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Bhl est un con

Par Emma Falubert
BHL est un philosophe et BHL est un con. BHL est un con parce qu’il est le seul philosophe que l’on nomme comme un bazar, à une lettre près, alors que même si on trouve de tout chez lui, il vaut beaucoup plus que ça. BHL est un con parce que depuis 30 ans qu’il propose ses réflexions et autres témoignages sur le monde, on ne lui oppose la plupart du temps, et souvent sans l’avoir lu, qu’il est trop riche, beaucoup trop riche, trop mondain, trop copain avec les grands friqués de ce monde de fric, trop poseur, trop marketing et trop markété, trop chemise blanche, trop écharpe blanche, trop Mamounia ou Raphaël, trop péremptoire, trop bien coiffé, et trop toujours pareil, que sa femme est trop belle, sa fille pas assez ceci et son père beaucoup trop cela. Et lui trop, beaucoup trop, beaucoup trop tout ou trop rien ; c’est pareil : Inutile et vain. Parce que tous ces reproches accumulés vrais, ou pas d’ailleurs, peu importe : ces clichés répandus en disent plus sur la haine jalouse de ceux qui les colportent qu’ils n’éclairent ce que le penseur est censé proposer. Ce que l’on peut objectivement constater c’est que de l’animosité maladive et contagieuse de quelques uns, se forge l’opinion de tous les autres, ceux qui suivent sans le savoir, ceux qui suivent en prétendant être devant, ceux qui ne lisent pas, ceux qui regardent les débats, et ceux qui animent de leur présence les talk shows, ceux qui lisent les gazettes pipoles, ou les hebdos d’informations,, ceux à qui cela suffit, et du coup prétendent sans aucun recul, ni le moindre regret, ni encore moins la moindre trace de doute, se faire une pensée, voire penser « par eux mêmes ». Et la rumeur d’enfler et de se répandre : « le diable est parmi nous, il répand son poison, ne lisez pas ses lignes, nous vous les résumerons ! ». C’est bien là le problème, si problème il y a : cette « pensée du vulgaire » (et populaire, et cette fois pas forcément, au bon sens du terme que, dans d’autres circonstances, on s’empresse de rajouter) qui se construit sur des a priori et les déformations de ceux qui citent en déformant ou l’inverse. Ceux qui tronquent raccourcissent, taillent, extraient, pour ajuster à leur propre démonstration, leurs propres émotions, les mots de l’autre. Et cette « pensée » colportée et déformée avec d’autres à peu près, taillés à l’emporte-pièce du prêt à penser, participe à ce climat d’aigreur générale, d’impuissance collective et de rancune, dans le cas de BHL, particulière, très particulière. Et BHL est un con parce que les haines agressives et les agitations médiatiques qu’il suscite participent à construire un monde, sur des successions, sinon de mal dit, en tout cas de sous entendus, paradoxalement claironnés haut et fort par de beaux parleurs, professionnels de l’embrouille.
BHL est un con parce que toutes ces critiques braillardes et ces attaques vulgaires sont évidemment partisanes et hystériques et n’amènent pas grand-chose et en tout cas moins que ce que lui propose. A l’occasion de la polémique qui enfle sur le dernier livre du vieux nouveau philosophe, Revenons au vrai sujet, c’est-à-dire à l’œuvre. Oublions le ton et les imprécations parfois démesurées ou déplacées de l’auteur. Oublions ses postures, ses mèches et sa chemise ouverte. Oublions ses amis, compromettants pour les uns, inquiétants ou rassurants pour les autres, (cela dépend évidemment « de là où j’écoute »), oublions son opportunisme médiatique, ses tactiques grossières, ses calculs mondains, ses prétentions cinématographiques. Oublions, en fait, tout ce qui crée et anime le vacarme qui brouille l’écho de ses lignes.
Et revenons, en silence, à ses mots… Juste les mots.
Avec un petit retour en arrière sur le « Siècle de Sartre » qui reste d’actualités, tant il rappelle que la première démarche d’un intellectuel doit être non seulement de questionner le réel mais objectivement de questionner aussi son propre rapport à ce réel et à cette question même. Juste aussi un endroit où l’on retrouve en forme de repère, sinon de repaire, l’itinéraire incroyable de BHL.
Si l’on reprend son enquête sur l’assassinat de Pearl ou American Vertigo, par exemple, pour citer les mots des chantiers les plus récents, et non les moins attaqués justement, ce qu’ils ont en commun, c’est de questionner ! Ils ne sont pas des réponses, en tout cas s’ils prétendaient l’être, ce n’est pas ce qu’il faut en prendre. Et précisément BHL dérange parce qu’il pose des questions, là où on pensait justement être peinard et bien au repos.
