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Quand Gainsbourg était accro au jazz

Publié le 20 janvier 2010 par Frontere

Quand Gainsbourg était accro au jazz

Serge Gainsbourg, il reste pour tous les compositeurs, tous les musiciens, la référence, et on sait qu’il continue d’influencer la nouvelle génération (Benjamin Biolay), y compris en Grande-Bretagne. Un film qui sort aujourd’hui retrace son parcours, qui l’a élevé au rang d’icône.

Flash-back. En 1963 il publia un album, trente-trois tours disait-on à l’époque, au titre prémonitoire : Gainsbourg confidentiel, puisqu’il sera un échec commercial, un bide, ce qui l’incitera à abandonner progressivement la rive gauche et le jazz. On devine sa déception ! Les puristes crieront à la trahison, lui, lucide, déclarera : « J’ai retourné ma veste le jour où je me suis aperçu qu’elle était doublée de vison. »

Parmi les titres de ce disque devenu culte : “Chez les yé-yé”, chez qui il ne va pas tarder à passer avec armes et bagages et par personne interposée (France Gall, Françoise Hardy), “Sait-on jamais où va une femme quand elle vous quitte“, “La saison des pluies“, “Elaeudanla Téïtéïa” (lire Lætitia) ou ce superbe gospel “No no thank’s no“. Sur ce disque, il est accompagné par deux pointures du jazz : Elek Bacsik (guitare) et Michel Gaudry (contrebasse), à l’époque relativement peu connus sauf dans ce milieu ; ils ont surtout fait les beaux jours du Mars Club près des Champs-Élysées.

Tous les trois se sont aussi produits en octobre 1963 au Théâtre des Capucins à Paris ; à voir la video qui circule sur le “Net” ça devait être sacrément enfumé, une autre époque ! On les imagine livrant ensemble dans une sorte de bœuf un échantillon de ce qu’ils pouvaient faire, par exemple, attaquant “All the things you are“, composition signée Jérôme Kern - Oscar Hammerstein (1939) qui a été chantée par Ella Fitzgerald. Ceux qui ont eu le bonheur de les voir jouer sont des happy few¹ : ils ont l’air de tellement bien s’entendre sur cette video et Serge rayonne intérieurement, très classe : boutons de manchettes, finesse presque aristocratique de ses mains. Dire que certains ont pu associer son nom à la vulgarité …

Du guitariste, d’origine hongroise, Elek Bacsik, décédé aux États-Unis au début des années quatre-vingt-dix, il faut écouter toutes affaires cessantes deux magnifiques disques : Nuages, clin d’œil à Django dont on commémore cette année le centenaire de la naissance, et Guitar conceptions, enregistrés respectivement en 1962 et 1963 mais qui sont ressortis sous forme de compact disque (C.D.) en 2000 et 2002. De lui, Alain Bashung a pu dire :

« Quand je suis arrivé à Paris (au début des années soixante), les premiers artistes que j’ai rencontrés, c’étaient des peintres à Montmartre. Ils n’écoutaient que du Miles Davis, du John Coltrane et l’album Confidentiel. Il y avait ce guitariste exceptionnel, Bacsik : quand je l’écoute, j’ai l’impression d’entendre J.J. Cale à cause de cette façon de faire un minimum de notes, mais juste au bon moment! »²

Quant à Gainsbourg, s’il eut une addiction pour l’alcool, vous n’ignorez plus qu’il fut encore plus accro au jazz. Juste avant la vague yé-yé. Elle balaiera tout. Et entre-temps le beau Serge avait fait une embardée. Du jazz dans le ravin.³

Notes

¹ cette élite, par essence restreinte, de laquelle Stendhal voulait être lu
² témoignage publié dans le Gainsbourg de Gilles Verlant, éditions Albin Michel, 1985
³ titre d’un morceau de son premier album en 1958


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