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UN POU D'ORGUE, mini-feuilleton en 17 épisodes (suite du 19 janvier)

Publié le 19 janvier 2010 par Christian Cottet-Emard

La version 2009 intégrale de ce mini-roman humoristique que j'ai écrit en 2008 est parue en édition pré-originale dans la revue des éditions Orage-Lagune-Express qui en conservent l'entier copyright. Tous droits réservés.

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À l’aube de mercredi, des silhouettes furtives convergèrent vers l’abbatiale. Le maire et un comité restreint composé de son premier adjoint le pharmacien Adolphe Hénol, d’un officier de gendarmerie, du capitaine des pompiers, du garde champêtre et de monsieur Cafardo se retrouvèrent en toute discrétion à la cure. Le visage de papier mâché de la vieille Jacinthe apparut à travers les vitres. Elle ouvrit aussitôt la porte et prévint le curé qui arriva les yeux cernés et la figure bouffie de fatigue. « Mes amis, je ne dors plus. Jacinthe nous a préparé du café. »
— Il est toujours là ? s’enquit le maire.
— Il n’a pas bougé d’un poil, si j’ose dire, répondit le curé. Monsieur le maire, j’ai l’impression de vivre un cauchemar. Qu’allons-nous devenir ? Les paroissiens commencent à se poser des questions, notamment ces dames du Chapelet qui ne comprennent pas pourquoi on leur interdit l’entrée. Et la messe de samedi ? Comment allons-nous faire ?
— J’ai au moins une bonne nouvelle, dit le maire. Le professeur Alastair Bang a bien voulu se déplacer. Nous partons tout à l’heure pour Genève où nous l’accueillerons à sa descente d’avion. Nous serons de retour à midi, au pire en début d’après-midi. Tout est prévu, son hébergement, son défraiement et tout ce dont il peut avoir besoin.
Adolphe Hénol fit la grimace.
— Et vous, mon cher Adolphe, je vous en conjure...
— Ne vous inquiétez pas, monsieur le maire. Si vous avez besoin de moi, vous me trouverez à la pharmacie mais il est hors de question que je rencontre ce... Ce... Cet... Cette ordure !
— Nous avons bien compris, coupa le maire. Le dispositif est-il en place ?
— Affirmatif ! répondirent de concert le gendarme et le pompier.
— Bien. Nos services techniques ont disposé deux engins et une benne sur le parvis pour donner l’illusion de travaux en cours. Jusqu’ici tout va bien.
— Et la presse ? s’inquiétèrent d’une seule voix le gendarme et le pompier.
— Notre ami Adolphe s’en charge. Il a persuadé le correspondant local de couvrir l’assemblée générale des herboristes amateurs. Ils vont passer passer trois jours à s’empiffrer en sa compagnie à vingt kilomètres d’ici. Bon débarras. Monsieur Cafardo m’accompagne à Genève. Il est bon votre café, Jacinthe. Vous êtes prêt, Cafardo ?
6
Le chauffeur du taxi chargea les bagages du professeur dans le coffre et démarra. La jeunette  regarda la voiture s’éloigner avec soulagement. Elle avait dû faire la valise en catastrophe car le professeur ne s’était occupé que de sa grande sacoche en cuir et de la mallette de son ordinateur portable. Elle s’était débrouillée pour trouver le nécessaire dans les armoires mais le pire avait été les sous-vêtements. Elle n’en avait jamais vu de pareils. Dans un tiroir, elle déplia avec perplexité de grands linges blancs aux coupes indéfinies, ce qui n’avait absolument rien à voir avec les slips « taille basse » de ses amants. Au moins était-elle désormais prévenue de ce qui allait un jour garnir les rangements de son futur logis dans trente ou quarante ans. Pour l’heure, il n’était pas facile de faire la différence entre les culottes distendues aux élastiques épuisés et les Marcels aux bretelles avachies. Elle en avait entassé une bonne partie dans la valise avec d’affreuses chaussettes reprisées par la gouvernante. Quand le taxi eut complètement disparu, elle rentra dans la maison et ouvrit les fenêtres pour faire courant d’air. Sa main dans la poche de son tablier rencontra un objet métallique. Une boîte neuve  de pastilles Zéphyr qu’elle avait oublié de ranger dans la valise. Décidément...

À suivre... Prochain épisode jeudi 21 janvier 2010.

© Éditions Orage-Lagune-Express, 2009.


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