De la même façon, si l’on prend « Récidives » ( dont le sous-titre est en fait le « Questions (avec un S) de principe (Sans s) numéro 9 »), on sait et on voit là, on entend même la parole de quelqu’un qui st depuis 30 ans en prise avec le réel. Il ne prétend pas autre chose et du coup et à ce titre, il a le droit de se tromper, et il se trompe, et en conséquence, et c’est la moindre des choses, on peut lui reconnaître aussi le droit de pouvoir avoir raison. BHL est un con parce que justement, il a raison, quelques fois. Et pourtant, quoi’il en soit, la meute continue à prétendre méchamment et stupidement qu’il se trompe, toujours. Qu’il nous trompe et qu’en plus, son véritable dessein n’est que là, dans ce complot diabolique qu’il fomenterait, en permanence pour le compte de… De lui-même ! et des quelques riches qu’il fréquente. Ces détracteurs oublient que sincèrement ces riches, ces très riches, s’en fichent et n’ont pas besoin de BHL ni d’aucun autre pour profiter de leur plus-value et de leur croissance à deux chiffres.
Pour les plus honnêtes cet acharnement devrait être suspect. D’autant plus que si c’est pour le faire taire, le BHL, ça ne semble pas être la bonne méthode. Contre ce méthodique, cet obstiné à la mémoire vive et sans doute un peu rancunière, et qui tente de rendre coup pour coup, réputé et c’est probablement vrai sans humour, il n’y a rien à faire qu’à opposer d’autres engagements, d’autres parti pris, d’autres plus ou moins mauvaises fois, d’autres lignes pour d’autres regards. Mais il faut cesser de brailler et de s’époumoner à coup d’articles ravageurs et de livres incendiaires. Ça ne fait que nourrir les échotiers et malheureusement, pour les gens ordinaires, que ces thuriféraires inconscients et opportunistes prétendent représenter et défendre, entretenir la confusion entre une simple opinion et une véritable pensée.
Et il ne se taira pas et dans son dernier ouvrage « Ce grand cadavre à la renverse » il promet non seulement de ne pas se taire mais en plus de témoigner et de raconter, plus tard, tout ce qu’il sait et ce qu’il a vu et entendu. On attend.
En attendant, BHL est un con parce que justement au de là des polémiques, qu’il suscite, c’est ailleurs qu’il excelle : dans cette faculté qu’il a de raconter des histoires (et pour revenir en arrière de rendre compte de rencontres comme avec F Perrier et de faire des interviews, Coppola par exemple dans Récidives, ou encore de Woody Allen). Pour exemple, dans le dernier livre, il y a le coup de fil de Sarkozy qui lui demande un article positif avant les élections est un vrai chef d’œuvre littéraire ! Et c’est, incontestablement (au sens où il ne s’agit pas d’idées ou de la moindre ébauche de pensée mais de vécu) ce qu’il y a de meilleurs chez BHL. Et peut être ce qui restera, on ne sait jamais, ce sont ces entre-les-lignes, entre les paragraphes. On y croise la terre entière de ceux qui comptent, dans des portraits, comme des silhouettes découpées en deux ou trois phrases justes, des témoignages flashs pour camper, installer une situation. Entre autre, à la fin du livre par exemple, l’installation avec Finkielkraut et Brauman et l’ évocation de quelques souvenirs communs, nous fait vivre une réalité infréquentable pour le commun des mortels. Il y a dans tous les livres de BHL de ces rencontres furtives, intenses et justes qui font apprécier autrement untel ou untel, au de là des clichés que l’audiovisuel ou les ragots colportent. Dans Récidives, on a croisé ainsi Delon, dans sa grandeur et sa fragilité, son intensité et ses exigences aussi drolatiques que pathétiques. Dans le dernier, on ne croise malheureusement que très pudiquement Ségolène Royal, on a envie d’en savoir plus, mais ça viendra, il le promet pour un peu plus tard. Pour conclure, être honnête et éclairer le débat d’un autre angle, il faut rappeler que BHL, outre un film (dont on ne dira rien tant il illustre le fait que son « ego trompe parfois son intelligence’ ) et une pièce de théâtre (qu’il faudrait peut-être réévaluer ?) a commis deux romans, excellents, dont étrangement on ne parle plus aujourd’hui. Deux romans qui font littérature, parce qu’ils sont rencontres et confrontations avec la solitude (la vraie), le réel stupide et la création. Deux livres qui ont obtenu deux prix qui ne sont pas usurpés.
Si on relisait, lisait BHL, tranquillement en acceptant pour les plus méfiants ou méchants, que BHL est peut-être intéressant comme chroniqueur de son époque, au cœur des mouvements et des tensions de ce temps et qu’à ce titre, il est « plus proche du Mauriac du bloc-notes que du Malraux de L’Espoir… »
Ce qui pourrait aujourd’hui être un compliment.

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LES COMMENTAIRES (1)

Par pierre achard
posté le 10 juin à 05:43
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Le point de vue exprimé peut se résumer en une ou deux phrases. Personnellement j'ai lu et suivi des émissions de BHL. Beaucoup de bruits pour pas grand chose. Sans son réseau, il aurait eu beaucoup de mal à intéresser les médias. Autant en profiter. Pierre Achard

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