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Robert Dussey : L'Afrique malade de ses hommes politiques

Par Gangoueus @lareus
Robert Dussey : L'Afrique malade de ses hommes politiques
Quand le modeste lecteur que je suis, a eu l’essai de Robert Dussey entre les mains, je me suis exclamé : « whaou ! Quelle évidence ! ». Je me suis ensuite dit « voilà un auteur courageux qui a décidé de prendre le taureau par les cornes et de le soumettre à la force puissante de ses avant-bras ». Pour une fois, on allait avoir droit à une analyse pertinente des causes endogènes de l’échec de tout un continent.
Pourquoi l’Afrique est-elle malade de ses hommes politiques ? Comment l’extraire de ses prédateurs affamés qui tiennent les rênes du pouvoir? Existe-t-il une alternance crédible ayant intégré l’idée que le pouvoir est avant une notion de service ? Quel modèle, quelle structure constitutionnelle protègerait le mieux le citoyen africain de la rapacité de ces leaders politiques ? Quelle part prend la culture traditionnelle africaine dans la faillite de ses élites ? Pourquoi les élites reproduisent elles à l’infini, les échecs de leurs aînés confrontés à la Traite négrière ? Quelles sont les leçons qui n’ont pas été tirées des erreurs du passé ? Voilà les questions dont mon esprit s’attendait à voir le traitement dans cet essai.
Et puis le docteur Robert Dussey, enseignant à l’université du Togo sait de quoi il parle puisqu’il côtoie de près tous les jours Faure Gnassingbé, président du Togo, en tant que conseiller diplomatique.
Beaucoup d’espérance en ouvrant les premières pages de ce livre. Et j’ai appris beaucoup de chose. Que je savais déjà. L’Afrique subsaharienne est moribonde. Morte même selon l’auteur. Mort politique. Mort socio-économique et culturelle. L’auteur doit partager ma foi évangélique, car après avoir procédé à une autopsie complète de la dépouille de notre continent, il nous oppose une résurrection de cet espace en proposant à cette communauté négro-africaine de s’extraire de l’ignorance, de la crise, et de la pauvreté … et de construire la paix.

Robert Dussey produit là un ouvrage intéressant, où il fait preuve de beaucoup de lucidité dans l’analyse de l’état actuel de l’Afrique. Une analyse minutieuse (peut-être trop minutieuse, parfois répétitive) d’une situation catastrophique dans quasiment tous les secteurs socioculturels, économiques, politiques.
Mais on a envie, j’ai envie de lui reprocher tous ces titres erronés. A l’instar de cette mort politique de l’Afrique qu’il s’emploie à démontrer comme si l’Afrique était née politiquement un jour. Il le dit lui-même assez bien d’ailleurs :

« Ainsi l’indépendance devrait servir à installer au pouvoir des dirigeants taillés sur mesure. Un objectif atteint sans coup férir. Les pays africains nouvellement indépendants ont hérité de frontières coloniales, et du même coup, les problèmes qu’elles entraînent pour leur intégrité territoriale et leur désir d’unité nationale. La quasi-totalité des territoires indépendants sont en effet des pseudo-états sans consistance et tout juste fiers de disposer des oripeaux de la souveraineté que sont le drapeau, l’hymne national, des représentations diplomatiques de façade, les sceaux, etc.» page 49, édition Jean Picollec.


La question qui vient naturellement à l’esprit est celle de savoir comment, par quel système les peuples africains peuvent-ils se débarrasser de ces hommes politiques parachutés par Paris, Londres dans les capitales du continent.
Ayant fait ce constat, le lecteur que je suis est quelque peu atterré de voir que l’auteur est surpris par l’échec de l’OUA, de l’UA et de toutes formes de projets panafricains. Si l’impératif d’unité et de rassemblement est indispensable, on a du mal à l’imaginer avec les marionnettes de Paris, Londres qui dirigent ces états, se battre pour un projet qui desserre les puissances qui commanditent leurs pouvoirs. On s’attendait d’ailleurs à ce que l’auteur face le constat que les aires géographiques du continent où les projets de marché économique les plus avancés se retrouvent dans ces espaces où les intérêts parisiens, londoniens sont moins importants comme en Afrique sahélienne.

Un autre aspect qui m’a laissé songeur est celui de la structure idéale dans laquelle devrait évoluer nos politiques. Robert Dussey n’a que la démocratie au coin des lèvres, unique modèle respectant l’homme dans son intégrité. Et il a sûrement raison. Ce n’est pas moi qui vais prôner des dictatures à la tête des états subsahariens. Cependant, ce que les expériences des années 90 ont révélé, c’est l’émergence d’un multipartisme ethnique dont les hommes politiques les plus intègres de notre continent sont otages. On fait comment ? C’est la réalité de la plupart de ces états africains qui ne sont pas des nations. Ce type de modèle ne peut dans le contexte actuel produire de méritocratie, vu que c’est d’abord le parent que l’on vote, voleur ou pas.
Le plus grand tort de ces ouvrages qui traitent de l’Afrique de manière globale, est de ne pas s’appuyer sur l’expérience des états et de porter des points de vue qui me paraissent trop généraux. On aurait aimé une application au cas du Togo. J’aurai aimé.
Ce texte offre néanmoins une réflexion intéressante à son lecteur. Il est sombre, très pessimiste. Mais c’est un diagnostic qui mérite le détour, malgré les questions qu’il laisse en suspens. Faites-vous votre idée.
Robert Dussey, L’Afrique malade de ses hommes politiques
Edition Jean Picollec, 252 pages, 1ère parution 2008Un interview de Robert Dussey sur RFI. J'adore la conclusion de cet interview.

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LES COMMENTAIRES (1)

Par Paul
posté le 21 mars à 07:27
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Tant que les africains penseront que leurs problèmes est la faute de l'étranger comme vous le soulignez, ils n'auront aucune chance de sortir de cette spirale de l'échec. Les dirigeants actuels ont accédé au pouvoir sans aide extérieure. Il est vrai qu'une fois au pouvoir l'UE, la France, la Grande-Bretagne, la Belgique, la Chine, les Etats-Unis fournissent des aides financières ou des aides sous d'autres formes. Mais si c'est aides venaient à disparaître la situation des populations seraient alors encore plus grave qu'actuellement. Au bout de 50 ans d'indépendance, il est temps de ne plus chercher de bouc émissaire.

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