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Avatar, film anti-capitaliste ?

Par Unmondelibre

Avatar, film anti-capitaliste ?

David Boaz – Le 28 janvier 2010. Le film américain Avatar vient de pulvériser le record de recettes de cinéma. Mais ce sont les débats aux Etats-Unis autour de l’interprétation politique du film qui se révèlent aussi très intéressants. En effet, les conservateurs américains se sont montrés très critiques du film, qui a remporté le Golden Globe, lui reprochant son mélange mystique de thèmes banals de « gauche ». Il semble qu’ils aient raté quelque chose : le conflit essentiel dans l’histoire est une bataille autour des droits de propriété.

Avatar, écrit et dirigé par James Cameron, se déroule en 2154 et relate l’histoire d’un jeune américain, Jake Sully, qui se joint à une mission militaire sur la lointaine lune de Pandora qui recèle un précieux et rarissime minerai, l’Unobtanium. Vivant parmi les grands et bleus indigènes sous la forme d’un Avatar – un corps généré en laboratoire et piloté à distance par son cerveau – Sully en vient à douter de sa mission et rejoint le peuple indigène, les Na’vi dans leur résistance aux dessins des terriens pour leur territoire.

A côté d’effets spéciaux magnifiques, l’intrigue et les dialogues sont, il est vrai, relativement pauvres. Cependant, les conservateurs se sont concentrés sur les idées que véhicule le film. Dans National Review, Frederica Mathewes-Green moque « le conflit apparemment éternel entre les gentils avec des fleurs dans les cheveux et les méchants bardés de technologie ». Ross Douthat dans le New York Times fustige « l’apologie du panthéisme ». John Podhoretz dans le Weekly Standard critique le fait que le film demande « au public d’encourager la défaite de soldats américains aux prises avec des insurgés ». De nombreux conservateurs regrettent qu’un film à propos de soldats américains envahissant une autre planète et tuant des populations soit une allégorie sur la guerre en Irak. Et nombreux sont ceux qui s’accordent avec le président socialiste de la Bolivie pour dire qu’Avatar est un film anticapitaliste.

Le film est effectivement très empreint d’un souffle de « gauche ». Mais les critiques des conservateurs passent à côté du conflit au centre du film. Comme Cameron, sans doute.

Les terriens sont venus sur Pandora pour obtenir de l’unobtanium. En théorie ce n’est pas une mission militaire, juste une entreprise, RDA, avec un soutien militaire plus important que la plupart des pays peuvent en avoir. Les Na’avi les appellent le peuple du ciel. Pour mettre la main sur le précieux minerai, RDA souhaite délocaliser les indigènes, qui vivent sur le gisement le plus riche. Mais hélas, la terre est sacrée pour les Na’avi, qui y vénèrent la divinité Eywa : ils refusent donc de déménager. Lorsque les visiteurs réalisent cela, ils débarquent avec des tanks, des bulldozers et des robots militaires géants, pulvérisant l’arbre-maison sacré qui trône sur le gisement, ainsi que tous les Na’avi qui ne sont pas assez rapides pour s’enfuir.

Les conservateurs voient cela comme un message anti-américain, anti-militaire, anti-multinationales ou anticapitaliste. Mais ils ne font que réagir à l’esprit plutôt de gauche du film. Ils ne voient pas ce qu’il se passe réellement. Le fait qu’un peuple a voyagé vers Pandora pour prendre quelque chose qui appartient aux Na’avi : leur territoire et les minerais qu’il recèle. Or, c’est une violation flagrante des droits de propriété, qui sont la fondation même de l’économie de marché, et en fait de la civilisation.

Bien sûr, les Na’vi – qui, comme très souvent dans les utopies collectivistes, sont psychologiquement reliés les uns aux autres et aux choses qui les entourent – considèrent probablement leur territoire comme une propriété collective. Mais, au moins pour les êtres humains, les droits de propriété privée sont une bien meilleure façon de d’assurer le rôle de la propriété et la prospérité. Cependant, il est clair que le territoire appartient aux Na’vi, pas au peuple du ciel.

Curieusement, les conservateurs avaient rallié la défense de la célèbre Suzette Kelo lorsque l’entreprise Pfizer et la ville de London dans le Connecticut aux Etats-Unis avaient tenté de saisir sa terre. Elle aussi avait été « déraisonnable », comme les Na’vi : elle ne voulait pas d’un meilleur prix ; elle ne voulait tout simplement pas vendre sa maison. Comme Jake le dit à ses supérieurs dans le film : « ils ne vont pas abandonner leur maison ».

Avatar est un peu une sorte de version space opera de l’affaire Kelo - qui a fini devant la Cour Suprême des Etats-Unis en 2005 : des gens pacifiques défendent leur droit de propriété contre des extérieurs qui le convoitent et qui disposent d’un pouvoir largement supérieur. Jake rejoint les Na’vi en criant « Et nous allons montrer au peuple du ciel qu’ils ne peuvent pas prendre ce qu’ils veulent ! Et que ceci est notre territoire ! ».

Les conservateurs devraient pouvoir comprendre ce genre d’histoire. Avatar a ses défauts, qui vont de dialogues formatés à sa promotion utopique du « bon sauvage ». Mais les conservateurs ne devraient-ils pas apprécier une – rare - défense des droits de propriété venant tout droit d’Hollywood ?

David Boaz est le vice président exécutif du Cato Institute à Washington DC.


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