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Previews / Postviews : Sherlock Holmes, From Paris With Love, et les mal-aimés....

Par Kilgore

>> Deux previews en rayon, cette fois-ci :
sherlock-holmes-robert-downey-jr-poster.jpgSherlock Holmes, sortie le 3 février (7/10) :


Etrangement en retard par rapport au reste du monde civilisé où le film est sorti aux environs du 25 décembre (soit en plein phénomène Avatar, dur, mais Sherlock s'achemine tout de même vers les 200 millions de $ de recettes aux USA), le public français va découvrir d'ici quelques jours cette superprod' étonnamment réussie. Je dis étonnamment parce que le trailer n'était pas franchement  rassurant - je n'en attendais rien, du coup. Mais au final la tradition n'est pas vaporisée, plutôt "amphétaminée", Holmes conservant ses traits archétypaux, auxquels s'ajoute l'abattage toujours hallucinant de Robert Downey Jr. Des acteurs remarquables donc (Jude Law notamment, formidable Watson), du nerf, de la vivacité, une intrigue pas forcément finaude au regard des méandres habituels de Conan Doyle, mais qui tient la route, et plus de deux heures que je n'ai pas vu passer. Bref, du vrai entertainment, un peu comme Star Trek l'an dernier, j'en redemande (ça tombe, bien, la voie est clairement ouverte à une suite).

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From Paris With Love, sortie le 17 février (à ce degré de crétinerie, il n'est plus vraiment possible de mettre une note) :


Besson frappe fort (une fois de plus c'est lui qui a torché le scénario, vraisemblablement selon la méthode attribuée au bonhomme par Mozinor dans la vidéo ci-dessous...). Dans le rôle du yes man, Pierre Morel, pourtant auteur du basique mais ultra efficace Taken, et dans celui de la vedette américaine, un John Travolta en roue libre, mauvais comme un cochon (même au max c'est pas l'acteur du siècle), avec son crâne rasé qui le fait ressembler à un drôle de black blanc (tout le monde ne porte pas la calvitie aussi bien que Bruce Willis). Difficile de donner une note. 0, si l'on parle de cinéma. En revanche, à regarder en vidéo, entre amis à la maison, le film peut éventuellement être un bon divertissement, et assurément l'une des meilleures comédies involontaires de ces dernières années, candidat sérieux au record du monde de faux raccords, d'incohérences et de poncifs scénaristiques. Plus con que Banlieue 13 (déjà Pierre Morel en exécutant), il fallait creuser très profond - c'est fait. Jonathan Rhys-Meyers (autrefois étincelant dans Match Point) traverse le film sans avoir visiblement compris qu'il ne s'agit pas d'une énième pub Calvin Klein, entre deux gunfights tonitruants ou pétages de gueule (un seul blaireau à la fois, faites la queue, merci) par son buddy Travolta de tout ce qui se fait de pire dans le genre basané/bridé : des gangs de Chinois du XIIIème (les "Dragons", évoqués ici comme une évidence... jamais entendu parler de ces mecs, tout droit sortis de "l'imaginaire" d'un type qui résume cinq millénaires d'histoire à trois bols de riz,  un faux vase Ming rempli de coke, quelques films de Bruce Lee et donc des histoires de dragons et de triades), à la poignée de "z'y va" de banlieue surarmés zonant en Tacchini dans des halls de HLM, en passant bien sûr par toute une théorie de terroristes pakistanais ramollis du bulbe (je me demandais à quel moment le Ben Laden du pauvre dans sa bagnole allait déclarer "J'vi tousse vous niqué" - un paki avec l'accent arabe, ça ferait guère qu'un faux raccord de plus). A ce propos, la représentation des minorités chez Besson, pourtant peu suspect de racisme (je parle de Luc, hein), me laisse sceptique depuis l'union sacrée scellée entre Karl le Skin et quatre autres chefs de clans (les Noirs - avec des chaînes en or qui brillent, Soweto style, forcément -, les Gitans - bagouses, magouilleurs, pas rasés, forcément -, les Arabes - barbus et en djellabas, focément -, et les Asiates - tatoués et calés en informatique, forcément -) dans Banlieue 13 Ultimatum, alliance pour le moins contre-nature forgée pour clamer leur droit à l'existence et défendre les valeurs républicaines en défonçant à grands coups de tatanes la porte de la War Room du président Torreton (morale de l'histoire, il faut de tout pour faire un pays, même des skinheads sympas... Voilà voilà, c'est splendide). Loin de moi donc l'idée que Lucho soit coupable d'autre chose que d'un infantilisme consternant, mais cet empilement de clichés est quand même d'une connerie abyssale, et finit par déconcerter. Fermez le ban. Regardez plutôt la vidéo, si vous ne l'avez jamais vue.


