Le livre
Joyce Carol Oates
Joyce Carol Oates
Joyce Carol Oates
Après la pègre, les gangs de filles et leurs confessions par Joyce Carol Oates.
Difficile encore d’être une fille en 1950, si vous ne vous pliez pas au diktat masculin et aux conventions de l’Amérique puritaine, violente et hypocrite, surtout dans les faubourgs d’une petite ville ouvrière. Alors, cinq jeunes filles (Maddy, Lana, Bonnie, Rita et leur chef Legs) se liguent et forment -comme les garçons qui les torturent- un gang, nommé Foxfire (= jolies filles/ feu-follet). Elles aussi ont la “fureur de vivre”. Alors, c’est “à la vie, à la mort”. Elles s’emploient tout d’abord à réparer les diverses injustices infligées aux plus faibles ; mais la violence engendrant la violence, leurs actions terroristes deviendront de plus en plus graves, et verseront carrément dans la délinquance, s’attirant plus d’un ennemi…
Confessions d’un Gang de Filles est un roman de l’écrivaine Joyce Carol Oates, aussi prolifique que talentueuse, datant de 1995. C’est un livre qui vous prend et ne vous lâche pas, grâce à l’ingéniosité de la narration (allers-retours entre carnets de l’époque et point de vue de la narratrice-après les faits) et au style éblouissant de justesse et de fulgurances de l’auteure.
Livre féministe ?
En 1979, elle écrivait dans son journal (Journal, 1973-1982, éditions Philippe Rey) :
“Ressentez-vous de l’amertume, m’a-t-on demandé récemment, à être rejetée par les féministes (ce que je ne savais pas, je dois le reconnaître) alors que sont encensés tant d’ouvrages sans ambition, qui ressassent les clichés féministes… ? J’ai trouvé qu’amertume était un mot plutôt fort et plutôt insultant, d’autant que je ne connais pas vraiment le contexte et que je n’avais guère envie de m’en enquérir. Cela dit, il est ironique que, m’attaquant à des sujets généralement plus vastes - et plus ambitieux, je suppose - que les ouvrages féministes (qui semblent en gros de deux sortes - jérémiades contre les hommes, affirmation de l’indépendance des femmes à l’égard des hommes via des alliances lesbiennes) -, je ne sois pas considérée du tout comme «féministe». Lorsque les hommes s’essaient à des romans vastes, ambitieux, cela paraît tout naturel - tout masculin; une femme qui s’essaie à de tels romans s’expose à être considérée comme une rivale par les hommes, et comme un déserteur de la cause par les femmes.”
En 2000, elle précisait sa position dans un interview accordé à l’express à l’occasion de la sortie de Blonde : “Je ne suis pas une féministe au sens propagandiste du terme. Pour autant, si le féminisme s’inscrit dans une perspective démocratique, progressiste, j’en suis, bien sûr. Il est logique qu’à travail égal la rémunération soit égale entre les hommes et les femmes. Il est logique aussi que les femmes aient le droit d’étudier. Et que les Noirs américains aient les mêmes droits que les Blancs, les Caucasiens… Le féminisme ici défend aussi cette cause même si cela n’a rien à voir avec le sexe de la personne.”
C’est bien ce qui me semblait. J. C. O. s’intéresse à toutes les injustices et à tous les mensonges de la société, sans distinction de sexe. Et ce n’est pas elle qui a écrit l’Histoire et le combat que les femmes ont dû mener pour s’affranchir de la tutelle masculine (qui apparaît souvent violente dans son oeuvre comme dans Viol, une histoire d’amour ou Nous étions les Mulvaney). Mais elle ne peut tout simplement pas l’ignorer non plus, d’où son intérêt, et le nôtre, à la lire parler des femmes, comme elles sont, comme elles essaient d’être, d’où qu’elles soient, comme elles le peuvent.