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Olivia Jeffries, "Observation point" (auto-édition)

Publié le 16 décembre 2009 par Blogcoolstuff

Olivia Jeffries est de ces artistes qui portent un intérêt tout particulier aux supports de leurs créations. Ses interventions plastiques, qu'elles relèvent du dessin seul ou de la peinture, sont en effet pensées comme étant de l'ordre du complément, du supplément apporté par l'artiste au déjà existant.

En l'occurrence, pour cette jeune artiste britannique, l'existant c'est essentiellement le papier ou plus précisément ce que les chineurs appellent les "vieux papiers", soit toutes sortes de papiers pourvu que ceux-ci portent les stigmates d'un usage passé, d'une existence antérieure : couvertures de livre griffonnées, cartes postales partiellement rédigées, carnets amputés, feuillets divers et variés significativement altérés, etc.
Bref toutes sortes de papiers déjà porteurs d'un sens, sens qu'Olivia Jeffries se plaît, dans un premier temps, à interpréter avant de concevoir, dans un second temps, la nature de sa propre intervention pensée de telle sorte, on s'en doute, que chacune des strates de significations couchées sur le papier entre en résonance les unes avec les autres et s'enrichissent ainsi mutuellement.

Quant à la nature de ses interventions, elle révèle quelques constantes autres que le principe de complémentarité, de dialogue avec le préexistant. On peut ainsi évoquer pêle-mêle la thématique de la féminité et de sa corporéité traitée avec une pudeur pourtant non exempte d'une réelle sensualité, la volonté de révéler le beau plutôt que l'espoir narcissique de le créer de toute pièce, l'intérêt porté à la grâce de phénomènes aussi ténus qu'un simple geste, un goût complémentaire pour les formes abstraites et géométriques généralement peintes à la gouache quand les silhouettes humaines sont presque exclusivement tracées au crayon d'un trait dont l'apparente simplicité n'est pas étrangère à une certaine forme d'académisme...

Autre constante : quel que soit le sujet traité, l'intervention d'Olivia Jeffries se veut toujours discrète, désireuse de se placer sur le même plan que les traces déjà présentes sur le papier choisi. L'ensemble a ainsi toujours la distinction d'un "puis-je m'assoire à vos côtés ?" bien étrangère à la balourdise contemporaine du "pousse toi de là que je m'y mette" qui prévaut généralement à ce que l'on s'entête pourtant à qualifier, dans le domaine artistique, de coproduction.

C'est ce désir de ne pas s'imposer aux morts avec lesquels elle a à coeur de dialoguer qui semble avoir poussé Olivia Jeffries à une sobriété proche du dénuement dans sa dernière publication, "Observation point", judicieusement sous-titrée "a book of found vintage photographs and drawings of dust". Ce fanzine regroupe en effet une quinzaine de photographies anciennes glanées ça et là et ayant toutes pour particularité de proposer des points de vue tout à fait exempts de présences humaines : ces paysages maritimes, alpins ou urbains, tous issus du passé (le noir et blanc et le sépia en témoignent) et dépeuplés, n'évoquent-ils pas étrangement une certaine proximité de leurs spectateurs d'aujourd'hui avec leurs auteurs d'autrefois et n'invitent-ils pas de ce fait à un voyage méditatif par-delà espace et temps à la rencontre de ce(ux) que nous sommes ? C'est en tout cas une des lectures possibles de ce recueil de photographies qu'Olivia Jeffries s'est contenté de compléter, sur quelques pages intercalaires, par une série de gros plans dessinés... de grains de poussière.

Ici tout n'est qu'élégante évocation du temps passé et de celui pour lequel il ne peut cesser de passer. Aux grains des photographies anciennes correspondent et répondent les brins de cette poussière à laquelle, à en croire la parole biblique, nous serions tous condamnés à retourner.

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