Magazine Culture

Et tout était déjà si triste... (Sunday'Sad Song)

Publié le 04 novembre 2007 par Stéphane Kahn
Elle dodeline. Lentement. Les battements de son cœur s’accordent à la pulsation du morceau. Soudain, ça va mieux. Dans la stéréo, la plainte d’un chanteur plus si jeune. Helpless. Le réconfort de cette chanson cocon. Celle sur laquelle il lui avait appris à jouer de la guitare. Trois accords. Plus jamais d’accord. Elle devrait pleurer, mais l’écouter, finalement, lui fait du bien. Dehors, il fait froid. La voix la réchauffe. Ses disques : et si c’était tout ce qui lui restait. Les siens bien sûr, mais ceux qu’il lui avait offerts, surtout… Ce concert à Massey Hall. Elle n’était même pas née. Et tout était déjà si triste.
Ses disques. Quand rien ne va plus, quand elle tourne en rond, eux demeurent de vaillants petits soldats faisant bloc sous le ciel maussade. Malgré les ruptures, les morts, les trahisons qu’ils recensent et collectionnent. Trente-trois tours sur eux même, la magie opère. Les cœurs y sont éraflés, déchirés, on n’y dénombre plus les balafres, et pourtant, pourtant, les écouter, c’est déjà apprivoiser la peine.
La journée s’achève. Un jour de plus sans avoir réussi à rien faire. Pas un mot à coucher sur le papier. Elle toujours couchée sur le plancher. A se complaire dans son mélo. Comme elle déteste ces dimanches dans l’abîme desquels résonne si cruellement l’écho de son absence. Une bien mauvaise chanson triste que la sienne. Pourquoi n’arrive-t-elle donc pas à en faire jaillir autre chose que cette boule de feu et d’amertume. Quel connard ! Elle aurait dû sortir, l’oublier, appeler, répondre enfin aux regards des passants anonymes. Elle ne voyait pas grand monde ces temps-ci. Qui aurait daigné l’écouter ? Elle préférait aux vivants la compagnie de sa sèche. Sèche en dedans, elle savait bien qu’il lui fallait se secouer, gratter la mélancolie jusqu’à ce qu’une nouvelle peau affleure de son cadavre de pleurs. Mais elle restait couchée là, lasse, tout cela pourrait bien attendre demain.
Le lundi, la vie reprendrait son rythme métronome. Jusqu’au dimanche suivant.

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Stéphane Kahn 209 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines