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Chaque livre a ses lecteurs. Ah !

Par Georgesf

Une visiteuse de ce blog vient de m’envoyer un mail privé, un mail tout embêté qui me laisse bien embêté. Je me sens obligé d’y répondre publiquement, car cette visiteuse a raison - bravo Corinne.

Je synthétise le message :

Après votre billet sur » l’Élégance du hérisson », on n’ose plus dire qu’on peut aimer ce livre. Or moi, je l’ai beaucoup aimé. Je l’ai même offert à d’autres personnes. Et j’ai bien aimé aussi votre dernier roman, je ne dis pas ça pour me rattraper. Vous devez accepter l’idée que chaque livre peut avoir ses lecteurs.

Et Corinne explique de façon argumentée – je résume encore plus – qu’un lecteur peut détester un livre pour certaines raisons, et qu’un autre peut l’aimer pour d’autres raisons, voire pour les mêmes raisons.

J’en conviens. Et je dois reconnaître que nous, les auteurs, nous avons tendance à l’oublier.

Je connais des gens très bien qui ont apprécié « L’Élégance du hérisson ». Certains me l’ont même recommandé : « Je suis sûr que tu vas beaucoup aimer, c’est tout à fait ton genre ». Ces certains-là me connaissent depuis longtemps, lisent mes livres, et les aiment souvent - pas tous, ce qui prouve leur sincérité. Ils ont aimé les personnages extravagants de Muriel Barbery, ils ont aimé leur liberté de digression, leur humour noir, leur vision de la société. Ils ont aimé la légèreté du style de l’auteur. Ce livre était fait pour eux. Muriel Barbery ne le savait pas en l’écrivant, mais ils l’ont senti en le lisant. Chaque livre a ses lecteurs. Et lecteur peut être le lecteur de plusieurs livres, de plusieurs auteurs.

Comment puis-je oublier cette donnée ?

J’ai pourtant longtemps travaillé dans la communication. J’ai passé des jours à étudier les cibles de tel produit, à resserrer le ciblage (certains produits comme les lessives visent 50% de la population, d’autres comme les parfums ne visent que 5%). Je dois « accepter l’idée » qu’un livre peut, lui aussi avoir, sinon sa cible, au moins son lectorat. Et ce lectorat n’est pas le même, selon les livres d’un même auteur. Après tout, si, de mon côté, je n’ai pas été emballé par Les Onze de Pierre Michon, j’ai beaucoup aimé Abbés. Et j’ai apprécié Mythologies d’hiver.

Pourquoi aime-t-on un livre ? Je ne m’étais jamais posé ce problème avant d’écrire. J’ai maintenant la réponse, car je lance fréquemment la question aux lecteurs que je rencontre dans les salons, ou qui m’envoient des mails après lecture. La réponse , c’est qu’on ne peut pas savoir. Les raisons pour lesquelles ils ont aimé tel roman ou même telle nouvelle sont étonnamment différentes. C’est déconcertant et d’ailleurs rassurant : cela évite à l’auteur d’écrire pour chercher à plaire, ce serait trop difficile. Le racolage n’est même pas une tentation.

Assez curieusement, les raisons pour lesquelles on n’a pas aimé un livre sont beaucoup plus convergentes.

Tout cela pour dire que mes lecteurs ont le droit d’aimer « L’Élégance du hérisson ». Et surtout, les lecteurs de « L’Élégance du hérisson » ont le droit d’aimer mes livres - je ne vais quand même pas me priver d’un lectorat qui dépasse le million.


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