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27 janvier : cinéma

Publié le 27 janvier 2010 par Petistspavs

C'est une semaine ciné plutôt agréable et de bon goût, qui présente peu de films méprisables (à vrai dire, je n'en vois qu'un, verbe impropre car, justement, j'aurai la chance de ne pas le voir (celle ou celui qui a deviné m'écrit, elle ou il a gagné). Entre deux superproductions qui ne m'intéressent pas, en particulier celle dont la presse ne parle qu'en termes de prouesses techniques et de records battus (tiens, j'ai mangé du poisson à midi, pas terrible d'ailleurs, un plat préparé genre 2 mn au micro-ondes), une jolie flopée de films au bon goût d'authenticité. Entre les "films du milieu" chers à la très chère Pascale Ferran (un entretien avec elle, deux ans après ses déclarations programmatiques détonantes aux Césars, devant un ministre de la culture confit d'ennui méprisant : CLIQUER ICI, c'est très intéressant pour les gens qui aiment le cinéma et c'est sur l'excellent site Fiches Cinéma) et les réalisations radicales, mon cœur balance et hésite, au bord de la fibrillation.
Mais avant d'aller plus loin, un peu de musique. Ce n'est (à nouveau) pas la version d'origine de cette chanson, mais celle, nostalgique, d'Alain Bashung à l'Élysée Montmartre, lors d'un de ses derniers et bouleversants concerts parisiens (j'y étais, bien sûr). Question : de quel film cette chanson ? Oui, cet édito tourne au Quizz, donc vous écoutez la chanson, vous trouvez, vous avez gagné et on passe à autre chose.

Plus que jamais, mes choix cette semaine sont purement subjectifs, à la limite de l'aléatoire. Pourquoi ne pas défendre Suite parlée - Récits de souvenirs enfouis de Marie Vermillard et Joël Brisse (France, 2008), composé de 23 récits faits par 23 acteurs, plus ou moins connus, cadrés au buste, en plan fixe, sur fond gris, vêtus d’étoffes sombres et sobres ? Pourquoi ne pas faire un peu de pub à l'excitant Ne change rien de Pedro Costa (Portugal, France, 2009), portrait noir et blanc de Jeanne Balibar dans son travail de chanteuse par un cinéaste au radicalisme dérangeant, donc a priori intéressant ? Et The rebirth de Masahiro Kobayashi (Japon, 2007), film construit sur la répétition, le silence, jusqu'à l'hypnose (l'ataraxie, ose Les inrocks : à vos dicos !) ? Sans doute qu'à l'instar de Pascale Ferran, j'ai tendance à choisir le cinéma du milieu, celui qui cherche un public, mais refuse avec vigueur la compromission avec la vulgarité crasse de l'argent roi, au nom d'une position morale. Quelque chose qui chercherait son existence entre Clint Eastwood et Bruno Dumont, par exemple.

Bonne semaine, bons films.

CINÉ POTINS

Ce jeudi 28 janvier, Alain Cavalier (réalisateur en 2009 du sublime Irène et avant ça de toutes sortes de choses belles, sensibles et intelligentes) donne une master class au Forum des Images, sous le regard critique de Pascal Mérigeau (Le Monde, Le Nouvel Obs'). C'est à 19h30, dans le 1er arrondissement de Paris.
En première semaine, Gainsbourg (vie héroïque), le film très réussi de Joann Sfar a fait mieux à Paris que A serious man (2600 entrées contre 1300) mais les deux plantent le nouveau Hugh Grant. En entrées cumulées France entière, Avatar a dépassé les 11 millions d'entrées et Invictus 1,4 millions...
Forbes, un magazine très cinéphile, comme on le sait, a établi le Top 15 des plus gros flops d'Hollywood. Parmi 14 daubes probables dont je n'ai jamais entendu parler, est cité un film double :Grindhouse - Boulevard De La Mort / Grindhouse - Planète Terreur, budget : 67 millions $, recettes : 25 millions $, taux de perte : 63%. C'est intéressant, parce que c'est des chiffres US. Et l'équation Flop = peu de dollars en dit long sur une certaine tendance du cinéma mondial. Et tout ça n'empêche pas Tarentino de redéfinir le cinéma à chaque film.
Au fait, le premier film réalisé par Clint Eastwood avait fait 50.000 entrées en France... Comme quoi...

