Hier soir lundi 21 décembre, j’étais donc du pèlerinage de Marne-la-Vallée, à l’occasion de la première projection française en IMAX-3D-VO (oubliez la VF) d’Avatar, pour voir enfin le film dans toute sa superbe. Autant dire que ça puait le geek à 10 km à la ronde. Et le geek qui attend ZE film de la décennie, chauffé à blanc ces dernières mois par la promo, porté à ébullition par le buzz, le geek enfin qui parfois a poussé la dévotion jusqu’à refuser de voir le film auparavant en « simple » 3D pour ne le visionner qu’au zénith de sa puissance visuelle, ce geek-là faut pas le faire chier.
Manque de pot, le début de séance a été absolument cataclysmique, et pour certains le tout a viré au désastre complet. Pour vous expliquer la chose on va procéder par étapes, parce que les Pieds Nickelés du Gaumont Disney Village ont fait très fort :
1) A 20h30, l'heure dite, un léger retard dû à des problèmes techniques pour caler l'audio et les sous-titres est annoncé. Soit, pas grave, on attend.
2) Lancement du film… Et voilà la radio d’ambiance (vous savez celle qui vous chuinte des ritournelles plates et insipides de supermarché pour vous faire patienter avant la séance) qui ne s’éteint pas, et parasite la première minute. Début de bronca dans la salle. La radio finit par s’étrangler. Bon. On est déjà tendus.
3) Quelques instants plus tard, en me raclant la gorge pour me remettre de mon cri primal (" La radio putain !!! "), je m'aperçois que la synchronisation du son n’est pas bonne (c’est surtout de la voix off, la faute n'est pas encore irréparable, la tragédie n'est point consommée, je me dis que peut-être là-haut ils sont en train de recaler ça en catastrophe ; tout le monde ne comprend pas encore les gesticulations désespérées de nombre d'entre nous, quelques innocents n’ayant pas vu le film ou trop concentrés sur l'image qui ravage délicieusement leurs nerfs optiques ne réalisent pas que le sabotage a déjà commencé). Les secondes s’égrènent, le décalage empire, les répliques arrivent plusieurs secondes avant que les acteurs ne les prononcent, protestations véhémentes du public, aucune réaction des projectionnistes, le temps file et tout le monde beugle, quelqu’un se lève finalement et enjoint aux autres spectateurs d’en faire autant, la salle se fédère et hurle son dépit, debout face à la cabine. La projection est arrêtée au bout de dix minutes chaotiques qui ont foutu en l’air l’ouverture du film, le mal est fait.
4) Au lieu de s’écraser platement, une voix fatiguée intervient pour expliquer que les fichiers audio VO sont arrivés trop tardivement, que les tests n’ont pu être fait, que tout est fait en live, que c’est comme ça etc…, puis annonce quelques minutes plus tard que le film va reprendre... en VF. Consternation, début d’insurrection, une partie du public met les voiles (dont, apparemment, Christophe Gans qui avait fait le déplacement, ça la fout mal), l’autre se demande si cela vaut bien le coup de rester ; l’exode ne sera finalement que partiel, beaucoup ont parcouru trop de chemin pour abdiquer, mais l'amertume est grande. Au final la voix, agacée, reprend pour couper court aux tergiversations : « ‘Voulez voir le film ? Asseyez-vous alors svp, ceux qui veulent pas rester merci de sortir », ne manquait à cette allocution qu'un « tas de connards » qui aurait clarifié l'intention. Sortir un truc pareil à ce moment-là, c’est plutôt téméraire. Je me retiens d’aller immédiatemment procéder à l’écartèlement du brillant orateur, et remet la chose à plus tard (on a toujours tort de remettre ce genre de choses à plus tard). Alors on va me dire, « ça va, y’a pas mort d’homme, c’est qu’un film ». Je répondrai qu’il aurait pu y avoir mort d’homme, et que non, ce n’est pas « qu’un film », que parler de la sorte à des gens qui se sont tapé le RER A en grève ou, comme moi et mes compagnons, 2h d’embouteillages depuis Paris sous une neige fondue et sinistre pour rallier (péniblement vu le manque d’indications précises entre hôtel/parc/village/studios/parking/château/épicerie fine/bar à putes Disney) la seule putain de salle IMAX de la région et même de France à diffuser le saint film, ont déboursé treize euros pour leur place, puis encore craché au bassinet pour se garer, tout ça pour qu’on leur foute en l’air le moment de bonheur cinématographique qui devait récompenser leur périple dans ce trou du cul impérialiste et néanmoins arriéré de l’Île-de France où moins je vais mieux je me porte, c’est solliciter la crucifixion.
