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Avant l’aurore

Publié le 23 décembre 2009 par Marc Lenot

dc4b.1261569777.JPGL’obscurité avant l’aurore, des formes à peine distinctes dans la pénombre. Une maison toute en angles, qui évoque Mies van der Rohe* (en fait Graham Phillips en est l’architecte, le propriétaire et l’occupant), blanche immaculée, froide, pure, en verre et en béton, minimaliste, dépouillée d’ornements, émergeant des brumes matinales derrière un plan d’eau. La maison serait-elle le personnage principal de cette vidéo ?

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La femme, qu’on peine à distinguer dans cette obscurité, ne serait alors qu’une vestale, attachée au service de ce temple, n’existant que par ce lien, ce service, ce sacrifice peut-être. Un gardien, froid et silencieux, la laisse entrer. Les dieux qui habitent le temple dorment encore. La vestale accomplit son rite, amène peu à peu la vie, la chaleur, la couleur dans ce sanctuaire inanimé. Elle prépare, nettoie, arrange, organise. On devine que, dès son départ, le soleil va se lever, le monde va renaître, la vie va recommencer. Elle dispose une serviette là pour les ablutions, des tasses ici pour les libations. Elle se déplace en glissant à l’intérieur de ces plans secs, durs, linéaires; à un moment, comme elle passe par l’ouverture carrée d’un mur, reliant une allée et un jardin, cette traversée trouble notre perception, nous fait voir l’architecture autrement.

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Bien sûr, bien sûr, ce n’est qu’une humble femme de ménage accomplissant son service quotidien à l’aube. Mais j’ai retrouvé dans cette vidéo, Sunrise, de David Claerbout (dont le travail m’avait fortement impressionné lors de sa mini-rétrospective à Pompidou), visible dans l’exposition de groupe ’Locus Solus’ chez Yvon Lambert qui finit aujourd’hui, toute la science des lieux de cet artiste, sa capacité magique à animer un endroit, à en faire un lieu de vie, d’amour ou de drame.

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Ici, après 15 minutes silencieuses, étouffées, dans l’espace clos de la maison, la séquence finale est une explosion lumineuse et musicale (Vocalise, de Rachmaninov). La femme, dont le visage, enfin éclairé, apparaît alors en gros plan, devient humaine, physique, réelle. Elle repart sur son vélo au moment où le soleil se lève. Cette fin est comme un début, le début de la journée, le début d’une autre histoire, pour la femme, mais peut-être aussi pour la maison, objet nocturne soudain confronté à la lumière dont on ne sait comment il y résistera.

* Je n’ai pu me défaire d’une réminiscence à la fois architecturale et ‘fonctionnelle’, celle de cette image de Jeff Wall

Voir ‘The Shape of Time’, un beau livre de et sur David Claerbout (38 euros par Dessin Original) où l’artiste montre, croquis à l’appui, comment ses vidéos sont conçues et réalisées.

Sunrise 2009 Single channel video installation, colour, sound, 17′58′’, edition of 5. Courtesy of the artist, galleries Hauser & Wirth and Yvon Lambert. 
J’ai dû éclaircir un peu certaines images pour qu’elles soient visibles sur le blog, elles sont dans la réalité plus obscures.


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