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De la sagesse, de la philosophie et du prix du jambon beurre.

Publié le 19 décembre 2009 par Www.streetblogger.fr

guillaume laborde

Si quelqu’un vous affirme qu’il est sage, baffez-le c’est un imposteur. Si quelqu’un vous dit qu’il est philosophe insultez-le c’est un indécis car comme le dit un vieux du village : « Il ne suffit pas d’aimer la sagesse, il faut en être pétrit ! ». Enfin si vous connaissez quelqu’un qui est obsédé par le prix du jambon beurre, félicitez-le, au moins lui ne se ment pas, il a clairement conscience de n’être qu’un ventre et sait qu’il ne désire rien d’autre que de passer sa vie entre le frigo (éventuellement le bistrot et le supermarché) et les W.C.

Il ne s’agit point ici d’être moraliste, surtout si la morale consiste en se scandaliser à la vue d’une femme lascive et décomplexée, quand le plus obscur recoin de sa tête, affichée comme  étant celle d’une bigote ou d’une grenouille de bénitier ou même d’une fervente croyante en Burqa, ne recèle que de pensées de la dernière pornographie.

Il ne s’agit pas non plus d’être un donneur de leçons, les meilleures leçons qu’on ne puisse jamais donner sont celles que l’on se donne à soi-même.

De quoi s’agit-il ?

Il s’agit de s’étonner (l’étonnement première et de nos jours peut être dernière manifestation de la curiosité, autrement dit de la vie) de la facilité avec laquelle on se perd, on se ment, on se joue des comédies les uns les autres et surtout à soi-même en permanence.

On se promet de faire tel projet…mais l’année prochaine parce qu’en se moment on est super débordé au boulot, à la fac et je ne sais où encore. Non décidément c’est une belle idée, une grande idée mais en ce moment on n’a absolument pas le temps ne serait ce que de penser aux moyens dont on pourrait se doter pour lui donner une première forme, quant à la réaliser alors là c’est impossible ! Il y a le loyer à payer, le frigo à remplir, les exams à réviser, un mémoire à écrire, tout un tas d’excuses qu’on se donne à bon compte.

Il ne s’agit pas de dire dans un délire new age mystique ou une utopie grotesque, soyons fous mettons nous à vivre d’amour et d’eau fraîche dès à présent (j’adore le corps des femmes donc s’il s’agissait d’amour charnel je serais le premier  à être partant, mais ne boire que de l’eau paradoxalement ça me saoulerait assez rapidement), il s’agit de se demander quand ? Quand prendrons-nous de notre temps pour nous asseoir et réfléchir à ce que nous aimons vraiment faire ou dire, à ce que nous aimons vraiment penser. Quand est ce que nous prendrons le temps de vraiment méditer sur ce qui nous fait peur. On a peur de ne pas être en mesure de payer le loyer à la fin du mois, on a peur de ne pas pouvoir manger à sa faim, on a peur d’avoir une mauvaise note, on a peur que le patron ne nous engueule ou pire ne nous renvoie, on a peur de ne pas trouver une petite amie, on a peur, on a peur, finalement on a peur de nous-mêmes et même de notre ombre.

Mais pourquoi est ce qu’on a peur et cela doit il forcément être effrayant, n’y a-t-il pas une meilleur relation aux êtres et aux choses que cette perpétuelle angoisse ?

L’angoisse de ne pas se montrer à la hauteur ; se montrer voilà un verbe qui peut nuire au plus haut point. Il faut toujours que l’on s’affiche pour que les autres nous voient sous tel ou tel jour, se disent que l’on est sympa, que l’on est marrant, que l’on est sexy, que l’on est jolie ou que l’on est trop méga cool. La première source d’angoisse est bien souvent le regard de l’autre, mais au nom de quoi un autre aurait à nous jauger, à décider que l’on est ci ou ça. Pourquoi sommes-nous tant oppressés à l’idée de ne pas nous conformer à l’image qu’il se fait de nous, au rôle qu’il voudrait que l’on joue. Pourquoi devrait-on s’encager dans les certitudes d’un autre, et d’abord pourquoi avoir des certitudes. Savoir que l’on sait, que l’on peut s’appuyer fermement sur tel raisonnement, sur telle démonstration ou tel argument scientifique. Savoir que tel savant ou penseur fait autorité dans tel ou tel domaine, savoir que le savoir est une chose à respecter, le savoir c’est quelque chose de sérieux monsieur et il vous faut bien le comprendre ! me crient les vieux barbus dont les portraits ornent plus d’un mur d’école, d’académie, d’université ou je ne sais quoi encore. Comprendre d’accord, mais pourquoi et comment ? Comprendre à coup de certitudes assénées comme des coups de matraque non merci ! Comprendre superficiellement, sans même s’être donné la peine d’explorer la question, encore moins ! Alors comment comprendre, par quoi pourrait passer la compréhension, à mon humble niveau. Pourquoi pas l’écoute ?

Ecouter, pas le faire plus ou moins distraitement pendant qu’une amie ou une connaissance nous parle pendant la pause déjeuner. Ecouter avec tout son corps, écouter avec son âme, sentir la parole que le vent murmure à ma peau, saisir les nuances et les aspérités du tronc de l’arbre que je viens de croiser, certes il y en a des milliers sur les chaussées de notre ville, mais si j’écoute bien pas un seul ne dit la même chose, pas un seul ne ressemble à celui qu’il précède de quelques mètres. Seulement en allant au boulot je ne me rends plus compte qu’ils sont différents, je ne rends plus compte que les rues que je traverse ont toutes une particularité, je ne me rends même plus compte que les gens que je croise dans les transports ou ailleurs ne sont pas cette tapisserie informe devant laquelle je passe tous les jours. Bien sûr il y a mes proches ma famille, mais au fond quelle est la nature de nos liens ? Le sang, est ce que ça suffit ? L’ennui ? À quoi rime le fait de se voir pour tuer le temps ensemble, pourquoi le temps à l’instar de la vie n’aurait pas besoin d’être chanté et célébré et non mesquinement assassiné par un ennui (et c’est le cas de le dire) mortel. Qu’est ce qui me lie aux êtres et aux choses qui m’entourent ? Tellement de contingences (métro, boulot, dodo comme je l’évoquais au début de ce texte) masquent cette question, qu’elles finissent même par en recouvrir une encore plus essentielle : Qu’est ce qui me lie à moi-même ? (Et je le répète, qu’est ce que j’aime faire, qu’est ce que je veux penser, qui je veux vraiment être ?)

Le brouhaha produit par la vie qu’on nous impose, et que nous nous imposons nous même ou en tout cas auquel nous donnons notre assentiment, permet peut être d’entendre mais certainement pas d’écouter. Nos oreilles s’y prêtent-t-elles encore ? Enfin je veux dire celles qui ne sont pas obstruées par un objet qui porte paradoxalement le nom d’écouteur, d’ailleurs je crois que les obsédés du jambon beurre conviendront avec moi que dans le cochon tout est bon mais peut être pas les oreilles.

Merci à Guillaume Laborde pour l'illustration

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