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Renaissance chinoise ?

Publié le 03 février 2010 par Marc Lenot

Pour encore quelques jours, le Palazzo Reale de Milan voudrait changer notre perception de l’art chinois contemporain : finies l’esbroufe et la spéculation, terminés les effets de manche, voici venu le temps de la Renaissance. Le moins qu’on puisse dire est que, si cette immense exposition présente un échantillon assez large de la création contemporaine, son argument n’est guère convaincant : on a plutôt l’impression qu’on fait du neuf avec du vieux, avec des artistes déjà vus, mais ici sous de nouveaux habits. 

Il y a donc de grands tableaux glamour en aplats de Feng Zhengjie, les hommes rigolards de Yue Minjun, les réinterprétations de la Joconde et de Vénus en tête de chameau de Zhou Tiehai et les portraits communistes en grisaille de Zhang Xiaogang,  toutes oeuvres qu’on a l’impression d’avoir déjà vu cent fois. Le début de l’exposition engendre une lassitude grandissante face à ce topos répétitif.

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La première salle où le plaisir se réveille enfin est celle de la photographe Cui Xiuwen avec ses anges (féminins) répétées à l’identique, cheveux noirs, visages enfantins, teint pâle, robe blanche et ventre enceint, dans des poses alanguies ou contournées, et ses écolières écrasées, blessées, enfermées. L’outrance des couleurs des maquillages, des poses engendre une impression mécanique, désespérante, plutôt réussie.

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La série des performances liées à l’East Village, déjà bien connues, voudrait s’inscrire en négatif face au consumérisme artistique, qu’il s’agisse de l’androgyne Ma Liuming, du corps dévoré par les mouches de Zhang Huan, ou, mon préféré, des corps nus empilés au sommet d’une montagne : non point un charnier, mais une tentative d’ajouter un mètre à l’altitude de la montagne. Le fait que cette même performance apparaisse ici sous deux angles différents, sous deux noms d’artistes différents (Cang Xin et Zhu Ming) témoigne, non pas d’une créativité redoublée, mais d’une lutte féroce sur le copyright : qui est l’auteur de cette ‘oeuvre’, l’initiateur, le photographe, tous les performeurs ou seulement celui du haut ?  Quand le marché rattrape la création, la lutte est féroce…

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J’ai aimé les photos surréelles de Li Wei où une jeune adolescente tient dans diverses positions la tête coupée d’un homme exprimant sa joie, son désir ou sa tristesse. La jeune fille à peine pubère revient souvent chez les photographes chinois : il y a aussi celle, bien connue, de Weng Fen, en robe sage et nattes noires, qui ne cesse d’enfourcher un mur pour aller vers la modernité (et la féminité ?), sous des cieux incertains.

Les grandes compositions photographiques de

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Wang Qingsong m’avaient déjà frappé à Arles. Il y a ici des scènes champêtres, romantiques, peuplées de personnages nus dans des ambiances embrumées, qui citent les scènes de l’art occidental (Adam et Eve, le jugement de Pâris, la naissance de Vénus, mais aussi le déjeuner sur l’herbe ou la Danse de Matisse): c’est une des approches les plus intelligentes de fusion des deux cultures, de réinterprétation et de réappropriation (mieux qu’une tête de chameau sur la Joconde, non ?). 

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Pour ne pas se limiter à la photographie (pourtant la partie la plus riche de cette exposition), signalons aussi les objets de Shi Jinsong : berceaux et poussettes sont transformés en engins de guerre, munis de mitraillettes menaçantes.  

En résumé, un panorama large de l’art chinois ‘confirmé’ contemporain, mais ni renaissance, ni redécouvertes.


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