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Anthologie permanente : Philippe Dôme

Par Florence Trocmé

Manifeste

Lequel d’entre nous, frères humains, n’eut sous la main, n’a, n’aura un jour ou l’autre, par accident ou à plein temps, quelque variété de litige à ruminer, quelque primeur-surprise à croquer, quel&que cause verdâtre à plaider, bref quelque salade avec laquelle composer dans sa vie ?
   Pour ma part, je célèbre les écritures qui prospèrent sur le fumier de mes jours. Comme certains font du jogging ou du saut à l’élastique, moi je fais de la poésie en pleine terre.
   C’est tout de même plus facile que la prose, qui par définition s’y oppose, où la pensée s’entortille de principales en insubordonnées :
   si je ne m’abuse, ô Muse, il suffit d’aller à la ligne,
   avec ou sans majuscule, virgule, point,
   de ne pas les remplir
   et de ne pas se retourner,
   ressasser le passé (point),
   ce qui permet de faire de jolies vagues injustifiées
   en l’absence totale de canal (point virgule),
   de franchir allègrement des trous-de-vie,
   de faire passer sans douleur l’incohérence invétérée du cogito,
   le discontinuum existentiel impassible,
   et surtout de lutter contre les aises abusives de la Raison.
   L’incomparable avantage de la poésie, en somme, c’est qu’elle étale sa porose en vers et contre tout.
•••
  Hommage à Bruno Montels
Panégyrique s’il vit

C’était le roi des mâche-mots (ou si vous préférez déglutisseurs de poésie)
Pur produit du désespoir (ou si vous préférez du mal-être)
La dernière fois que je l’aurai rencontré (car il vient de mourir et on l’enterre aujourd’hui)
C’était rue Jean-Baptiste Delacroix je crois
J’étais assis sur une broyeuse de chocolat seul mobilier de la salle au fond de laquelle il avait l’air d’hélicopter au-dessus de ses jambes ses longs cheveux frisés en hélice
Il transpirait plus que jamais la poésie ailée (spécialité déroutante)
Au point d’en défaillir nous avions autrefois mis au point nos langages
Au point de ne parler que depuis leurs arcanes (ou si vous préférez de vive voix lui d’une voix lointaine la mienne aliène)
Ce qui était important ce jour-là m’a échappé depuis hélas hélas hélas hélas
Au Père Lachaise aujourd’hui une foule se presse au-dessus des morts de tous bords (ou si vous préférez toutes bières confondues les mausolées les escaliers bordés de buis les plates-formes les paliers les reposoirs perchés en retrait des allées)
Trois jours déjà que de sa vie entière le jour ne se lève pas
C’était un merveilleux charabieur mon ami de longue date mon frère
ès-borborygmes (spécialité poétique vomitive paroxystique et parodique)
Il m’exclut de sa souffrance et de sa déchéance le pauvre
Seul mon souci demeure (ou si vous préférez ma gêne spécialité prosaïque)

Ces deux poèmes de Philippe Dôme ont été adressés à Poezibao par Tibor Papp qui travaille beaucoup avec lui. Voir ici, notamment autour de l’adaptation d’atelier, méthode de traduction particulière mise au point par Papp & Dôme..

Contribution de Tibor Papp, publiée par Florence Trocmé
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