À quoi peut bien servir un salon du livre en 2009? J’ai eu la chance, l’honneur, le privilège, appelez ça comme vous voulez, de déambuler dans les allées bondées du Salon du Livre de Montréal avec des majuscules partout, le week-end dernier. Je me demande encore à quoi cela a servi mais surtout pas à parler du “livre quoi?”
Dans les salons du livre, on vend même d'obscurs best-sellers à la criée mais jamais on ne parle du "livre quoi".
Tout ce que j’y ai vu, c’est beaucoup de monde, des conférenciers aux tempes grisonnantes parlant de sombres histoires d’éoliennes perdues au fin fond de l’Abitibi dans l’indifférence la plus totale, des camelots vendant à la criée une trilogie en coffret estampillée best-seller comme si c’était des poissons frais fraîchement débarqués et dédouanés, beaucoup de sacs en plastique avec des livres dedans et des caisses enregistreuses avec des tiroirs qui s’ouvraient et se refermaient. J’ai même été adroitement approché par un auteur inconnu qui m’a vendu son livre comme si c’était le livre du siècle, le best-seller du millénaire; un tout petit format d’à peine 100 pages pour 19,95$. Droit dans les yeux, je lui ai demandé s’il ne se foutait pas poliment de ma gueule.
J’ai cherché des libraires passionnés par la lecture, et pas seulement par le livre. J’aurai aimé parler avec eux des nouvelles tendances, des nouvelles formes d’écritures, des auteurs qui montent mais ce n’est pas évident quand le tiroir de la caisse enregistreuse qui est juste à côté de vous s’ouvre et se ferme tout le temps. J’ai essayé d’approcher des éditeurs. Je me suis dit que eux savaient mieux qui quiconque les nouvelles tendances. Là encore, syndrome de la page blanche sans doute, personne pour me répondre. Pire encore, l’un d’eux me confiait que les éditeurs ne venaient plus sur le salon. Ils restent une heure ou deux et puis s’en vont. Un peu comme les petites marionnettes de notre enfance. Une heure ou deux sur 4 jours de salon, c’est un beau record.
Naïvement, je croyais que dans un salon du livre, j’allais pouvoir en apprendre plus sur les nouvelles tendances et surtout échanger sur la question chaude du moment: le livre numérique. Le livre quoi? Mais quelle question idiote, Jean-François. Heureusement que l’Inquisition n’existe plus; je serai actuellement en train de brûler sur le bûcher de ma vanité. Effectivement, le Salon du Livre de Montréal n’a pas parlé, ni fait a la démonstration du “livre quoi?”. Je crois même que personne ici n’en a entendu parlé. Je crois que, un peu comme dans Harry Potter, il ne faut pas prononcer le mot, de peur qu’il revienne, comme Freddy, nous griffer en pleine nuit. Nos courageux confrères du magazine Entre les lignes ont fait une tentative pour aborder le sujet. J’espère qu’ils ne seront pas excommuniés!
Effectivement, le salon du Livre de Montréal, comme finalement bien des salons du livre du monde, est un salon du livre mais du livre objet, celui qui peut se monnayer, le métronome des caisses enregistreuses bien huilées. Mais certainement pas un salon pour valoriser la lecture, les jeunes auteurs, les créateurs, les éditeurs qui, dans un souci d’équilibre entre la passion et la raison, déploient des trésors d’ingéniosité pour publier des histoires, des vraies. Et surtout pas un salon pour les générations à venir, vous savez la fameuse génération Y, celle qui est née avec un écran entre les mains et qui, demain, va consommer du “livre quoi?”
En partant du salon, j’ai jeté un oeil sur le poster de la photo du conseil d’administration qui pilote ce genre de Salon du Livre: têtes grises et costumes noirs austères. Et là, j’ai tout de suite compris.