Au coucher du soleil, durant les nuits d' hiver, au Maroc , il faisait un froid de loup ! On n'avait pas de quoi se réchauffer . On se mettait, mes quatre frères , mes deux soeurs et moi autour de ma mère, en faisant un cercle . Certains se cachaient sous ses bras par peur de la nuit et des bêtes de la nuit . Le Siht Alile (la souris volante = la chauve -souris ) , qui est un démon nocturne faisant peur aux enfants ou Aïcha Kandicha qui fait même trembler les grands .
On se réchauffe autour d' une bougie allumée ou - au mieux - d' un braséro. On n' avait pas en ce temps-là l' électricité pour se réchauffer ou pour éclairer la couleur noire de notre âme .
Nous n'avions ni radio ni télévision , évidemment . Nous n'avions que la source des contes des Mille et une Nuits , notre mère .
Ma mère est une femme illettrée, qui ne sait ni lire ni écrire , mais elle se trouvait obligée d' occuper ses petits comme un poule qui cot cot cote ... pour calmer les poussins qui poussent avec force pour se faire une place sous ses ailes .
Comme d'habitude, ma mère voyait dans mes yeux et ceux de mes frères qu' on réclamait une histoire ou une chanson pour occuper nos imaginations et chasser la peur qui nous faisait trembler plus que le froid glacial .
Il n 'y avait ni bandir ni taarija , des instruments simples , populaires pour faire le rythme de l'accompagnement .
Elle utilisait le plateau à thé qui était en cuivre et deux cuillères à soupe ou deux verres à thé, de temps à autre, pour faire des petits sons de rythme et elle commençait le chant . Ma mère posait le plateau à l'envers , sur ses genoux et elle frappait des deux mains avec les instruments improvisés .
C'était un chant incroyable et magnifique qui nous faisait fondre de bonheur . Il apportait de la chaleur dans les coeurs et nous rendait courageux après la grand peur . On croyait qu 'on était Saïf Bno Di Yazane, un grand héros qui tue les lions dans le désert ou Antarat bno Chadade , un homme courageux et combattant dans les déserts.
Les chansons de ma mère étaient des chansons religieuses qui chantaient un amour éternel de Dieu et du Prophète ... Quand elle s' arrêtait de chanter , elle commençait le récit de Haïna , une jeune paysane qui fréquente le Djin . Ses histoires avec les amis et les ennemis et comment elle se sortait des pièges sur son chemin jusqu'à ce qu'elle arrive à sa maison, la nuit!
Ma mère ne racontait pas que des récits imaginaires ou qu' elle avait entendus , elle commençait à raconter son histoire , quand elle avait fini avec toutes les histoires des autres .
Nous avions une tante qui était mariée un homme de Sidi Rahale , une région autour de Marrakech . Ma mère voyageait avec ma tante pour des vacances dans cette région pour voir la famille .
Le village était primitif, loin de la ville, avec des rites différents de ceux des autres régions .
Les habitants du village font toujours la fête pour rencontrer les visiteurs de la famille. Ce sont des villageois qui habitent la montagne avec tout les dangers et ses nuit d' hiver au froid qui tue
Ils se rassemblent la nuit pour faire la fête . Et cette habitude est devenue un gagne- pain pour les Rahalies ,les habitants de la région Sidi Rahale , quand ils ont de mauvaises saisons de récoltes .
Il y avait même des familles entières , le père , la mère et le fils qui font le Halka ,la mendicité dans les lieux publiques des villes, dans les souks ou les moussems . Ils faisaient de ce rite, un métier et ils vendaient même des médicaments faits avec des plantes médicinales .
Ma mère nous racontait que les sources de ces chansons sont de mon arrière-grand-mère. Elle habitait la campagne et elle était invitée chez les villageois, au temps des fêtes de mariages ou des fêtes religieuses, pour chanter .
Je cherchais toujours à imaginer ces scènes que nous racontait ma mère . Je les voyais de temps en temps dans les souks mais je n' en ai jamais pris consience .
En voyant cette vidéo- là, les images sont revenues et j'ai compris les histoire de ma mère après l'âge de ma quarantaine .
Les Rahalies se mettent autour d' un braséro sur lequelle on pose une buiouar ( une bouilloire, comme prononcé par les ancien soldats pour la France )qui chauffe pour préparer le thé et en même temps pour boire l'eau chaude quand ils dansent le Hadra ( Ajadba ), la danse avec les rythmes en perdant consience .
En même temps, le braséro et la bouilloire sont une source de chaleur .
Les rythmes des chansons sont des rythmes très populaires traditionnels marocains . Tout le monde participe, le père, la mère ,la soeur, le fils, la tante , c'est le temps de l' expression libre dans la famille . C'est un temps de culture, d'éducation et de savoir .
Je vous souhaite bonne écoute et bonne découverte avec la simplicité et le bonheur :
Abdelkarim Belkassem
Rouen France , Safi Maroc