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Transnitrie : interdiction d’une manifestation organisée par un parti politique d’oppositiion (CEDH, 2 février 2010, Christian Democratic People’s Party c. Moldova n°2)

Publié le 06 février 2010 par Combatsdh

Le conseil municipal de Chişinău (capitale de la Moldavie) a refusé en 2004 d’accorder à un parti politique d’opposition (Christian-Democratic People’s Party) l’autorisation de manifester au sujet notamment du respect des droits de l’homme et du conflit de la Transnistrie (enclave russe, et où stationnent des troupes russes, qui longe la frontière Est de la Moldavie et la frontière ukrainienne. Cet “État” autoproclamé mais non reconnu par la communauté internationale fut l’objet d’un contentieux militaire entre la Moldavie et la Russie, puis, aujourd’hui, de négociations diplomatiques quant à son statut). Cette décision était justifiée notamment par les risques de violences lors de cette manifestation et le fait que les slogans qui allaient être scandés appelleraient à un renversement violent du régime et à la haine contre les russes (”A bas le régime totalitaire de Vororin” - Président de la Moldavie au moment des faits - ; “A bas le régime d’occupation de Poutine”).

Afin de signifier l’importance de la liberté de réunion pacifique (Art. 11), la Cour européenne des droits de l’homme rappelle la place centrale de la démocratie dans l’ordre public européen (§ 20) ainsi que des valeurs de “pluralisme, de tolérance et d’esprit d’ouverture(§ 21). Dès lors, “la possibilité de violentes contre-manifestations ou la possibilité que des extrémistes aux intentions violentes se joignent à la manifestation” ne sont pas en soi déterminantes, car seule la preuve - qui incombe aux autorités - de ce que les organisateurs de la manifestation ont des intentions violentes peut justifier l’interdiction de celle-ci (§ 23).

La protection de cette liberté était d’ailleurs en l’espèce plus impérieuse encore au regard “du rôle essentiel joué par les partis politiques dans le fonctionnement correct de la démocratie” et de l’importance de la liberté d’expression pour les représentants élus (§ 24). La marge d’appréciation de l’État défendeur, sur qui pèse l’obligation positive de garantir la jouissance de cette liberté de réunion pacifique (§ 25), apparaît d’ailleurs plus restreinte encore s’agissant d’un “parti politique d’opposition parlementaire” (§ 26). Les juges strasbourgeois considèrent également que les slogans litigieux ne sont qu’”une expression de mécontentement et de protestation” et non “un appel à la violence même s’il s’accompagne d’incendies de drapeaux et de photos de responsables russescomme ce fut le cas dans d’autres manifestations passées. Ces actes sont même vus par la Cour comme une “forme d’expression d’une opinion dans le cadre d’un question d’intérêt public majeur, c’est-à-dire la présence de troupes russes sur le territoire de la Moldavie” (§ 27).

Concernant, enfin, le risque de confrontation violente entre les partisans et opposants de ladite manifestation, les juges européens refusent d’admettre qu’il s’agisse d’un motif légitime d’interdiction car la prévention d’un tel conflit et la protection de l’ordre public est une mission qui relève précisément de la police et des autorités internes (§ 28).

Partant, l’interdiction de la manifestation a constitué une violation de l’article 11 et la Moldavie est condamnée à ce titre par la Cour.

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Christian Democratic People’s Party c. Moldova (No. 2) (Cour EDH, 4e Sect. 2 février 2010, Req. no 25196/04) - En anglais

 Actualités droits-libertés du 3 février 2010 par Nicolas HERVIEU

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