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Séisme d'Haïti : quand une catastrophe nous interpelle sur la représentation qu’elle produit

Publié le 21 janvier 2010 par Christianregouby

Les schémas de représentation et de socialisation que produisent ou que révèlentles catastrophes et les crises sont un angle de vue qui, je pense, n’est pas encore suffisamment exploré.

La mise en scène médiatique de la catastrophe du séisme d'Haïti est puissante par le choc émotionnel mondial qu’elle génère et qu’elle entretient. Le traitement mimétique de la situation par les médias et la représentation globalement homogène qui en découle, reposent sur une mécanique désormais systémique au sein de nos sociétés. 

Privilégier les images qui montrent la violence, fût elle naturelle, est systématique pour nourrir l’arène médiatique et maintenir en attention une audience sans cesse  stimulée dans sa fibre émotionnelle : « l’île reste en proie au chaos et au pillage… Plus de 6000 prisonniers ont pu s’évader des prisonset se baladent en liberté au milieu des cadavres et de la désolation…70 000 personnes ont été enterrées dans des fosses communes…Le nombre de morts pourrait atteindre 200 000 personnes…. Cent millions de repas sont nécessaires dans les 30 jours à venir… »

Sur cette scène médiatique mondiale, les images et la sémantique structurent notre représentation de la réalité. Les acteurs extérieurs au drame entrent eux-mêmes en scène pour jouer sur la vague médiatique ou pour la subir. Ils s’invitent à la table et profitent du puissant coup de projecteur pour marquer les esprits avec des messages simplificateurs et efficaces quand la raison est submergée par l’émotion. Les exemples sont quotidiens relayés par la presse : « Haïti est une île maudite... Les Etats Unis et la France se marchent sur les pieds…Le leadership des américains sur les secours irrite... » Jusqu’auprésident vénézuélien Hugo Chavez qui accuse : « L’empire américain s'empare d'Haïti sur les cadavres et les larmes de son peuple…»

Les secours et l’entraide, le déploiement des hommes et des femmes engagés, souvent au bord de l’épuisement et aux risques de leur vie, n’ont, quant à eux, que très peu d’échos médiatiques. De même, l’Ouragan Katrina, en août 2005, à la Nouvelle Orléans, était présenté comme un Etat où régnaient le pillage et le chaos. Les témoignages recueillis auprès des sauveteurs, loin du bruit médiatique,ont rapporté au contraire la réalité d’un formidable réseau d’entraide et de solidarité. Mais l’action solidaire sur le terrain n’intéresse pas la scène médiatique dans l’immédiat. Les valeurs cardinales prioritaires restent les images chocs, les révélations ou les déclarations provocantes. La dictature de l’audience pilote la surenchère de la violence émotionnelle.


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