>> En postview, court focus sur les mal-aimés de ces dernières semaines, ces incompris déjà oubliés n'ayant pas "rencontré leur public" comme on dit sur Canal +, films parfois sortis dans le froid anonymat d'un hiver hostile, délaissés par les médias voire par des distribs trop occupés à dévaler les pistes rouges de Courchevel (oui, moi aussi je donne dans le cliché, souvent). Les fins d'années sont propices à de tels abandons...
-Le Soliste : sur un sujet qui puait a priori le mélo oscarisant foiré, Joe Wright compose un film subtil, entrecroise le portrait d'une ville (L.A.), de sa misère sociale et morale (centres d'accueil, démence des SDF), et l'histoire d'un génie irrécupérable, avec des acteurs sagement tenus dans une réserve extrêmement appréciable, la plupart du temps. C'est tout simplement un bon film, dont personne n'a parlé, en dépit de son casting poids lourd (Jamie Foxx et Robert Downey Jr).
-The Proposition : "western-tragédie" tourné en 2004 dans le bush par l'australien John Hillcoat, ce film, jusqu'alors inédit en France, a été projeté sur quelques écrans à la faveur de la sortie de La Route, première réalisation US du cinéaste en question. Dommage qu'il n'ait pas eu droit à plus d'égards, tant sa bonne réputation chez les Anglo-Saxons s'avère justifiée (de là le recrutement d'Hillcoat, sa carrière relancée, pour adapter le bouquin de McCarthy). Une atmosphère singulière, morbide, violente, avec en arrière-plan ces Indiens/dépossédés du coin que sont les Aborigènes; une histoire âpre et un peu barrée (signée Nick Cave), en déroute sous le soleil de plomb, des lumières crues mises en valeur par une photo travaillée, un rythme claudiquant mais déconcertant., des acteurs qui-en-font-parfois-trop-mais-en-fait-c'est-pas-forcément-plus-mal.. bref la proposition s'accepte.
-Max et les maximonstres : étonnant qu'un film à 100 millions de $ aussi attendu (réalisé par Spike Jonze) se retrouve ici, mais le fait est qu'il s'est planté, commercialement parlant, et que sortant en France en même temps qu'Avatar et n'étant pas véritablement destiné aux enfants en cette période de Noël, il n'a pratiquement pas existé. Là aussi,  c'est regrettable, parce que le film est fin, troublant, un peu bobo sur les bords mais teintée d'une très jolie mélancolie, dans laquelle on se laisse couler.
-Contes de l'âge d'or : le moins qu'on puisse dire c'est qu'il est rare que le film d'un récent palmé à Cannes sorte dans une telle indifférence. Pourtant avec ce film à sketches très balkanique (le fait de jouxter les Balkans, sans doute), Mungiu a consciencieusement pris le contre-pied de son oeuvre précédente : ceci explique peut-être cela, dur d'expliquer à un public occidental qu'on peut rire avec un Roumain qui nous avait auparavant foutu le cafard pour dix ans... Vivement conseillé en tout cas (surtout le sketch du photographe officiel).
-Mr Nobody : le film a ses inconditionnels, mais s'est surtout fait étaler par les critiques type Télérama / Inrocks (dont je suis lecteur occasionnel, malgré ce que je m'apprête à en dire) qui l'assassinent. Le problème, c'est que ce genre de critiques qui ont péniblement ahané pour décrocher leur licence de philo en digérant les quatrièmes de couverture de la collection philo de Garnier-Flammarion ne sont pas toujours les personnes les plus qualifiées pour nous expliquer l'hypothétique échec de l'ambition démesurée de van Dormael. Le fait est que son sujet est d'une ampleur immense, et qu'il pirouette entre stases, saillies et burlesque. Et, désolé de le dire, mais il faut être assez crétin ou veule pour affirmer que l'objet, malgré son esthétisme parfois clinquant (que j'aime bien) et ses musiques de pubs (pas sa faute si Fauré sert à vendre des rillettes), n'est pas fondamentalement passionnant, alors même que son unité repose sur la somme de ses bifurcations. Moi, il m'a même profondément, intimement touché, souvent, et je n'y ai pas vu de pacotille indigente ou de gloubi-boulga métaphysique vaseux (le genre d'expressions branchées dont raffolent les critiques évoqués) mais une exploration léchée des mondes/vies/films possibles, du temps et de l'espace individuels et universels, de la mémoire imaginative, de l'essence même de ce qu'est un récit, et une histoire d'amour kaléidoscopique par instants bouleversante (ah... l'être de fuite). On a le droit de ne pas l'être (touché), de  décréter la tentative plus fumeuse que fameuse, mais écrire comme le fait le type des Cahiers du cinéma (un universitaire, lui, mais j'ai suffisamment eu à fréquenter ce milieu pour savoir qu'on n'y trouve pas que des flèches) que "ce genre de film donne l'impression que le cinéma est malade"... c'est surtout révéler la tare profonde dont souffrent certains des gratte-papiers qui hantent les projos. Zeno, le personnage d'Italo Svevo, cousin procrastinateur qui repousse sans cesse le moment d'appliquer sa résolution (cf Nemo le héros - auteur, affabulateur comme Zeno ? -, fantasme  multipliant  les vies vécues, refusant de choisir, et même, comme Zeno mais d'une autre façon et dans un autre but, de se laisser dicter une version par les événements survenus, par un événement fondateur, explorant tous les possibles, définitivement auteur, être fantastique instillé dans la SF), Zeno donc, est effrayé par ce qu'on appelle la santé, tant elle ressemble finalement à une maladie, à une folie. Peut-on alors dire que ce genre de réprobration par l'auto-institué office sanitaire cinématographique donne l'impression que la critique elle-même est malade ? En partie, mais c'est sans doute plus insignifiant que ça.
>>Ces films doivent encore passer quelque part, alors c'est le moment d'être charitable avec les laissés-pour-compte.


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