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Quand Besancenot invente la buzzqa, le voile qui fait buzz

Publié le 04 février 2010 par Variae

Les islamologues et spécialistes du Moyen-Orient vont devoir ajouter un nouveau terme au riche vocabulaire désignant les différents types de voile dévolus aux femmes dans certaines traditions : après les tchador, burka et autres hijab, Olivier Besancenot et le NPA ont le douteux privilège d’avoir inauguré le voile islamique instrumentalisé comme argument de vote gauchiste, en présentant et mettant en scène une jeune candidate voilée. Sans craindre les effets d’interférence et de confusion avec le débat lui-même instrumentalisé sur la burqa. Un voile utilisé pour faire du buzz et relancer un NPA en panne électorale ; en somme, une buzzqa. Cet épisode tragicomique, qui ne va rien arranger à la stigmatisation et des banlieues, et des musulmans, est doublement révélateur : de l’ambiance de cette campagne des régionales d’abord, de la nature du NPA ensuite.

Quand Besancenot invente la buzzqa, le voile qui fait buzz

Ambiance de campagne. Les listes de candidats sont de plus en plus pensées comme des vitrines de magasins, où on aligne des candidats-symboles qui ne valent ni par ce qu’ils disent, ni par ce qu’ils pourraient faire, mais par ce qu’ils sont censés représenter. Le tout étant souvent habillé par une pernicieuse idéologie de la diversité, selon laquelle le personnel politique devrait ressembler à la société réelle – mais qui au bout du compte traduit souvent plus la vision fantasmée qu’ont les partis de la société, que la société elle-même. Dans les faits, on construit les listes comme des castings, avec des rôles prédéterminés et conçus pour attirer un segment précis de l’électorat en lui envoyant des signaux bruyants. Europe Écologie est cette année encore très en pointe sur ce créneau, avec ses listes quasi-scénarisées – « la juge anti-corruption », « le héros du mal-logement », « la caution crédibilité » venue de la Caisse des Dépôts et Consignations … Mais la palme est sans conteste détenue par le MoDem d’Ile de France avec la candidature d’Alain Dolium, marketé d’office et d’entrée de jeu comme « l’Obama français », parce que Noir, diplômé et au physique avenant (chacun jugera au passage du racisme ambiant et complètement intégré, qui permet de dire qu’un noir en politique = un noir en politique), sans que l’on en sache beaucoup plus sur ses idées et son projet. La présence de la jeune femme voilée sur la liste d’Olivier Besancenot n’obéit pas à une autre logique, même si elle semble de prime abord beaucoup moins politiquement correct. Elle est là comme un symbole, au-dessus duquel clignote en un amalgame assez sordide, comme une enseigne au néon, l’équation suivante : « Voile = Islam = Arabes = Banlieues = Pauvres = Peuple = Gauche ».

Ces candidatures-symboles, supposées faire sens par elles-mêmes (et qu’importe le programme), écartent de fait réflexion et débat, et font dévier le champ politique dans le registre de l’identification personnelle, du sensationnel et de l’identitaire au sens large. Elles sont à la fois le fruit et le moteur de deux tendances actuelles des partis : l’appauvrissement idéologique, et le débauchage comme méthode de recrutement. Elles poussent naturellement, enfin, à la caricature et à l’outrance – tant qu’à recruter des symboles ou des porte-paroles communautaires, autant faire dans le gros et le voyant. Vous voulez une beurette ? Prenez-la voilée !

Deuxième éclairage apporté par cette affaire : sur la nature du NPA. Ironique paradoxe pour un parti dit « gauchiste », et issu d’une formation aussi solidement charpentée – sur le plan intellectuel et philosophique – que la LCR, il est aujourd’hui l’exemple parfait du parti attrape-tout. Autrement dit un parti construit autour d’un simple objectif électoral – capter le vote des mécontents de gauche, et si possible de toute « l’autre gauche » – et prêt à tous les écarts et fantaisies pour ratisser large. Qu’importe si ses composantes, et les postures prises à des moments successifs, sont contradictoires, qu’importe si les révolutionnaires voulaient l’émancipation générale et non la défense des particularismes, l’important est juste d’occuper l’espace et d’attirer l’attention. Et si possible, les suffrages. Qu’importe aussi si le sens du logo du NPA, le porte-voix, glisse progressivement de « porter la parole de ceux qui n’en ont pas » à « crier pour se faire remarquer », ou « grossir l’importance de phénomènes marginaux » …

Par-delà ce qui relève formellement du marketing politique cynique, et qui est sans doute motivé par l’incapacité persistante de l’ex-LCR à réaliser des scores encourageants, on peut légitimement s’inquiéter du message politique porté sur le fond. Quand Olivier Besancenot répond aux critiques sur cette candidature par une condamnation du « climat nauséabond, islamophobe qui devient insupportable », il suggère que toute condamnation du voile est forcément islamophobe, et que la dissimulation du visage (voire du corps) de la femme est la vérité de l’Islam. Il conduit en outre à penser que la République devrait la respecter, cette dissimulation, comme un de ses composantes acceptable. Et c’est ainsi que l’on voit le NPA glisser vers une forme misérabiliste de communautarisme, que l’on pourrait qualifier de minoritarisme, et qui suppose que toute pratique minoritaire est par essence opprimée par la majorité, et donc à défendre pour la gauche.

Peut-être ces expérimentations d’apprenti-sorcier porteront-elles leurs fruits électoraux. Mais Olivier Besancenot et le NPA peuvent surtout être fiers d’avoir apporté leur pierre à l’abaissement du débat politique national.

Romain Pigenel


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LES COMMENTAIRES (1)

Par douillon
posté le 05 février à 10:59
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