Décidément, le boss de Babylone en a toujours de bonnes sous le pied ! Il y a à peu près un an, me faisait-il découvrir avec des airs de ne pas y toucher, un album (le Bodies Of Water) qui faisait sérieusement chanceler mes certitudes quant au podium de fin d'année. Sans remettre en cause son lauréat certes ; mais le coup n'était pas passé loin !
Et là, ne voila-t-il pas que Ju remet ça par le truchement d'un colis piégé, y'a pas d'autre mot ! Ce coup-ci, la révélation tardive a les traits d'un anglais dégingandé et blafard - comme nombre d'anglais oeuvrant dans la pop, il est vrai ! - , qui a déjà plusieurs albums et EP sous le bras ; ainsi qu'un pédigrée euh... plutôt insolite !
Déjà, le garçon affiche une excentricité qui renverrait Klaus Nomi (l'un de ses héros) au rang de clone vestimentaire de Thierry Ardisson ou de n'importe quel geek versant dans la folk lo-fi ! L'homme a connu une évolution plutôt chaotique, ombrageuse (avec bastons, renvois de pensions en tout genre), et sa personnalité barrée et difficilement gérable, n'a ainsi pas échappé à Ju, qui au delà d'une signature au sein de Babylone Promotion, m'a ainsi refilé le bébé, ce dont je lui saurai éternellement gré !
A bien des égards, l'univers kitsch de ce grand échalas romantique et ténébreux renvoie à l'identité anglaise ultime : pour une fois, il nous sera donné d'écouter un album novateur made in Albion, n'ayant strictement aucune influence indé américaine. OK, l'electro métal coup de poing de "Battle" pourrait avoir été signé par Nine Inch Nails sans problème, mais ne compliquons pas les choses, voulez-vous ! Ce titre excepté, tout ici évoque l'excentricité britannique et qu'il s'agisse de la voix, des partis-pris mélodiques chatoyants, de ce côté glitter rutilant, ou le chant souvent ampoulé, on a l'impression d'entendre des gens aussi différents que Billy Idol, Marc Almond, Matt Johnson (de The The), ou bien sûr David Bowie, jammer ensemble !
Au delà du parcours erratique, Wolf présente cette double originalité de la jouer solo en s'assumant comme tel sans nom d'emprunt (il n'y en a pas tant en Grande-Bretagne, en cette époque où règne le pseudo idiot !), ainsi que de revendiquer le statut de violoniste et d'altiste. Or, depuis le génial John Cale -il y a bien eu Angelo Branduardi mais...- qui d'autre pour venir haranguer ainsi le public ?
Alors un conseil : ne pas se fier au gloubi-boulga indigeste que peut susciter sur le papier cet alliage de musique classique (mâtiné de chant traditionnels irlandais !), sur son tapis de batteries plus ou moins synthétiques ! Dit comme cela, on pense aussitôt à ces horreurs sans nom que sont les épouvantables Era, et cette odieuse manie AndréRieuesque de vulgariser classique et variétoche de bas étage !
Pas question non plus de trop s'attarder sur la pochette rétro-futuriste, aux faux airs de jaquette de jeu video pour mutant intergalactique - OK The Bachelor est une auberge epagnole, mais qu'est censée représenter la balalaïka sous ce fond d'éclairs ?
Ce serait gacher le plaisir de découverte de tous ces titres que sont "Hard Times", le divin "Damaris", "The Bachelor", qui tiennent tout à la fois des hymnes de stade, de par le redoutable charisme de leur interprète, que des chants traditionnels irlandais ; on pense là aux ancienne scies des Waterboys.
Ce serait ignorer ces curieuses chansons minimalistes ("Oblivion") à rythmiques piquées à Aphex Twin -que devient-il au fait ?!-, cette scie muzak irrésistible qu'est "Vulture" qui nous ramène aux riches heures de Soft Cell, ou "Visage avec ses faux airs de "Fade to Grey" des années 00's !
Sans compter les paroles provocantes et sexy, jouant d'une sexualité bivalente sur les paroles de nombre des titres de l'album ("I'm just gonna freak you out by being so sexy, you'll just want to dump your wife and run off with a man" dudit "Vulture"), qui donnent à l'album ce parfum de soufre propre à toute réussite britannique - il faut cela aussi pour ressortir du lot !
Dans le title-track bien nommé et qui emprunte à un traditionnel, Patrick prétend ne jamais vouloir se marier dans une voix étranglée. On lui souhaite en tout cas du haut de son célibat revendiqué, de porter haut et fort des chansons aussi belles que "The Messenger", la lumineuse et déchirante "Who Will", et quasi tout ce qui a été cité, en fait !
Comme s'en est auparavant fait l'écho Babylone Promotion, la suite des aventures est déjà prévue : ce sera début 2010, avec un 5ème opus intitulé The Conqueror, qui devait à l'origine être publié en même temps que l'album qui nous occupe. On a hâte de regoûter à l'art sulfureux mais irradiant de ce jeune prodige à multi-facettes, et on envie déjà les festivaliers des Transmusicales qui seront à même de jouir d'une affiche qui tiendra la route - outre le Wolf, l'un des chouchous de Dodb, The Field !
En bref : un disque qui s'apparente à une odyssée : 50' de musique qui donnent l'impression d'avoir revisité moult aspects de la musique pop anglo-saxonne, jusqu'aux tréfonds des folklores traditionnels. Le tout assorti d'une voix, d'un charisme, d'un artiste déjà plus important que son oeuvre.
Le site officiel et le myspace
le clip de "Damaris" :