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Coup de projecteur sur la littérature haïtienne

Par Sylvie

Il y a plus de 4 ans, j'avais publié un article sur la littérature haïtienne. Les événements tragiques de janvier ont contribué à remettre au premier plan cette littérature si attachante.
Si les haïtiens sont l'un des peuples les plus pauvres de la planète, ils ont ausi la fierté d'avoir de nombreux écrivains et non des moindres. Parmi eux, René Depestre, Louis-Philippe Dalembert, Lyonel Trouillot, Frankétienne, Edwige Danticat, Gary Victor....C'est rare d'avoir autant d'écrivains sur un si petit espace.
Le festival Etonnants voyageurs devaient justement se tenir à Haïti en janvier pour la deuxième année consécutive. Il se tiendra à Saint-Malo en mai afin de rendre hommage à tous ces écrivains.
L'occasion de vous faire redécouvrir de superbes récits...
Tout d'abord, mon plus beau souvenir, un roman qui m'a marqué à vie,
Hadriana dans tous mes rêves de René Depestre  Coup de projecteur sur la littérature haïtienne



On distingue souvent les écrivains haïtiens issus de l'immigration(en France :René Depestre, Louis-Philippe Dalembert ; au Canada: Denis Laferrière; aux Etats-Unis, Edwige Danticat) et ceux qui sont restés sur l'ïle; c'est le cas de Lyonel Trouillot. Mais comme le déclare ce dernier dans l'entretien du Monde des Livres, on ne peut opposer ces deux littératures: l'une qui parlerait d'évasion, d'ailleurs et l'aure qui serait ancrée au sol haïtien. Ainsi, l'émigré Dany Laferrière évoque ses souvenirs d'enfance dans l'île dans Les charmes d'une après-midi sans fin (paru au  Serpent à plumes).

René Depestre est l'un des plus grands écrivains haïtiens de ce siècle.

Ecrivain à découvrir d'abord pour sa vie personnelle chaotique: opposant au régime dictatorial de Duvalier en Haïti, il s'exile une première fois en France. Puis il part pour Cuba où il devient un proche de Catro. Mais critiquant la dérive du régime, il s'exile définitivement en France où il vit depuis 1978. Il a d'ailleur reçu le prix Renaudot en 1988 pour ce roman rempli d'exotisme.

Depestre se pose comme l'héritier de l'écrivain cubain Alejo Carpentier qui a inventé le concept de "réalisme magique"(repris par la suite par le grand Gabriel Garcia Marquez): ses romans sont marqués par l'empeinte du fantastique, du merveilleux faisant irruption dans le quotidien le plus banal.

Haïti est l'île qui a vu naître le vaudou: Depestre va donc convoquer cette cérémonie dans ce roman où les morts renaissent de leurs cendres...

Hadriana est la plus belle jeune fille de la ville Haïtienne de Jacmel. Le jour de son mariage qui est aussi jour de carnaval, elle est enlevée par un papillon (eh oui ! Rassurez-vous, ce papillon n'est autre que le plus grand dragueur de l'île qui a été transformé en papillon par le mari de l'une de ses conquêtes) . Elle meurt au moment de dire oui...

En fait, elle n'est pas si morte que cela! Elle a juste été transformée en zombie: son âme est retenue prisonnière alors que son geolier peut disposer de son corps à sa guise...

Quelle n'est pas la surprise du village lorsque le cercueil d'Hadriana est retrouvé vide après le carnaval....

Ce roman est une merveille: Depestre nous plonge dans les traditions de son île (le vaudou, le carnaval, le mythe du zombie) en nous contant une histoire rocambolesque. Contre le catholicisme (la famille du marié veut annuler le carnaval après la mort supposée d'Hadriana), Depestre exalte la joie de vivre et l'érotisme caraïbéens. Hadriana est donc enterrée au rythme des tambours du carnaval!

C'est également une magnifique histoire d'amour teintée à chaque ligne d'érotisme. Une excellente lecture pour s'évader et découvrir les traditions d'Haïti !

Coup de projecteur sur la littérature haïtienne

René Depestre est l'un des plus grands écrivains haïtiens de ce siècle.