A NE PAS RATER CETTE SEMAINE


Mother
Mother
film Coréen (du Sud) de Joon-ho Bong  (2009, 2h10)
avec Won Bin, Jin Ku, Kim Hye-ja
Distributeur : Diaphana Films 
Synopsis : Une veuve élève son fils unique Do-joon qui est sa seule raison d'être.
A 28 ans, il est loin d'être indépendant et sa naïveté le conduit à se comporter parfois bêtement et dangereusement ce qui rend sa mère anxieuse.
Un jour, une fille est retrouvée morte et Do-joon est accusé de ce meurtre.
Afin de sauver son fils, sa mère remue ciel et terre mais l'avocat incompétent qu'elle a choisi ne lui apporte guère d'aide. La police classe très vite l'affaire.
Comptant sur son seul instinc maternel , ne se fiant à personne, la mère part elle-même à la recherche du meurtrier, prête à tout pour prouver l'innocence de son fils...
Pour Excessif, "Bong Joon-Ho est grand. Après nous avoir ébloui avec des meurtres en série et un film de monstre politico-social, il réitère avec Mother. Un mot simple comme l'amour. Un mot simple comme la mort".
Serge Kaganski (Les inrocks), après avoir rappelé le côté "mille-feuilles", touche à tout du  des films de BJH, conclut : "Sous ses dehors de jeune prodige du cinéma de genre un peu rigolard, Bong Joon-ho interroge mine de rien à chacun de ses films le malaise dans notre civilisation. Son cinéma ne mélange donc pas seulement les genres, mais aussi le noble et le trivial, la surface fun et la profondeur plus grave, la distraction et la réflexion. Son désir, son énergie, sa liberté sont contagieux".

C'est LE film de la semaine de Critikat qui s'extasie sur le "plan sidérant" qui ouvre Mother et poursuit  "Le film qui suit cette image est un long parcours pour y revenir et, finalement, l’expliquer. Attestons que, pour son quatrième long-métrage, Bong Joon-ho – véritable artificier des grands genres populaires – est resté l’un des plus excitants cinéastes de sa génération".

C'est également LE film à ne pas rater cette semaine pour Libé qui sous le titre "La mère aux trousses" (c'est Libé...) évoque "un drame puissant" et consacre 3 pages au film.

On est prévenu : BJH est un grand, au moins en devenir, et il est urgent de courir après sa Mother.

Enfin, un film français "du milieu"

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Le refuge
film français de François Ozon (2009, 1h30)
distributeur : Le Pacte
avec Isabelle Carré, Louis-Ronan Choisy (compositeur-chanteur de la musique du film), Pierre Louis-Calixte et Melvil Poupaud

Synopsis : Mousse et Louis sont jeunes, beaux et riches, ils s'aiment. Mais la drogue a envahi toute leur vie. Un jour, c'est l'overdose et Louis meurt. Mousse survit, mais elle apprend qu'elle est enceinte. Perdue, elle s'enfuit dans une maison loin de Paris. Quelques mois plus tard, le frère de Louis la rejoint dans son refuge.
C'est l'Humanité qui fait la synthèse : "À l’aboutissement d’une filmographie entamée il y a moins de quinze ans, François Ozon n’a cessé de mettre en scène ce qui affecte au plus profond avec une frontalité que sa délicatesse vient soutenir. L’homosexualité, le deuil, l’absence, le couple, aujourd’hui la maternité constituent pour lui autant de répertoires de clichés qu’il va extraire des conformismes ambiants pour les éclairer autrement." On appelle ça, même si le réalisateur est encore fort jeune, la cohérence d'une œuvre, inscrite dans la récurrence des thèmes : l'homosexualité (Regarde la mer, Gouttes d'eau sur pierres brulantes, Swimming pool), le deuil, l'absence, le couple (Sous le sable, 5 fois 2, Le temps qui reste), la maternité (Regarde la mer, Ricky). On peut y ajouter l'élément liquide et, au-delà, la mer, la plage comme espaces de la perte, de l'angoisse, de la mort attendue (Le temps qui reste) ou fantasmée (Sous le sable). Et tous ces thèmes, si j'en crois la presse et Ozon lui-même, sont présents dans le dernier opus.

De quoi s'agit-il ? Dans un entretien accordé à l'Humanité, Ozon nous donne une clé : L'idée, "c’était de filmer le corps d’une femme enceinte, sa beauté, son mystère très intrigant, ses humeurs et ses sensations. L’idée était ensuite d’aller vers l’épure, de réaliser un film qui soit presque un espace mental et n’a pas besoin d’action. Comme dans Sous le sable, l’homme est mort. Cette femme, Mousse, est enceinte de lui. Que va-t-elle faire ?" Et une clé supplémentaire, qui ouvre sur la plupart de ses films : "Je suis toujours à la recherche de portraits en creux. Le spectateur se voit conférer un rôle très actif par le manque d’informations données. Il n’a que des pistes".