5) Le film redémarre en VF, mais pas depuis le début… Nouvelle bronca. La voix glapit, irritée et exaspérante : « c’est pas un DVD, hein ! », donc impossible de rédémarrer le film... J’apprends ainsi, stupéfait, qu’il est impossible de rédémarrer une projection, j’imagine donc qu’après celle-ci on pourra brûler la copie du film (ben oui, elle est foutue, on peut pas rembobiner/revenir en arrière c'est bien connu, hein), et fermer la salle jusqu’à la sortie de Shrek 4, qui ne sera donc projeté qu’une fois, en suivant cette logique... La mauvaise foi et la paresse sont si patentes que je hurle ma colère, ou plutôt, ma colère me hurle ! L’écartèlement ne sera qu’un apéritif, j’invoque les mânes de Torquemada et des admirables serviteurs de la Sainte Inquisition en leur demandant de m’inspirer de nouvelles et fantasques idées de tortures, d’une durée - si possible - de 2h45 (car il est dit qu’ils seront punis à la mesure de leur péché), et finis par me renfoncer mornement dans mon siège, abattu et, il faut l'avouer, quand même happé par l'image.
6) Au bout de dix minutes, la VO fait son retour, calée cette fois, bonne surprise certes, mais on est loin de la rédemption complète à mes yeux (d’autant que les sous-titres, spectraux et semi-translucides, sont « en 2D », alors que les sous-titres originaux étaient en soi un spectacle, cf un post précédent).
7) Au final, en IMAX-3D-VO, le film est tout bonnement la tuerie visuelle la plus absolue jamais projetée depuis les ombres de la caverne platonicienne (très gros succès à l'époque, c'était à s'y méprendre). Certes je vais devoir consulter un ophtalmo dans les plus brefs délais, mais quand même... J’ai tout de même une pensée émue pour ceux qui découvraient Avatar et qui auront eu bien du mérite de garder leurs nerfs, alors qu’on leur salopait ce moment unique qu’est la découverte des premières minutes d’un film - surtout de celui-là.
P.S. : Pour l’anecdote, contrairement à ce que disait la rumeur (cf un autre post précédent, ça m'apprendra à donner du crédit aux bavardages entre collègues), le générique de fin n’a pas été « scalpé » du fait des contraintes horaires qu'impose l’IMAX, hélas dois-je préciser, vu que la chanson originale interprétée par Leona Lewis est absolument vomitive, gerbatoire, urticante etc...
P.P.S. : Bon, ça y est, mon « abcès» geek formé suite à la sortie d'Avatar étant purgé, je vais pouvoir revenir à un certain apaisement, et m'atteler à d'autres sujets
moins " communautaires ", plus vastes (zombies, vampires, aliens, Bresson, non pas Bresson en fait).
P.P.P.S. : à ceux qui ont souffert les affres de l'incertitude dans les transports en commun pour rejoindre ce qu'on est désormais en droit d'appeler les lieux du crime, je suggère pour
se détendre un bon coup de visionner cette vidéo, hélas pas intégrable (Mr. Fox est sourcilleux, très sourcilleux). Comme quoi il n'y a pas qu'avec la scène de colère hystérique d'Adolf
/ Bruno Ganz dans La Chute qu'on peut s'amuser : http://www.youtube.com/watch?v=8pHJGjPOoSU