Ecrivain à découvrir d'abord pour sa vie personnelle chaotique: opposant au régime dictatorial de Duvalier en Haïti, il s'exile une première fois en France. Puis il part pour Cuba où il devient un proche de Catro. Mais critiquant la dérive du régime, il s'exile définitivement en France où il vit depuis 1978. Il a d'ailleur reçu le prix Renaudot en 1988 pour ce roman rempli d'exotisme.

Depestre se pose comme l'héritier de l'écrivain cubain Alejo Carpentier qui a inventé le concept de "réalisme magique"(repris par la suite par le grand Gabriel Garcia Marquez): ses romans sont marqués par l'empeinte du fantastique, du merveilleux faisant irruption dans le quotidien le plus banal.

Haïti est l'île qui a vu naître le vaudou: Depestre va donc convoquer cette cérémonie dans ce roman où les morts renaissent de leurs cendres...

Hadriana est la plus belle jeune fille de la ville Haïtienne de Jacmel. Le jour de son mariage qui est aussi jour de carnaval, elle est enlevée par un papillon (eh oui ! Rassurez-vous, ce papillon n'est autre que le plus grand dragueur de l'île qui a été transformé en papillon par le mari de l'une de ses conquêtes) . Elle meurt au moment de dire oui...

En fait, elle n'est pas si morte que cela! Elle a juste été transformée en zombie: son âme est retenue prisonnière alors que son geolier peut disposer de son corps à sa guise...

Quelle n'est pas la surprise du village lorsque le cercueil d'Hadriana est retrouvé vide après le carnaval....

Ce roman est une merveille: Depestre nous plonge dans les traditions de son île (le vaudou, le carnaval, le mythe du zombie) en nous contant une histoire rocambolesque. Contre le catholicisme (la famille du marié veut annuler le carnaval après la mort supposée d'Hadriana), Depestre exalte la joie de vivre et l'érotisme caraïbéens. Hadriana est donc enterrée au rythme des tambours du carnaval!

C'est également une magnifique histoire d'amour teintée à chaque ligne d'érotisme. Une excellente lecture pour s'évader et découvrir les traditions d'Haïti !

Plus généralement, je pense que l'on peu distinguer une littérature chantant la magie de l'île, ses traditions (le vaudou et le carnaval par exemple) et une littérature mettant l'accent sur les évênements de l'histoire récente. René Depestre et Lyonel Trouillot incarnerait ces deux tendances. Mais devant la richesse de cette littérature, il serait dangereux de créer des typologies.

Je vous propose de découvrir quelques oeuvres emblématiques de cette littérature.

Alléluia pour une femme jardin de René Depestre: une ode à la femme et à la sexualité

Coup de projecteur sur la littérature haïtienne

Ce recueil de nouvelles font l'apologie de l'érotisme et de la fécondité; Depestre crée des scènes plus cocasses les unes que les autres: un jeune garçon tombe amoureux de sa tante Zaza, la plus belle femme de Jacmel; un aspirant prêtre voit ses rêves de chasteté anéantis en tombant amoureux d'une jeune servante. L'une des plus belles nouvelles est sans aucun doute "L'atlas du géolibetinage": le narrateur, étudiant à la Cité Universitaire de Paris (on reconnaît bien sûr l'auteur), ne croyant plus à l'idéal de civilisation européenne, se réfugie dans la sexualité la plus débridée; il dessine une carte du monde dont la taille des pays est proportionnelle au pouvoir érotique des femmes; c'est ainsi que les îles caraïbéennes ou les pays nordiques occupent plus de place sur la carte que l'Europe et les Etats-Unis ! Les épices font leur entrée en Suède...

Pour Depestre, il s'agit d'honorer la femme et de mettre fin à la vision judéo-chrétienne de la faute originelle: la femme est associée à la fécondité et à la fertilité. D'où son nom de femme-jardin. Elle fait partie du cycle de la nature tout comme l'eau, le vent et les arbres. La culture caraïbéenne honore la sexualié en tant qu'ode à la vie et rompt avec la culpabilité liée au sexe issue de la Bible.

René Depestre est pour moi le plus grand écrivain haîtien contemporain. Son parcours est exceptionnel : exilé d'Haïti pour avoir critiqué le régime de Duvalier, il vit à Cuba pendant 20 ans avant de goûter à un nouvel exil. Il vit désormais dans le sud de la France.

Il décrit comme personne la culture de son pays (le vaudou, le carnaval...). Son oeuvre entière est un hymne à la vie et à la joie.

