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L’Europe dans la nouvelle crise du pétrole : le cap de 100 dollars le baril…

Publié le 02 novembre 2007 par Danielriot - Www.relatio-Europe.com

DECRYPTAGE RELATIO PAR DANIEL RIOT--« Le cap à partir duquel les automobilistes réduiront leurs kilomètres, c’est 5F/le litre ». C’est ce que j’ai entendu de la bouche de Raymond Barre à la fin des années 70. On en est où, maintenant, ou plutôt à combien ? Et le trafic s’accroît toujours…. Bien que la course folle de l'or noir vers le cap symbolique des 100 dollars le baril se poursuive à bon train... Pour la plus grande joie des producteurs et des spéculateurs!

Depuis le début de l'année, les cours du pétrole ont progressé de 50 % et, en octobre, de 18 %. Du coup, les analystes estiment que le cap des 100 dollars devrait être franchi d'ici à deux semaines.

Pas de panique : on a déjà connu…Ce serait le second record historique du brut. Selon Standard & Poor's, le pétrole avait dépassé les 100 dollars à 101,70 dollars (d’aujourd’hui compte tenu des ajustements liés à l'inflation) un an après la révolution islamique en Iran, en avril 1980. De l’émotion : il est des seuils psychologiques qui font « tilt » dans les têtes. Surtout que ce cap ne s’annonce guère comme un « plafond »…

Les cours du brut sont partis en effet pour s'installer durablement dans une zone de prix supérieurs à 80 dollars le baril. Cela sous la poussée d'une demande mondiale vigoureuse, de raffineries sous-dimensionnées, d'instabilité politique dans les grandes régions productrices.

L'envolée du pétrole, combinée à l'appréciation continue de l'euro comme de l'or, fait peser évidemment des incertitudes lourdes sur l'économie mondiale, donc sur la notre.

Heureusement, en Europe, l'euro fort (pourtant si dénoncé !) permet d'amortir le choc d'une facture énergétique libellée en dollar…Mais la faiblesse des devises américaine, chinoise et japonaise handicape nos exportations et annihile les efforts de compétitivité des entreprises.

Pour les États-Unis qui consomment un quart du pétrole mondial, cette hausse du pétrole pèse sur une économie déjà fragilisée par la crise du subprime. La Chine, de plus en plus gourmande en pétrole, ressent également les effets de la hausse des cours. Afin d'éviter une pénurie, Pékin vient d'augmenter le prix des principaux carburants de 8 % afin que ses compagnies pétrolières augmentent leur production. Ce n’est qu’un début…

Pour les automobilistes, la facture devient très (trop) salée. En France, les prix à la pompe augmentent dans le sillage du pétrole (malgré l’euro fort). Le gazole a atteint cette semaine un nouveau record à plus de 1,14 euro par litre en moyenne, tandis que le super sans plomb 95 frôle 1,30 euro. N’est-il pas temps de jouer sur les taxes ? Pour les consommateurs, oui. Pour l’Etat surendetté, non. Et ce serait « écologiquement incorrect » pour ceux qui font des prix des armes de disuasion…

On le savait, mais c’est confirmé : Le temps où les matières premières coulaient une vie tranquille est révolu. Le pétrole, jusque-là seule ressource jugée stratégique, le plomb (mais oui !) le blé (+ 180 % depuis l’été 2006) ou le maïs (+ 100 %) battent des records en série : 96 dollars (66 euros) le baril de pétrole, 230 euros la tonne de blé.

Cela fait le bonheur des uns, des plus nantis : ils spéculent sur ces produits financiers alléchants, ce qui ne contribue pas à calmer les marchés en effervescence…. Cela fait surtout le malheur de la grande majorité des gens: les consommateurs, confrontés aux hausses de prix, de l’essence aux pâtes, en passant par le pain qui redevient un produit de luxe.

Tout n’augmente pas au même rythme : ainsi, le sucre, qui a perdu 40 dollars la tonne depuis janvier. Mais je n’ai pas vu cette baisse être répercuté dans mon super-marché. Manque d’attention de ma part, sans doute….

Les marchés sont tirés par des «forces communes». Philippe Chalmin, économiste à l’université Paris-Dauphine, l’explique fort bien dans « Du Poivre et l’Or noir » (Editions Bourin, 2007). : du coté demande, «la montée en puissance des besoins chinois», du coté offre , «l’insuffisance chronique des investissements dans les équipements de production». D’où une réduction des stocks, des tensions, et une accumulation de fragilités accentuées (en fonction de la météo ou des situation économico-politique….

Une sécheresse en Australie ou en Ukraine, et c’est une partie des habitants de la planète qui se retrouve à sec… Autant de facteurs accentués par les spéculateurs…. Le blé plus rentable que le Cac 40 ! Et ce n’est pas fini : investissez dans le sorgho ou le manioc, vous allez voir ! Les amis de Poutine, grands producteurs s’en réjouissent d’avance. Après le chantage au gaz, le chantage au sorgho (les importations européennes viennent de doubler et ce n’est pas fini !)

De bons économistes sont formels : le lien entre pétrole et matières premières est essentiellement spéculatif. Une prochaine bulle en vue ? Pas sûr, mais allez savoir… Dans ce climat d’incertitudes, il n’est évidemment pas confortable de vivre dans un Etat surendetté : notre marge de manœuvre est réduite et ce ne sont pas les spéculateurs qui jouent les moteurs de la croissance.Les vraies révolutions sont souterraines avant d’éclater.

Le problème, comme se plait à le répéter Jean-Marie PELT, c’est que les politiques vivent trop « le nez dans le guidon »… Mais consolons-nous, « la question de l’avenir a toujours été au cœur de l’aventure humaine ».Alors, pas de pessimisme."Il est tard, mais il n'est pas trop tard", estime PELT dans "C'est vert et çà marche"... Encore faut-il que le bon slogan gaulois, "on n'a pas de pétrole, mais on a des idées", prenne enfin du sens!

Daniel RIOT


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