Magazine Culture

Tous les râteliers, de Vincent Wahl (lecture d'Alain Helissen)

Par Florence Trocmé

Wahl  Vincent Wahl mange raisonnablement. Il nourrit cependant une relation à la nourriture, précisément, qui peut prêter à interrogation. Déjà, son précédent ouvrage (Œil ventriloque, 2008) abordait ce même sujet, « sorte d’autobiographie d’un ventre », est-il écrit dans l’avis de parution. L’auteur poursuit ici des ruminations déterminées, s’en explique-t-il en fin de volume, par sa visite de trois expositions, deux ayant rapport à la gastronomie, la troisième étant une installation de l’artiste Gérard Garouste. Il y eut aussi, 11 ans plus tôt, la vision du film Eating d’Henry Jaglom, ainsi que « des stations répétées devant les menus du restaurant parisien d’Alain Passard et l’écoute régulière de De bouche à oreille sur France-Culture. Voilà pour les sources.
Lorsqu’on voit la couverture de Tous les râteliers la question se pose : « Est-ce un livre de cuisine égaré dans le rayon « poésie » ? Parce que la « bouffe », c’est vrai, apparaît rarement au menu de la poésie contemporaine. Ouvrant le livre, force est de constater qu’il s’agit bien de poésie. Une poésie, certes, qui a fait de l’estomac son foyer ardent et qui provoque davantage le frémissement des papilles gustatives que l’émotion sentimentale. Je veux moi me repaître jusqu’aux marges du temps, entame en entrée l’auteur. L’abondance – comme « profusion », un terme qui apparaît plusieurs fois dans ce recueil – s’affirme s’affine se concentre et d’elle-même s’enivre. Le festin intègre des menus à rallonge, des recettes, des textes d’Alphonse Allais, Paul Reboux, Brillat-Savarin, Grimod de la Reynière…En bas de page court un texte qui rajoute à la profusion générale. Le tout bardé d’érudition gastronomique et servi avec un coulis de langue des plus onctueux : Mes biens chairs fraîches dit l’ogre prédicateur. Pour avoir offert son précédent livre au Chef parisien Alain Passard, Vincent Wahl s’est vu invité dans son restaurant. Un poème-reportage narre l’épisode en dix-sept stations. Sans doute Alain Passard recevra-t-il Tous les râteliers et on peut imaginer alors qu’il réservera une table « à vie » à son écrivain admirateur. Les enjeux de satiété développés dans ce livre débordent du cadre strictement alimentaire pour aborder le social, l’écologie, la politique, la culture…Quand la poésie se met à table elle sait se repaître à tous les râteliers. N’est-ce pas les vers, au bout de nos banquets, qui feront festin de nous ?
    
    
Contribution Alain Helissen
    
    
Vincent Wahl 
Tous les râteliers ! (Rumines deux)
éd.
Rhubarbe − [email protected].
12€.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Florence Trocmé 18683 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines