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"[Rec]²"

Par Loulouti
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Quand un long métrage est couvert d’éloges et que le public est au rendez vous, il faut s’attendre à ce que les grands argentiers du cinéma et/ou les initiateurs du projet succombent aux sirènes de la facilité et décident qu’une suite soit envisagée.
Dans le 7ème art il y a des mots ou expressions qui font lever les sourcils et dresser les cheveux sur la tête. "Suite" appartient à cette catégorie. A de très rares et notables exceptions, le terme rime avec désastre, calamité, fourvoiement, hérésie. Les cinéphiles sont impitoyables dans ce cas de figure. 
En avril 2008 "[Rec]" de Jaume Balagueró et Paco Plaza a déboulé dans les salles françaises précédé d’une réputation plus que flatteuse venue d’Espagne.
Je fais partie des milliers d’aficionados (pour faire couleur locale) qui sont tombés sous le charme de ce formidable long métrage d’horreur. J’ai véritablement apprécié l’histoire, la manière de filmer, les personnages et l’arrière plan thématique. "[Rec]" fut l’un des moments forts de mon année 2008 au cinéma.
Moins de 6 mois plus tard son remake américain "En quarantaine" est arrivé dans les salles de l’oncle Sam. Sa sortie française, prévue initialement pour la fin décembre 2008, a été annulée par des distributeurs pour une fois bienheureux dans leurs choix.
J’ai vu le dvd il y a quelques mois et je fus agréablement surpris par le contenu. La version américaine n’est pas une pâle copie de son illustre modèle, bien loin de là.
Quand les deux comparses ibériques ont décidé de remettre le couvert, j’ai pensé que les deux co-réalisateurs étaient sacrément gonflés. Une suite mal ficelée pourrait très bien les enterrer et faire passer leur succès initial pour une expérience sans lendemain (en gros se blairwitchiser)
 
Mais il n’en est rien. A croire que Jaume Balagueró et Paco Plaza ont été bénis par les dieux du cinéma.
Samedi après-midi j’ai vu "[Rec] ²" et je dois dire que je suis sur mon séant. En langage de fan c’est une tuerie. Une étape supplémentaire est franchie dans l’horreur avec une œuvre qui va bien au-delà d’un superbe premier volet déjà incontournable.
La difficulté principale à surmonter était de mettre en scène un long métrage satisfaisant sur le fond et la forme tout en sachant que le sel de l’intrigue, l’élément de surprise avait disparu.
Quand la projection de "[Rec] ²" débute, le spectateur sait qu’un mal mystérieux a zombifié les habitants d’un immeuble cossu de Barcelone et que le tout a été filmé par une équipe d’une télévision locale dirigée par Angela Vidal (la superbe Manuela Velasco).
Les deux metteurs en scène ont franchi l’obstacle avec une aisance qui en dit long sur la capacité du cinéma espagnol à se renouveler. Le théâtre de l’horreur est pourtant le même et nous connaissons ces lieux fermés et oppressants. Mais à chaque seconde les deux compères font preuve d’une inventivité, d’une créativité qui nous fait oublier cette relative aisance de perception d’un environnement (périlleux).
L’histoire se poursuit quelques secondes après la fin du premier opus quand une unité de choc de la police catalane et un "docteur" sont amenés à pénétrer dans l’immeuble.
Cette chronique d'une horreur pas si ordinaire prend véritablement aux tripes. Le climat est étouffant. Les hommes progressent dans une obscurité quasi permanente. Des caméras individuelles fixées aux casques de protection des policiers et une caméra portée filment les événements. Chaque recoin, chaque nouvelle pièce constituent des dangers potentiels., des pièges à éviter ou à surmonter. Le palpitant en prend un coup quand l’inévitable se produit.
Ces instants là sont stressants, rapides. Le spectateur assiste à un déchaînement de fureur, de cris stridents, de mouvements de caméra nerveux et désordonnés. L’œil perd le fil alors que l’objectif froid et impersonnel de la machine enregistre chaque péripétie. On entend la respiration des protagonistes s’accélérer et on ressent la montée d’adrénaline. Avec très peu d’effets, Jaume Balagueró et Paco Plaza nous rivent aux sièges.
Sur le plan formel le film est réussi dans son approche esthétique. L’apport d’autres points de vue (des jeunes ont pénétré eux aussi dans cet immeuble avec un…caméscope) permet au long métrage de rester dynamique pendant une heure et demie. La réalisation garde le rythme sans perte de tonus ici ou là. Les regards à la première personne démultipliés fortifient l’ensemble de bout en bout.
L’essentiel pour le spectateur était de ne pas avoir le désagréable sentiment de tourner en rond. Jaume Balagueró et Paco Plaza entreprennent de nous emmener plus loin dans l’horreur.
Sans verser dans le gore gratuit et grand guignolesque, "[Rec] ²" nous propose des moments truculents, bien juteux diraient certains. Les affrontements entre contaminés et individus sains (pas pour très longtemps d’ailleurs, vous pouvez vous en douter) sont l’occasion de passages intenses et horribles à souhait.
La réalisation des deux metteurs en scène est aussi surprenante car des éléments du premier film sont réintroduits avec un savoir faire qui force le respect.
Je ne vais pas tout vous révéler mais le retour d’un personnage initialement présent et l’écho d’une séquence à une autre renforcent l’impression que "[Rec] ²" est une œuvre sacrément bien foutue.
Sur le fond le spectateur se rend compte très rapidement que les deux metteurs en scène ont procédé à une mutation de leur thématique principale. A l'origine le constat était relativement clair : un virus galopant contaminait les résidents d'une bâtisse ordinaire.
Cependant l’arrivée de Angela Vidal dans la chambre de la jeune Medeiros à la fin du premier film avait remis en cause bien de nos certitudes :  la causalité scientifique semblait s'éloigner.
"[Rec] ²" enfonce le clou. Jaume Balagueró et Paco Plaza nous entraînent sur une voie, pas originale dans l’absolu au cinéma, mais très dépaysante et tonifiante, pour ce long métrage en particulier.
La science, les expérimentations, l'appréciation rationnelle sont reléguées au second plan pour ne pas dire carrément mises au ban, et la thématique de la possession démoniaque s’invite de manière totalement inattendue dans un immeuble bourgeois de Barcelone.
Pas de personnages en lévitation ni de têtes qui tournent à 360°. La sobriété est de mise et quelques effets spéciaux relativement opportuns donnent de la crédibilité aux choix scénaristiques effectués. Ce renversement d’optique donne un souffle nouveau. Des dialogues courts mais percutants renforcent une impression de malaise persistant.
Nous plongeons au cœur d’un mystère qui n’a pas fini de livrer tous ses secrets. Le final du long métrage est à l’image du reste : surprenant et déstabilisant.
Jaume Balagueró et Paco montrent aussi qu’ils savent clôturer leur travail de façon plus que satisfaisante. Ce qui n’est pas la moindre des réussites, quand on sait que très souvent des mises en scène somptueuses sont fusillées par des chutes totalement ratées.
Le spectateur reste scotché et rêve surtout d’en savoir (encore) plus.
"[Rec] ²" est une suite chronologiquement et formellement parlant mais le film demeurera bien plus que ça. C’est un opus original, bien né et surtout bien mis en scène. Nous avons droit à notre dose de peur et à notre lot de séquences surprenantes.
On en prend plein les yeux et on en redemande.

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