Shohei Kusunoki, La Promesse et autres histoires. Traduit du japonais par Satoko Fujimoto et Eric Cordier, 272 pages, 24 €
Ce
qui distingue le drame de la tragédie, c’est la notion de destin. Comment
classer, dès lors, ce recueil de nouvelles qui oscille entre les genres pour
offrir une peinture du malheur dans ce qu’il a de plus nu. Un samouraï entre
dans une auberge pour s’abriter de la pluie et se trouve pris à partie par un
artisan à peine sorti de l’adolescence. Deux parents impuissants languissent
après l’opération qui guérira ou non leur fils. Une icône en bois dérivant au
fil de l’eau s’agace à voix haute (animisme japonais oblige) qu’un rat la
prenne pour une embarcation de fortune. C’est la rencontre de l’adversité, sans
raison morale ou force supérieure. Sans issue également, pour ces êtres
ballotés par un destin qu’ils aspirent, secrètement, prendre en main. Aucun n’y
parviendra, pour sûr, puisque telle est la tradition des auteurs, tel Shohei
Kusunoki, qui illustrent la question de la chance et des hommes depuis la nuit
des temps. Il émerge, néanmoins, toujours une grandeur chez ces êtres qui
résistent au sort, qui l’endurent. Une dignité transportée pour beaucoup par la
grâce d’un trait délié et lumineux, flattant les expressions et ces moments où
le poids du destin se fait si lourd qu’il est sur le point de les effondrer.
Mais il n’y parvient pas. Reste l’éclat noir d’une fatalité, peut-être
japonaise, pragmatique donc injuste, sans erreur à punir et sans dieu pour
l’ordonner.