Pour Les inrocks, "Deuil, maternité : François Ozon propose de subtiles variations sur des thème chers." Et de conclure : "Après l’incompris et sous-estimé Ricky, Le Refuge confirme qu’Ozon vieillit bien, mieux que ses débuts tapageurs pouvaient le laisser craindre. La prolificité du cinéaste a fini par porter ses fruits et l’on est en droit d’attendre ses prochains opus avec une confiance et une curiosité renouvelées".

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Chaque jour est une fête
film (Allemagne, Liban, France, ) de Dima El-Horr (2009, 1h22)
distributeur ; Sophie Dulac distribution (a distribué Le bel âge, La danse, le balllet de l'Opéra de Paris, Lola Montès etc.)
avecHiam Abbass, Karim Saleh, Manal Khader
Synopsis : C'est le jour de la fête de l'indépendance du Liban : 3 femmes qui ne se connaissent pas prennent un même bus qui va les emmener à la prison située dans l'arrière-pays. Au milieu de cette terre aride, parsemée de mines et de rêves décapités, le voyage devient la quête de leur propre indépendance.

Le sujet est très beau (on est au Liban) ; d'après la bande-annonce, l'image est un peu dégueulasse, peut-être

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à cause de la poussière du désert. C'est un film de femme(s), réalisatrice, actrices et une partie de l'équipe, distribué en France par une boite passionnante si on considère son catalogue.
Et il y a cette scène filmée comme un duel au soleil à la Tarentino (ou Sergio Leone, c'est un peu la même chose) et la nana, de dos qui, à l'approche de son adversaire, baisse son string. Les islamistes apprécieront.
Voila, je n'ai pas trop d'arguments pour me dire tenté par ce film, mais je vous livre ces deux trois idées un peu brutes. En plus, ça passe à l'Arlequin (rue de Rennes à Paris qui, outre avoir appartenu à jacques Tati et accueilli le dimanche matin le ciné-club de Claude-Jean Philippe, est une bien belle salle, pas assez pleine à mon goût).

PRISES ET REPRISES. LE CINÉMA D'AVANT

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Extérieur, nuit
film français de Jacques Bral (1980, 1h52)
avec Christine Boisson, Gérard Lanvin, André Dussollier, Jean-Pierre Sentier
directeur de la photographie : Pierre-William Glenn (qui a travaillé avec Truffaut, Pialat, Tavernier, Fuller, Bellon etc.)
version remastérisée images et son 5.1 Dolby SRD
distribué par Thunder Films international
en partenariat avec Les inrockuptibles, Le Monde, TSF Jazz, Nova
Synopsis : Après avoir rompu avec un passé fait de conventions, Léo (Gérard Lanvin), jeune musicien de jazz, s’installe provisoirement chez Bony (André Dussollier), un camarade écrivain en mal d’éditeur. Tous deux font la connaissance de Cora (Christine Boisson), jeune femme marginale et solitaire qui conduit un  taxi dans les rues de la capitale. Fille surprenante qui sort ses griffes à la moindre occasion et passe en mode séduction quand on s’y attend le moins.
Entre Cora et Léo se tissent, au fil des nuits, des rapports amoureux, tendres et violents, mais Bony ne restera pas insensible au charme animal de Cora.

J. B. Morain, aborde la question du vieillissement dans Les inrocks : "Extérieur, nuit bénéficie d’un culte plutôt tacite de la part de ceux qui l’ont vu à sa sortie en 1980. Ils craignaient, il faut bien le dire, de le revoir, de le trouver vieilli – à moins qu’il ne s’agît plutôt de se trouver soi-même vieilli en sa présence. Alors oui, il a vieilli, bellement vieilli, Extérieur, nuit de Jacques Bral, et n’a rien perdu de son incandescence".

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Cinéaste rare et secret, Jacques Bral, né en 1948 à Téhéran, est un scénariste, réalisateur, monteur et producteur français. Producteur du dernier film de Samuel Fuller, Street of no return en 1989, il a peu réalisé. En tout, quatre longs métrages. On se rappelle peut-être Polar, adapté en 1984 de Jean-Patrick Manchette, avec Jean-François Balmer.
Mais c'est Extérieur, nuit, en 1980, qui a donné de grands espoirs à ceux qui rêvaient d'un renouveau du cinéma français. Film jazzé, sensuel, qui exhibait de nouveaux visages (Lanvin, Dussolier, Boisson) Extérieur nuit est resté, comme Les nuits fauves peu après, un événement sans véritable descendance. Cette nouvelle sortie en copie neuve sera l'occasion à de nouvelles générations de cinéphiles de découvrir un objet rare, un diamant noir, un film en toute liberté.

