Une tribune libre de Fabrice Decoupigny.
Le petit déjeuner du samedi matin est un rituel. Je me lève, je m’habille, je lance le café, je sors acheter le pain, les croissants, Télérama et Mariane. Je reviens à la maison, et tel un autiste, je déguste goulûment mes croissants en feuilletant Marianne; quant à Télérama son sort est réglé le dimanche matin.
Or ce samedi matin, mon attention fut retenue par un nouvel espace d’expression dans Marianne ( n°666, 23-29 janvier 2010) intitulé Carte Blanche, l’heureux élu étant Jean François Copé. Ce brave homme nous fait sa tribune libre sur “Identité nationale : les terribles inconvénients du silence”.
Intrigué et curieux, j’ai entendu parler de cet enfant terrible de l’UMP, pourfendeur du populisme présidentiel. Mon excitation est à son comble, tout émoustillé je veux entendre et sentir le cri de la vérité me transpercer. Tel l’éclair qui déchire la nuit, le Zola de Meaux nous livre l’incommensurable profondeur de sa réflexion.
Pour Jean François Copé, le débat sur l’identité nationale doit rompre avec le silence qui porte sur quatre fissures de notre société :
- La dérive du droit à la différence des années 80 qui a engendré le multiculturalisme,
- L’opposition entre la France urbaine et rurale, où les citadins reprocheraient aux ruraux leur cadre de vie.
- La place de la femme (où il ne manque pas de mentionner que la burqua, “c’est pas bien”)
- Le clivage entre jeunes et vieux. Les uns (jeunes) reprochant aux autres (les vieux) d’avoir mangé tout le gâteau.
Une première interrogation me vient à l’esprit, le propos et le texte me paraissent confus. L’auteur semble tout mélanger et manquer de références bibliographiques. Je n’arrive pas à faire le rapprochement entre identité nationale, silence et fissures. Parle-t-il de faits ou nous livre-t-il son opinion ? Mouais, ça me parait très moyen cela, j’ai l’impression d’avoir une copie d’un étudiant laborieux qui rame sur le sujet.
Tous les poncifs de la sociologie à deux balles sont énumérés (français- étrangers, jeunes-vieux, villes-campagnes, hommes-femmes). Je relis deux fois, trois fois son texte, car je n’arrive pas à croire que l’on puisse écrire de telles inepties. Peut être que mes neurones ne sont pas en place. Ne sommes-nous pas, après tout, samedi matin, un jour de relâche ? Aurais-je sauté deux lignes, voire un paragraphe ? Que nenni. Je suis abasourdi par le niveau intellectuel de cet homme passé par les plus grandes formations de notre république: Sciences Po et l’ENA.
Incroyable, je pensais que l’élite de notre nation avait lu, Braudel (histoire économique et sociale de la France), Duby (histoire de la France urbaine et rurale), Bourdieu (la reproduction sociale), Simone de Beauvoir (le deuxième sexe)… En tant que grand penseur de droite, notre illustre député pouvait aller puiser un peu d’intelligence et de culture chez Hayek ou Aron.
C’est digne du café du commerce, parce que sachez mes chers lecteurs que le problème de l’identité nationale a été tranché dans ce pays en 1789 avec la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Condorcet n’écrivait il pas dans son “Traité de mathématiques sociales” (1793) : “une identité est une égalité qui est toujours vrai quels que soient les valeurs qui la composent”.
En bref, une identité ne vaut rien si les conditions d’égalité entre ses membres ne sont pas respectées, l’identité nationale étant alors la traduction de l’égalité républicaine. C’est aussi simple que bonjour. Encore faut il que des demeurés ne viennent pas parler à tort et à travers. Mais peut être faudrait-il renvoyer à l’école certains sujets de notre grande et belle assemblée. Mais que peut on faire quand la petite bourgeoisie de province ou de banlieue se met à disserter ? Allez… Aux abris!..
- “10 septembre 2009, le jour où tout commença - 21 janvier 2010″. Vie locale, vie publique.
- La revue de blogs universitaires d’Histoires d’universités.
- Dernier sondage régional PACA. La réaction de Laurence Vichnievsky. Fini-Parti.
- Espagne, après Aznar et Zapatero. Le Monde.
- Acta: l’extension de la propriété intellectuelle au bénéfice des multinationales et au détriment des internautes se prépare en catimini. Ni le Parlement Européen, ni le sénat US n’ont pu avoir accès aux textes en préparation. Le Monde.
- Comme beaucoup, je suppose, je n’ai pas regardé le spectacle mis en scène par TF1 pour faire voter UMP aux Régionales et Sarkozy en 2012. Je n’en parlerai donc pas, mais les commentaires sont ouverts.