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Dans le café de la jeunesse perdue de Patrick Modiano

Par Grandlivredumois

Une jeune femme à Paris made in Modiano
Au Condé, un café d'Odéon, une charmante jeune personne de vingt-deux ans, désoeuvrée, fréquente régulièrement l'établissement. Personne ne connaît son vrai nom mais tous la surnomment "Louki".

Café bohème parisien, on y croise un photographe, des théâtreux, un ancien inspecteur des R.G., un ex-étudiant de l'école des Mines, d'autres silhouettes encore de ce Paris multiple et cosmopolite... Mais la charmante "Louki" bien sûr a vécu d'autres vies et lorsque celles-ci la rattrapent, l'équilibre général de l'environnement est menacé. Si l'une entre par la porte, l'autre s'envole par la fenêtre... Un Modiano poétique, qui tranche franchement de la sécheresse autobiographique d'Un pedigree.

Rencontre

Le thème de l'"Eternet Retour" nietzschéen apparait à plusieurs reprises dans le livre. Ce mariage entêtant du passé et du présent n'est-il pas caractéristique de toute votre oeuvre romanesque ?
Patrick Modiano
: La puissance poétique de certaines phrases de Nietzsche pour évoquer ce thème-là m'a beaucoup impressionné. "Ce mariage entêtant du passé et du présent", c'est en effet ce que j'ai cherché, souvent, à exprimer ; ou plutôt les traces du passé dans le présent... jusqu'à obtenir une sorte de transparence et d'intemporalité.

Lorsque vous écrivez, procédez-vous méthodiquement à ce mariage de l'espace et du temps, de la géographie et de l'histoire, ou bien s'agit-il quasiment d'un phénomène inconscient ?
Patrick Modiano : Ce "mariage de l'espace et du temps, de la géographie et de l'histoire" est pour moi quelque chose de si naturel qu'il me vient presque inconsciemment. j'ai besoin d'une topographie, de rues et d'immeubles bien précis pour que la rêverie romanesque puisse se développer. Je serais incapable de me livrer à une pure analyse psychologique ou à l'introspection.

Vous notes plusieurs fois que le Paris dont vous parlez n'existe plus. Vous sentez-vous comme un étranger en dehors de votre période de prédilection (des années 1940 aux années 1970) ?
Patrick Modiano
: Les impression les plus fortes que Paris m'a procurées datent de mon enfance et de mon adolescence. Bien sûr, ce Paris-là a disparu. Mais à travers le tamis de la mémoire, ce Paris-là est devenu peu à peu Paris intérieur, un Paris que je dirais imaginaire et onirique, et intemporel. Ainsi, quand il m'arrive dans mes romans de citer les anciens numéros de téléphone, comme par exemple Auteuil 15.28, c'est parce que ces numéros ont pris, avec le temps, une consonance poétique.

Comment réagissez-vous si un lecteur vous dit que votre univers a de nombreux points communs avec celui de Simenon ?
Patrick Modiano
: J'ai toujours été un lecteur de Simenon. Il avait besoin lui aussi de savoir exactement dans quel "décor" ses personnages évolueraient. Il suggérait une atmosphère dans un style épuré, ce que j'ai toujours essayé de faire.


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