Bon, soyons francs: 12 ans après sa sortie, le disque n'a pas vieilli, bien au contraire, comme il est possible de l'entendre sur le premier CD, reprenant l'intégralité de l'album, qui achève encore et toujours de pourrir l'inconscient pour mieux le purifier. Premiers accords, et on replonge sans comprendre pourquoi l'effet est toujours aussi bouleversant. Donc, le disque passe, sans s'arrêter; et la dépendance revient, chacun redevient le "drug-addict" nourri aux tablettes prescrites dans le livret de ce disque (qui, rappelons-le, se présentait sous la forme d'une notice de médicament; rien que l'idée était déjà sensationnelle, bien que risquée...). Et l'envie d'aller plus loin se fait de plus en plus pressante. Donc, disque 2: et là, les différentes versions de pratiquement chacune des chansons s'enchaînent sans discontinuer, dans un torrent de bruits et de vagues silencieuses. La version "uncut" de Ladies and Gentlemen est tout simplement à pleurer; celle, plus nerveuse et à fleur de peau de No God, Only Religion, à vif, directe, frappante, violente et sombre. Deux exemples parmi tous les autres titres, mais qui reflètent l'impression que donne cette version longue de l'album; entre expérimentation floydienne (on pense parfois à Alan's Psychedelic Breakfast dans la manière de combiner les différentes interprétations d'un seul et même morceau) et réorchestrations assumées, on assiste à la genèse d'un chef-d'oeuvre, par ses coups d'éclats, ses actes manqués, ses mélodies qui se chantent et se composent sans cesse, évoluent, deviennent mutantes et entêtantes. Pas un moment d'ennui, sur plus de trois heures de musique.
En sortant cette édition, Jason Pierce invite chaque auditeur aussi bien à partager sa vision de la création musicale (chaotique, celà va de soi; ce ne serait plus Spiritualized, sinon), mais permet également aux fans ultimes du disque de découvrir la version "director's cut" de cet album que le NME avait, en son temps, élu meilleur album de l'année; ce qui est facilement compréhensible. Alors on fouille, on décortique, on écoute encore et encore, on se prend même à se dire que telle version, ou telle idée, aurait eu sa place dans le choix final des orchestrations de ce joyau; l'interactivité totale, l'offrande faite au dieu-auditeur, le trip ultime. Indispensable...