Voir aussi la critique d'Hadriana dans tous mes rêves dans la rubrique Littérature étrangère contemporaine

Bicentenaire de Lyonel Trouillot: une description des événements de 2004

 

Coup de projecteur sur la littérature haïtienne

Lyonel Trouillot s'inscrit dans une toute autre optique; dans la plupart de ses romans, il décrit la pauvreté et l'apocalypse de son île. Au moment des événements de décembre 2003, il fut un membre actif du collectif "NON" réclamant le départ du Président Aristide. Au sein de son pays, il est un militant actif critiquant le régime dictatorial et prônant le passage à la Démocratie.

Le titre de cet ouvrage fait référence au bicentenaire de la création de la première République Noire de l'Histoire; elle fut créée par le célèbre Toussaint Louverture au moment de la Révolution Française et matée par l'armée napoléonnienne. Ce titre est bien sûr fortement ironique; le bicentenaire s'est terminé par la répression policière des manifestations étudiantes; Quelle régression...

Le roman est le récit d'une journée d'un jeune étudiant Lucien qui parcourt la ville de Port-au-Prince afin de se rendre à la manifestation fêtant le bicentenaire de la République de Toussaint Louverture. Au cours d'un long monologue intérieur, l'étudiant va se rappeler de sa mère aveugle restée à la campagne ,du parcours de son frère cadet qui a mal tourné et de la femme journaliste dont il est tombé amoureux. Avant de rejoindre la manifestation, il va donner des cours à un jeune bourgeois et tombe plus ou moins amoureux de sa mère...

Ce roman baroque , teinté de colère et de sang, est une tragédie; le lecteur sait dès la première page que Lucien va mourir; l'auteur opère un flash-back sur ses activités de la journée.

La construction de ce roman est très intéressante: le narrateur est omniscient mais il laisse parfois la parole à une multiplicité de personnages sous la forme de monologues intérieurs, ce qui crée une oeuvre polyphonique à plusieurs voix. Chacun s'exprime à tour de rôle: la mère aveugle clamant sa détresse, l'étudiant incarnant les espoirs d'une vie meilleure, le frère cadet qui a mal tourné faisant les quatre cents coups dans les rues de Port-au-Prince, le jeune bourgeois s'isolant avec sa game boy...

Ces monologues s'apparentent à des cris: les personnages se révoltent contre un destin injuste. Chacun semble incarner un choix de vie possible dans un milieu apocalyptique: la vie à la campagne, le choix des études, la délinquance...Trouillot se garde bien de prendre partie. Le roman est construit sur des alternalives: capagne/ville, études/délinquance, ici/voyage vers l'ailleurs...

Un roman tragique écrit en hommage aux victimes des manifestations de 2004.

L'autre face de la mer de Louis-Philippe Dalembert: la tentation de l'émigration

Coup de projecteur sur la littérature haïtienne

Louis-Philippe Dalembert, intellectuel émigré en France, est un grand voyageur: Amérique du Nord, Afrique Noire, Moyen-Orient, Europe... Sa littérature, influencée par ses voyages, est marquée par ce tiraillement entre l'amour de la terre natale et le désir de l'ailleurs.

 L'autre face de la mer se présente sous la forme de deux récits: celui d'une grand-mère, Grannie, qui nous compte son amour de l'océan et sa tentation de l'ailleurs; mais les événements politiques (notamment les relations belliqueuses entre Saint-Domingue et Haïti) ont empêché ce vieux rêve de se réaliser. Son petit-fils Jonas prend ensuite la parole; la situation politique est de plus en plus apocalyptique; nous assistons à une émigration massive d'haïtiens prenant la mer sur des troncs d'arbre. Ces deux récits sont scandés par des chants d'esclave venus du fin fond des cales négrières: une poésie sans ponctuation, une mélopée incantatoire qui relate toute l'histoire du peuple haïtien : le départ d'Afrique, l'installation dans les îles Caraïbe puis à nouveau la tentation du départ...

Louis Philippe Dalembert chante une ode à son île et à ses habitants. Le récit central décrit l'apocalypse haïtienne: la pauvreté, la ville infestée par les animaux, la violence...

Face à cet enfer, la vue de l'océan et le voyage vers un ailleurs plus facile incarnent l'espoir....


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