Magazine Cinéma
Quand la cinéphilie se fait geekitude, l’introspection est aussi importante que la création de listes diverses et variées où nos goûts s’étalent. L’introspection pour jeter un œil sur ce qu’on aimait voir à telle époque, combien de films on allait voir en salles en telle année… Une façon de voir se dessiner les films qui ont construit petit à petit le cinéphile que l’on est devenu.
Le premier souvenir cinématographique par exemple. Quel adulte n’a jamais tenté de se remémorer quel fut le film qui l’introduisit pour la toute première fois au cinéma. A ce plaisir de se trouver dans une grande salle, qui à l’époque nous paraissait certainement immense, pour regarder un film avec des personnages grands comme une montagne à nos yeux d’enfants.
Quel est le premier film que j’ai vu au cinéma ? Cette question, je me la suis posée, et aussi peu évidente soit-elle, la réponse m’est toujours venue facilement. J’ai toujours associé un film en particulier à mon premier souvenir de cinéma. Parce que c’est comme une évidence, je soupçonne fortement cette sensation d’être erronée. Déjà parce que ce souvenir n’est pas celui d’un film d’animation. Non, mon premier souvenir n’est pas un Disney. Pourtant c’est dans la plupart des cas la réponse qui vient lorsque l’on pose la question à quelqu’un. « Le premier film que j’ai vu au ciné, gamin ? Oh c’était un Disney ». Les 101 Dalmatiens, Le livre de la jungle, Robin des Bois, La Petite Sirène, Le Roi Lion, tout dépend de notre année de naissance, mais en général, le premier souvenir est un Disney.
Moi, dans cette optique, cela serait Basil, détective privé, cette transposition dans l’univers des souris de l’œuvre de Arthur Conan Doyle et de son duo Sherlock Holmes / Docteur Watson, sortie à Noël 1986. J’avais 5 ans, et c’est probablement l’un des tous premiers films que j’ai vu au cinéma.
Pourtant, rien à faire, j’ai un autre souvenir. Un souvenir que je cultive depuis suffisamment d’années pour que je sois persuadé qu’il est véridique, alors que franchement, je ne parierais pas ma vie dessus.
Ce souvenir, c’est Pirates de Roman Polanski. Aussi loin que je farfouille ma mémoire de spectateur, la première image qui me vient à l’esprit lorsque je plonge au plus loin dans mon enfance, c’est celle de Walter Matthau et Cris Campion, sur leur radeau de fortune, en plein océan. Le capitaine pirate et son moussaillon appelé Grenouille. L’image est vive, je la vois clairement. Je me vois enfant, accompagné de ma grand-mère (mes parents et ma sœur étaient-ils là, impossible de me souvenir), dans cette petite salle du cinéma Jacques Tati à Tremblay-en-France.
Ma grand-mère m’accompagnait-elle vraiment ? Cette première rencontre avec le cinéma a-t-elle bien eu lieu au Tati, en ce jour de 1986 ? Le film était sorti en France en mai, dans la foulée de sa présentation au Festival de Cannes. Possible. La seule personne qui aurait peut-être pu répondre à cette question avec plus de certitude que moi est morte bien avant que la question me taraude. D’ailleurs c’est étrange, car c’est justement après la mort de ma grand-mère que j’ai commencé à m’intéresser plus sérieusement au cinéma. A l’été 1996. Très étrange.
Je ne saurai certainement jamais avec certitude si Pirates est bien le premier film de ma vie au cinéma. L’impression restera, et le doute avec, sans jamais m’empêcher de dormir la nuit pourtant. Et vous, vous êtes-vous déjà posé la question ? C’était lequel, ce fameux premier film ?