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Chirurgie de la transparence

Publié le 24 novembre 2009 par Menear
cartemuette.jpgCarte muette, de Philippe Vasset, quelques années avant Journal intime d'un marchand de canons, couverture pleine et blanche, cent petites pages à peine, presque muettes, justement, carte à lire entre les paragraphes, en blanc sur blanc, une tentative de cartographie l'Internet (mais fictive, enfin on suppose), terrible, géniale, florilèges :
En guise de point de départ, nous joignons à cet envoi une étude réalisée il y a quelques mois par une de nos filiales, Search.com. Il s'agit d'un plan d'occupation des sols électroniques, une évaluation de la taille du réseau au 1/25000e clic. Ce relevé se présente sous forme d'un tableau statistique, résultat de plusieurs mois d'expérience : Search.com a conçu de petits logiciels, paramétrés pour avancer sur Internet en passant d'un site à un autre grâce aux liens, ces adresses inscrites dans une page et sur lesquelles il suffit de cliquer pour être transporté vers une autre page. Ces objets ont été lancés à partir d'un site quelconque et ont parcouru le réseau jusqu'à ce qu'ils ne puissent plus progresser. L'opération a été répétée à de nombreuses reprises, en partant à chaque fois de points différents, le but étant de répondre à deux questions : 1) Quelle est la taille du réseau (autrement dit : combien de pages sur Internet) ? Et surtout : 2) Combien d'étapes entre un site donné et un autre ?
Philippe Vasset, Carte muette, Fayard, P.27.
En d'autres termes, Internet est, dans sa plus grande partie, privé, et les informations sur ses soubassements protégées : le tracé des mailles électroniques doit rester blanc sur les cartes.
P.36.
Tout s'était fait peu à peu : les livres amenés au boulot, la radio cachée dans un placard, bientôt la télé. Le jour où l'on saute le pas du lit de camp, pour ne pas perdre des heures dans le train. Puis le micro-ondes, la machine à café. Un jour, on arrête de payer le loyer de l'appartement où l'on ne va plus jamais, pour voir. On est de plus en plus disponible, on est prêt à faire des vacations de vingt heures, parfois plus. On apprend à être prudent, à soigneusement cacher ses affaires, à éviter les contrôles. On dort quelques nuits chez des amis, pour se convaincre que la situation n'est que temporaire. Mais on a effectivement élu résidence dans une cabine de gardien : on ne protège plus rien d'autre que son espace de vie. Et sur les écrans, le quotidien anonyme saisi à la dérobée, intime comme un souffle : non pas la radiographie de la cité, mais la chair même de la ville, maltraitée par la chirurgie de la transparence.
P.46-47.

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