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Retraites : Martine Aubry joue perso

Publié le 21 janvier 2010 par Hmoreigne

 On se lâche à la tête du PS. Après le coup médiatique de Vincent Peillon, Martine Aubry laisse le sentiment à gauche d’un véritable coup de Jarnac sur le dossier des retraites. Même mesurée et prudente son ouverture sur la remise en cause du droit à la retraite à 60 ans réveille le vieux clivage entre gauche radicale et gauche de gouvernement. Au-delà, l’annonce qui n’a donné lieu à aucune concertation témoigne de l’engagement de la Première secrétaire dans la course pour 2012 et de sa volonté de soigner son image de présidentiable “responsable”.

C’est une grande fissure qui vient de se dessiner dans la voute de la chapelle socialiste. Exit le dogme de la retraite à 60 ans considéré jusqu’alors comme l’une des grandes avancées sociales de la gauche au pouvoir.

Sur le fond, l’annonce elle-même est plutôt mesurée mais les médias ont souvent tronqué la suite de la phrase qui a pourtant toute son importance. Le “On devra aller très certainement vers un départ à 61-62 ans” est ainsi normalement complété par: “à condition qu’on traite le problème de la pénibilité et le problème de l’activité des seniors“. Peu importe. Même justifiée par un principe de real-politique, c’est la méthode qui choque. De l’aile gauche du PS à Pierre Moscovici, la déclaration surprise de la Première secrétaire suscite critiques et crispations.

Le propre porte-parole de la première secrétaire, Benoît Hamon, a déclaré que “ce n’est pas sa position” et qu’il reste “attaché” aux 60 ans. Sans surprise, Henri Emmanuelli, représentant historique de l’aile dure, évoque “un très mauvais signal” et une remise en cause “d’une conquête sociale majeure“.

Ils trouvent toutefois un allié inattendu en la personne de Pierre Moscovici. Pour l’ancien lieutenant de DSK, “le droit à la retraite à 60 ans tel qu’il a été défini par la gauche en 1981 doit rester un droit, la règle, ça doit être la norme“.

Pierre Moscovici qui s’est vu confier le portage de la future convention nationale sur le nouveau modèle de développement (la future matrice idéologique du PS pour 2012), qui se tiendra en mai, a tenté de dédramatiser les propos de Martine Aubry en prenant le soin de souligner que cette dernière “a voulu adopter une attitude très constructive” sur le dossier des retraites.

Question attitude justement, le virage de Martine Aubry, surprend. D’une manière générale, de nombreux observateurs constatent la mutation de “l’autoritaire et intransigeante” Dame des 35 heures en “la constructive et raisonnable” fille de Jacques Delors.

Dans son ouverture au dialogue à l’attention de Nicolas Sarkozy Martine Aubry dimanche a déclaré vouloir “trouver les principes justes” d’une réforme des retraites. C’est un minimum. Ce dossier doit pourtant être replacé dans un cadre plus général où une majorité de Français a le sentiment que la répartition des richesses mais surtout, des efforts pour sauver notre modèle social, est inégale.

Le dossier des retraites se télescope avec l’indignation suscitée par la cupidité d’Henri Proglio, l’ami du Fouquet’s de Nicolas Sarkozy comme le rappelait François Bayrou. Travailler  plus longtemps, pour beaucoup, gagner énormément immédiatement pour quelques-uns. La bagatelle de 150 smic par mois dans le cas Proglio.

L’attente des Français à l’égard de l’opposition, et du PS en particulier, est avant tout dans cette période difficile, de plus d’égalité. Ce que les strauss-khaniens avaient tenté de circonscrire en avançant la notion d’égalité réelle. Un challenge que ne manquera pas de relever, comme ancien de la bande et responsable de la prochaine convention socialiste, Pierre Moscovici.

Pour le reste, au-delà du dossier des retraites dont le règlement pèsera lourd au moment des alliances pour 2012, la patronne des socialistes doit garder en mémoire le conseil de François Mitterrand : “D‘abord, rassembler les siens, puis toute la gauche, et ensuite, seulement, tenter d’attirer d’autres voix“. La nostalgie des années Jospin, de la gauche de gouvernement, ne doit pas faire oublier qu’elle s’est traduite par le naufrage de 2007.

Reste, une autre question, angoissante pour beaucoup. Martine Aubry par ses propos n’aurait-elle pas ouvert la boite de Pandore ? Accepter aujourd”hui la remise en cause de la retraite à 60 ans, n’est-ce pas accepter de facto demain de revenir sur d’autres acquis sociaux dont les 35 heures ?? Autrement dit, comment passer d’un Munich social à la redéfinition du pacte social.


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