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“Bright Star”, sans éclat

Par Kub3

La réalisatrice de La Leçon de piano évoque l’histoire d’amour entre un poète anglais et sa voisine, en plein XIXe siècle. Elégant, subtil et sensible, Bright Star multiplie les qualités esthétiques et séduit par sa mise en scène suggestive et délicate. Mais le classicisme a ses limites : résolument beau tel un tableau dans un musée, le film peine à émouvoir et manque de fougue.

“Bright Star”, sans éclat

Après son rôle marquant de Jean-Baptiste Grenouille dans l’adaptation du Parfum, l’acteur Ben Whishaw revient au film en costumes sous la direction de Jane Campion, qui lui offre dans Bright Star un rôle de choix : celui du poète John Keats, aujourd’hui emblématique du romantisme anglais mais jadis peu estimé par ses contemporains. La réalisatrice dresse une biographie légèrement romancée de l’artiste à travers la liaison qu’il entretient avec sa voisine, Fanny Brawne. Pourtant, lors de leur première rencontre, le coup de foudre n’est pas immédiat. La jeune femme n’est pas particulièrement sensible à la poésie, tandis que John trouve Fanny insolente. Mais malgré eux, les deux passionnés nouent des sentiments de plus en plus forts et s’embarquent dans une histoire d’amour fou, que leurs entourages respectifs ne peuvent étouffer.

Si Bright Star pouvait laisser craindre une énième reconstitution historique guindée, lourde et démonstrative, Jane Campion contourne avec talent cet écueil. La bonne surprise du film réside, dès les premières images, dans sa dimension aérienne et légère. Contrebalançant l’artifice du costume par une attention particulière portée à la photographie, la réalisatrice magnifie avant tout la lumière et dresse une véritable ode à la nature. Conçus comme des tableaux, les plans rappellent souvent Barry Lyndon : l’équilibre recherché de la mise en scène, la symbiose admirable entre les personnages et le décor, la lenteur du récit privilégiant la contemplation à l’action font de Bright Star une œuvre fluide, en retenue constante. L’interprétation des acteurs, introvertis et efficaces dans leur sobriété, laisse alors le charme opérer progressivement.

Au fil des 2h de pellicule, Jane Campion préfère la suggestion à l’exacerbation des sentiments. Sans dialogues emportés ni musique ronflante, l’histoire d’amour entre John Keats et Fanny Brawne est d’autant plus juste qu’elle prend forme dans une poésie sensible jamais forcée par les choix de réalisation. Malheureusement, le bât blesse lorsque la maladie du poète - élément perturbateur central - nécessiterait davantage de tension psychologique et d’ambigüité morale. Trop sage pour être réellement intense, trop lisse pour aller au-delà des bons sentiments, le scénario manque de force et souffre de n’avoir plus grand chose à dire dans sa seconde partie. L’ennui finit par guetter sérieusement tandis que Bright Star se cantonne au film d’ambiance à l’eau de rose fanée et perd tout son intérêt au moment où la tragédie aurait dû tout emporter.

Malgré sa grande pureté, le film déçoit et laisse un arrière-goût d’inachevé. A l’image de la figure du poète tourmenté en son for intérieur, Bright Star aurait gagné à davantage de développement dramatique et à plus d’agitation, au lieu de s’enfermer dans un classicisme trop pétri de sagesse, certes apaisant, agréable à l’œil, mais au final trop peu émouvant.

“Bright Star”, sans éclat

En salles le 6 janvier 2010

Crédits photos : © Pathé Distribution

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