Daniel Johnston donc. Ce grand allumé qui sous une sensibilité à fleur de peau, enchante depuis plus de 20 ans la cohorte de ses fans plus ou moins célèbres, à coup d'albums folk-pop admirables, toujours sertis de pochettes illustrées de façon naïves par ses dessins, car l'homme est un touche-à-tout !
Sachons donc rendre grâce à Jason Falkner, second couteau folk US et occasionnel bassiste des tournées du côté de chez Air ou Beck, pour son travail de production sur ce nouvel opus. Travail de production qui confine à la sobriété, car n'est pas Nigel Goldrich qui veut, mais qui sert déjà d'écrin sonore à la voix, aux instruments de l'artiste auteur.
Is And Always Was, voila qui pourrait sonner comme une épitaphe, si DJ, 48 ans, poivre et sel et bedaine au vent ne respirait une santé éclatante, à l'aune d'un album qui n'est pas loin d'être son 20ème, et qui du fait de ses nouveaux atours hi-fi - notamment sur ses derniers titres - est à coup sûr ce qu'il a produit de mieux, son chef d'oeuvre !
L'homme est un passionné limite névrosé de la cause Beatles - une chanson intitulée...."The Beatles" figurait sur Yip/ Jump Music (1983)- et c'est à une éternelle remise en question de ses savoir-faire mélodiques que cet ancien pensionnaire HP convie une nouvelle fois, même si cela n'est sans doute pas flagrant lors des premières minutes du disque.
Il n'empêche : sous ses airs badins et mille fois entendus, "Mind Movies" est une manière de chanson folk-pop ultime , malgré ses 4 accords balancés pendant 3' ; car, et c'est nouveau, on y trouve un refrain onirique limite psyché !
Le deuxième titre fait un peu exception au son d'ensemble puisque sur "Fake Records Of Rock'N'Roll" sur laquelle Daniel s'efforce de trier le bon grain de l'ivraie vinylique - ce que Dodb s'efforce de faire bon an mal an - l'artiste fourrage une sorte de boogie échappé du Zuma de Neil Young. Neil Young, l'une des grandes figures tutélaires de ce disque, et de l'oeuvre de DJ tout court ! Impossible de ne pas penser à lui sur la majeure partie des titres, et notamment outre "Fake Records....", sur ce très court "Freedom", gentiment country-rock, où son chant étranglé fait merveille ! On pense aussi à Johnny Thunders pour les très belles ballades, mélancoliques au possible ("Mind Movies", encore, "High Horse", "Tears").Sur "Queenie The Doggie", impayable ode au meilleur ami de l'homme, Daniel restitue -est-ce conscient ou pas ? - les notes célestes du célesta emprunté au "Cheree" de Suicide.
Ce nouveau disque est empreint de grâce : grâce des arrangements minimalistes mais soignées, grâce de cette voix ingénue, paticulièrement sur le très Mc Cartneyen "Without You" où l'artiste convoque ses démons intérieurs ("Without you / I'd be free at last/ Without you / Life could be a gas") ou ces magnifiques mises en abyme d'une psyché perturbée telles qu'on peut les retrouver dans le troublant et psychédélique tiercé final qui est imparable : de "Is And Always Was" à "Light Of Day" qui est aussi une superbe chanson d'amour ("Take a ridein my car Traveling far / Just to see you") en passant par "Lost In My Infinite Memory", ce sont simplement les chansons pop psychés barrées que Syd Barrett a oubliéd'écrire !
Ce disque, il conviendra de se le procurer en vinyle, pour en savourer le visuel entièrement différent, et surtout parce qu'il offre en sus l'inédit "Shoe".
Entre une pop-folk parfaite d'à peine 40" au garrot et un disque-fleuve de 70' qu'on n'écoutera jamais plus d'une ou deux fois (et encore compilé !)tel qu'il s'en usine aujourd'hui, notre choix sera vite fait !
Daniel Johnston rules !
En bref : tour à tour touchant, incisif, rêveur, Daniel Johnston, infatigable activiste pop-folk vénéré de tous, se voit enfin offrir un son à la hauteur de son immense talent de compositeur. Et ce nouveau disque comptera dans la carrière du plus célèbre des songwriters inadaptés. Tout comme il ornera fièrement nos discothèques. Un régal !
Daniel Johnston, le site le Myspace
"Mind movies"