"La démocratie directe a été conçue comme contre-pouvoir populaire aux pouvoirs délégués des élus et de l'Etat. Il n'a jamais été question d'en faire une poubelle à émotions, où le premier venu, muni d'un peu d'argent, d'un peu de talent ou d'un peu de roublardise peut appeler le peuple à se lâcher" [c'est votre serviteur qui souligne l'expression injurieuse, et scandaleuse].
Les 57,5% des électeurs suisses, qui ont approuvé l'initiative populaire demandant l'interdiction de nouveaux minarets, apprécieront que l'urne démocratique et directe dans laquelle ils ont délibérément et calmement déposé leurs bulletins de vote soit considérée par la plumitive du Temps comme "une poubelle" où ils se seraient "lâchés", et que l'UDC, qui est le premier parti de Suisse, avec près de 30% des suffrages aux dernières élections fédérales, soit considéré par la donzelle comme "le premier venu" [la photo ci-dessus provient du site Dreamstime ici].
La Suisse a un instrument démocratique, que les autres pays du même métal n'ont pas, et que leurs peuples lui envient, la démocratie directe. Le Dictionnaire Historique de la Suisse (ici) précise que l'initiative populaire, qui est ici un des droits populaires, constitue, avec le référendum populaire, le noyau de la démocratie directe helvétique:
"Comme dans le cas du référendum populaire , il s'agit d'abord d'un instrument d'opposition, contre une majorité politique et des autorités dont on se
méfie. Mais le référendum tend à maintenir le statu quo, alors que l'initiative vise à introduire un changement, dans la Constitution, sur le plan législatif ou dans un domaine relevant
de la compétence d'une autorité élue." [c'est encore votre serviteur qui souligne les mots importants].
Dans mon article d'hier (ici) j'ai insisté sur le fait que justement l'UDC et ceux qui ont voté
pour son initiative, lancée conjointement avec l'UDF, représentant en quelque sorte le pays réel, s'étaient prononcés contre toutes les élites du pays légal, dont ils se
méfiaient au point de ressentir qu'elles les trahissaient, c'est-à-dire qu'elles ne défendaient pas leurs valeurs, face à une toujours possible islamisation du pays.
Avant le vote, je n'étais pas sûr que l'interdiction de la construction de nouveaux minarets fût la bonne réponse à cette méfiance à la fois à l'égard des élites suisses, qui se montrent
veules dès qu'un obstacle surgit, et des musulmans de Suisse, qui ne condamnent jamais clairement les exactions de leurs coreligionnaires radicaux. Mais je suis sûr maintenant qu'en
s'attaquant à ce symbole de domination, qu'apparaît le minaret, les initiants ont touché l'endroit sensible qui permet de démasquer les musulmans véritablement
radicaux.
Joëlle Kuntz demande à la fin de son édito aux sages, vraisemblablement aux membres du Conseil fédéral, d'avoir le courage d'utiliser les moyens institutionnels à leur disposition pour
"endiguer [les] dérapages" tels que le vote de dimanche dernier. En résumé sous prétexte de protéger la démocratie, elle demande que la parole ne soit plus
donnée au peuple sur des sujets de société où il déraperait, c'est-à-dire ne voterait pas comme elle. Autrement dit : quand le peuple vote mal, il faut le faire taire.
Dans ce contexte j'ai été heureusement surpris par le ton de l'édito de ce jour de Nicolas Verdan dans 24 Heures (ici)
"Il n’y a pas de honte à être «contre». Contre l’initiative sur les minarets, ou contre les minarets, à chacun son opinion. C’est même, en Suisse,
un droit de pouvoir l’exprimer.
Et pourtant, chez les perdants de dimanche, tout le monde ne l’entend pas de cette
oreille. Déçus, c’est aussi un droit, fâchés, c’est tout naturel, outrés, on comprend, certains considèrent le résultat des urnes comme une atteinte à la démocratie. Là, ils ont tort. Au nom des
«pour», «pour la tolérance», «pour l’ouverture», «pour l’intégration des étrangers», quelques chantres de la démocratie directe vont jusqu’à demander aujourd’hui l’arbitrage
étranger. Quitte à soulever les urnes dépouillées pour les reverser sur la table des juges à Strasbourg.
Quelle que soit l’amertume ou le sentiment d’injustice éprouvés au lendemain du
vote, aucune valeur supérieure du «bien» n’autorise quiconque à remettre en question la vox populi. En âme et conscience, de nombreux Suisses ont voté. Et personne n’a le droit,
ici ou ailleurs, de prétendre qu’ils se sont trompés." [c'est votre
serviteur qui persiste à souligner].
Cette attitude
anti-démocratique des perdants apporte de l'eau au moulin de l'UDC qui, dans un communiqué publié hier, disait (ici) sous la signature de son secrétaire général,
Martin Baltisser :
"Au lieu d'accepter tout simplement la décision du peuple, on brandit la menace du droit international public. On
ose affirmer que le dernier mot n'appartient pas au peuple, mais au Tribunal fédéral, voire à la Cour européenne de justice. Avancer de pareils arguments, c'est manifester une conception
lamentable de la démocratie et mépriser ouvertement les droits populaires".
Aussi bien les déclarations de la Haut-Commissaire de l'ONU (ici), où siègent surtout des dictatures, que
celles de pays respectueux des droits de l'homme et de la liberté religieuse tels que la Turquie, l'Iran (ici) ou la Jordanie, ne devraient pas intimider les sages du Conseil fédéral, qui devraient défendre la démocratie modèle de
ce pays. Mais vu leurs reculades de l'année écoulée, cela semble beaucoup leur demander.
Avant-hier Philippe Barraud sur Commentaires.com écrivait (ici):
"Nous avons la chance, mais peut-être plus pour très longtemps, de
bénéficier de droits populaires très étendus. On aurait tort de croire qu'ils sont là pour l'éternité. Plus les Suisses votent contre la classe politico-médiatique, plus les manoeuvres pour
les faire taire vont se multiplier".
Il faut espérer que Philippe Barraud se trompe et que Joëlle Kuntz n'ait pas raison.
Francis Richard
Nous en sommes au
500e jour de privation de liberté pour Max Göldi et Rachid Hamdani, les deux otages suisses en Libye