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Le meilleur de ma décennie coréenne

Par Tred @limpossibleblog
Après des années de visibilité très limitée dans nos contrées européennes, le cinéma coréen a explosé dans les années 2000, affichant désormais un rayonnement international remarquable compte tenu de la taille du pays. Comme promis dans mon billet d’introduction, en ces derniers jours de 2009, le désir de mettre en avant mes films préférés de cette décennie magique s’est fait sentir. Il ne s’agit en aucun cas, bien sûr, d’une liste ultime, objective ou incontestable. Seulement une affaire de goût(s), en attendant de voir ces nombreuses œuvres coréennes qui me sont encore inconnues.
Le meilleur de ma décennie coréenne1. The Host (2006)
Bien avant que le film ne batte tous les records d’entrées en salles en Corée du Sud, je me suis pris une des claques les plus mémorables de ma vie, dans la grande salle du Cinéma des Cinéastes, une poignée de jours après la projection du film à Cannes. Le bruit courait que le meilleur film du festival était ce film de genre coréen, et la rumeur disait vrai. Trop de monde assimile aujourd’hui The Host à son succès public et en profite pour rabaisser ses qualités. The Host est un grand film, un coup de maître total, un mélange des genres quasi parfait, d’une richesse incroyable. On aurait pu s’attendre à une série B de film de monstre, alors que Bong Joon-Ho, pour son troisième long-métrage, nous servait une pépite de récit, voyageant du drame humain à la fable sociale, du tragicomique à la parabole politique, fondant le tout dans une aventure monstrueuse avec une aisance irréprochable. Le grand film coréen de la décennie.
Le meilleur de ma décennie coréenne2. Oldboy (2003)
En parlant de claque mémorable, que dire du film de Park Chan-Wook n’ayant pas déjà été dit ? Qu’il aurait dû être le premier long-métrage coréen à obtenir une Palme d’Or à Cannes si Quentin Tarantino avait eu un peu plus de cojones. Que la virtuosité étalée par le réalisateur frise le vertige, tant dans son sens de la mise en scène que dans celui du récit. Oldboy est à n’en pas douter le film qui a permis aux cinéphiles du monde entier de placer la Corée du Sud sur la carte mondiale du cinéma. Toute cette rage contenue, cette noirceur de l’âme qui y sont déployés, cette quête épique de la vérité dont le dénouement a dû provoquer de nombreuses crises cardiaques chez les puritains. Oldboy est une spirale déchaînant les émotions et laissant sur le carreau.
Le meilleur de ma décennie coréenne3. Memories of Murder (2003)
Dans la Corée des années 80, une série de meurtres met la police dans l’embarras d’un tâtonnement sans fin. Trois ans avant The Host, Bong Joon-Ho s’épaulait déjà du comédien Song Kang-Ho pour signer un polar dense, errant dans l’inconnu, avec un savoir-faire qui ne nous étonnera plus. Sans craindre ni longueur ni langueur, Memories of Murder fait dans l’audace sans esbroufe, dans l’atmosphère de ce paysage coréen à l’écart du monde, dans les personnages dépassés par un enjeu trop grand pour eux. La dernière séquence du film restera gravée à jamais dans mon esprit, cette route déserte au milieu de la campagne, et ce visage ahuri, se bouleversant sourdement, de Song Kang Ho.
Le meilleur de ma décennie coréenne4. JSA - Joint Security Area (2000)
Deux Bong Joon-Ho et deux Park Chan Wook occupent les quatre premières places. Je sais que la diversité en prend un coup, mais ce n’est pas un classement de raison, seulement de cœur. L’un des films pionniers de la « nouvelle vague » coréenne, JSA - Joint Security Area est surtout un drame humain et politique renversant. De l’amitié taboue, dans la zone démilitarisée séparant Nord et Sud, entre un garde frontière du sud avec un garde-frontière du nord, le cinéaste tire à la fois un thriller superbement narré et un portrait du malaise d’une nation coupée en deux. Derrière l’efficacité du thriller se cache une mélancolie à l’amertume prononcée.
Le meilleur de ma décennie coréenne5. Frères de sang - Taegukgi (2004)
Si les champions du box-office en France peuvent rarement être suspectés d’être les meilleurs films du moment, encore moins de la décennie (franchement, Bienvenue chez les Ch’tis ?), il faut avouer que le public coréen a le don pour porter aux nues des longs-métrages autrement plus fascinants. Comme The Host plus tard, Frères de sang en a été un bel exemple. Trop facilement assimilé à un Il faut sauver le soldat Ryan au Pays du matin calme, le film de Kang Je-Gyu a suffisamment à offrir pour ne pas être réduit à ce parallèle simpliste. Désinhibé du manichéisme que l’on aurait pu attendre d’un film sur deux frères pris dans le feu de la guerre de Corée, Taegukgi explore les heures sombres d’une nation en conflit, déchirée, n’épargnant aucun des deux camps pour ce qui est de leurs zones d’ombres, et surtout pas l’armée du Sud. Un regard couillu mis en valeur par un récit dense et passionnant qui déglingue la gloire guerrière.