Jacques Bral se prépare à tourner Rendez-Vous au Paradis avec Lorànt Deutsch et Thierry Lhermitte en 2010.
Je ne choisis pas entre l'affiche 2010 et l'affiche d'origine. Donc, vous avez les deux. Ce qui compte, c'est le visage de Christine Boisson, la reine d'une nuit sans rêves.

autre choix possible

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Théorème
film italien de Pier Paolo Pasolini (1968, 1h40)
scénario : Pier Paolo Pasolini, d'après son roman
directeur photo : Giuseppe Ruzzolini (a travaillé avec Comencini, Leone, Polanski)
montage : Nino Baragli (a travaillé avec Comencini, Leone, Bolognini, Fellini -- dont Intervista)
compositeur : Ennio Morricone (compositeur pour Polanski, Comencini, Michael Haneke, Fuller, Bertolucci, Bolognini, Terence Malick, Marco Bellochio et évidemment tous les films de sergio Leone, sauf 1)
musique additionnelle : W. A. Mozart (Requiem)
avec Terence Stamp, Silvana Mangano, Massimo Girotti, Anne Wiazemsky, Laura Betti
Grand prix de l'Office catholique du cinéma
Distributeur : Tamasa Distribution

Synopsis : Un jeune homme d'une étrange beauté s'introduit dans une famille bourgeoise. Le père, la mère, le fils et la fille succombent à son charme. Son départ impromptu ébranle tous les membres de la famille.

C'est un film qui a tellement marqué son époque que la question du vieillissement (comme pour Extérieur, nuit) est particulièrement pertinente. Olivier Séguret affronte cette question dans Libération et je me permets de le citer longuement : "Le processus de vieillissement des films reste un mystère bien plus indéchiffrable que celui des humains. Certaines œuvres tombent en poussière, ou en ridicule, dès leur prime jeunesse quand d’autres se patinent en chefs-d’œuvre ou mûrissent en imprévisibles grands crus. Voyez Théorème, réalisé par Pier Paolo Pasolini au début de l’année 1968, ou plutôt revoyez-le : il a acquis une puissance qu’il doit à la seule force de l’âge et à la déflagration particulière que produit son irruption dans notre temps, quarante ans après sa naissance. C’est un film qui fait grincer notre présent, aussi bien que celui du cinéma."

L'AFFICHE, L'IMAGE DE LA SEMAINE

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J'aime le cinéma d'Ozon. J'aime cette affiche. Elle est simple et belle. Elle me rappelle que, chez Ozon, beaucoup d'histoires démarrent ou finissent sur une plage. Dommage, l'affiche rencontrée dans les couloirs du métro est gâchée par l'avis, certes enthousiaste, mais en rouge (il n'y a pas de rouge sur l'affiche) et en caractères quatre fois plus gros que le titre, d'un magazine féminin. Ce label effacé, l'image retrouve sa paisible sérénité. Mais je connais Ozon et cette sérénité pourrait n'être qu'un leurre.

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Ne change rien, un peu comme le Kiarostami la semaine dernière, me fait envie et peur. En même temps, je ne pense pas que voir Jeanne Balibar chanter, accompagnée par le talentueux Rodolphe Burger et filmée par l'étonnant Pedro Costa (à qui la Cinémathèque rend un hommage : "au cinéaste inconnu...") soit dangereux. Mais on accepte de se faire chier 10 heures par jour au bureau, pas une heure et demi au cinéma. C'est assez con et je me sens assez con. Je me rattrape donc en faisant de l'affiche de Ne change rien une des (très belles) images de la semaine.

Une autre image de la semaine vient d'un passé que j'ai aimé. C'est la découverte de la très "nature" Christine Boisson, un corps en mouvement, en liberté. Dans un cinéma en liberté, en mouvement.

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Pas de focus cette semaine. Mais n'oublions pas d'être solidaires avec Haïti, même si les Unes de la presse sont passées à plus intéressant, la prestation télé du président, le film sur les poissons ou les hésitations du PS sur l'âge de la retraite.

A la semaine prochaine.


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