui du pervers puritain, de l’accomplissement enfin en actes du modèle névrotique pascalien : l’union de l’amor dei et de l’amor sui rendue enfin possible par le libéralisme du capitalo-parlementarisme de (divin) marché, qui n’a plus guère que ce recours pour occulter que ce « tout est permis » coïncide pour le plus grand nombre avec le « mais rien n’est possible ».

Alors ? 
Saluerons-nous comme Pascal :

«  la grandeur de l’homme d’avoir tiré de la concupiscence un si bel ordre » ?

Urbain


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