Le meilleur de ma décennie coréenne6. The Chaser (2008)
Voilà un an que j’ai vu pour la première fois The Chaser, encore un film de genre, et encore un film passé par le Festival de Cannes, qui apprécie à l’évidence le cinéma coréen. On a beaucoup reproché au premier film de Na Hong-Jin son dénouement trop appuyé, certes. Mais quel coup de maître pour un premier long-métrage que l’on n’avait pas vraiment vu venir. D’un point de départ simple, un ex-flic reconverti dans le proxénétisme cherche une de ses « filles » qui a disparu, Na tisse un polar à l’intensité surprenante. Choisissant un récit compact, concentré sur une nuit, et un déroulement du récit inhabituel, le responsable de la disparition étant vite attrapé, le réalisateur a tout le loisir de peindre des personnages foisonnant, et de poser un regard cru sur le système policier et judiciaire coréen, mis à mal.
Le meilleur de ma décennie coréenne7. Breathless (2009)
Sur le papier, un film de plus de deux heures s’intéressant à l’amitié improbable entre un recouvreur de dettes violent et une lycéenne grande gueule peut laisser sceptique. Pourtant Breathless est une œuvre coup de poing, une bourrasque de sincérité, de sensibilité et d’âpreté qui m’a atteint comme peu de films cette année. Si sa sortie dans les salles françaises a été repoussée à 2010, j’ai eu la chance de le voir deux fois en 2009 en festivals (ici puis ici). Rares sont les films que l’on peu voir à cinq mois de distance et se sentir autant remué à la seconde vision qu’à la première. Le film de Yang Ik-June (son premier) est pourtant, indubitablement, de ceux-là.
Le meilleur de ma décennie coréenne8. My Sassy Girl (2001)
Eh oui, on a beau faire le tour de la décennie en se disant qu’avec tous les films coréens vus au cours de ces dix années, il risque de ne pas y avoir beaucoup de place pour le potache, ne pas inclure My sassy girl semblerait être une trahison a la cote d’amour que peut représenter la comédie phénomène de société. Bien sûr si ce n’était qu’une comédie potache, le film ne se trouverait pas dans cette liste. My sassy girl est bien sûr plus que cela. C’est un film hors norme, se souciant peu des conventions cinématographiques, tentant tout, ne se souciant pas du sablier, jouant la carte de l’humour et de l’émotion avec une conviction déchaînée, et emportant tout sur son passage, et surtout les cœurs. Le mien n’a pas fait exception.
Le meilleur de ma décennie coréenne9. Secret Sunshine (2007)
Passer de My Sassy Girl à Lee Chang Dong, c’est un peu faire le grand écart. Le drame d’un grand nom du cinéma d’auteur coréen succède à la comédie populaire, et pourtant un point commun est indéniable aux deux films : l’outrance. Ce qu’il y a de magnifique dans le cinéma de Lee Chang Dong, c’est sa faculté à explorer les comportements humains sans retenue. Secret Sunshine est un portrait de femme vibrant, une femme confrontée à une série de drame qui vont chambouler son être qui a valu à son interprète Jeon Do-Yeon le Prix d’interprétation féminine au Festival de Cannes. Un drame puissant, déchirant et pourtant drôle (grâce à Song Kang-Ho, une fois de plus), d’un lyrisme éclatant, dans la droite lignée de son magnifique Oasis (qui pourrait tout aussi bien se trouver dans cette liste).
Le meilleur de ma décennie coréenne10. The President’s last Bang (2005)
Après avoir réalisé des films jetant un regard acerbe sur la société coréenne, Im Sang-Soo s’est attaqué avec cet opus à l’histoire du pays, de façon à la fois intimiste et haletante. The President’s last bang se penche sur le complot pour assassiner Park Chung-hee, le dictateur sud-coréen des années 60 / 70, par ses propres services secrets. Avec une intrigue se partageant entre l’homme d’état et ses comploteurs dans le lieu confiné de la Maison Bleue (la résidence du président sud-coréen), le réalisateur tisse une intrigue, des personnages, et un pan de la politique coréenne tout à fait passionnant, avec un sens de la mise en scène renversant. Son film suivant sera lui aussi un fascinant portrait de l’Histoire de son pays, Le vieux jardin.
Ils ne sont pas dans les dix, mais la ligne les séparant de cette position est bien mince :
Take care of my cat (2001), un portrait de la jeunesse féminine de Pusan tout en justesse.
Deux Sœurs (2003), un film d’épouvante qui n’en n’est pas un, et se révèle un drame familial brillant.
Double Agent (2003), un thriller d’espionnage décrivant le climat de Guerre Froide comme rarement au cinéma.
Le bon, la brute et le cinglé (2008), un des moments de cinéma les plus jubilatoires de la décennie.
Locataires (2004), le Kim Ki-Duk le plus audacieux, presque muet, envoûtant, qui n’a qu’un défaut : il n’est pas muet.

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