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Van Dyck est parmi nous

Publié le 06 février 2010 par Rendez-Vous Du Patrimoine
Van Dyck est parmi nous
Dans ce livre subtil " Une chambre à soi" (A room of one's own), que je recommande à toutes les jeunes filles et à tous les messieurs qui leur veulent du bien et encore plus à ceux qui leur veulent du mal, Virginia Woolf (1882-1941) emploie soudain la formule " Nous allons tous au ciel et Van Dyck est parmi nous", ce qui en anglais donne : "We are all going to heaven and Van Dyck is of the company".
On peut gloser sur la traduction (par Clara Malraux) du mot heaven par ciel et non paradis.
A vrai dire, c'est plus le rythme de la phrase et sa profonde poésie qui m'ont saisie.Nous allons tous au ciel et Van Dyck est parmi nous."We are all going to heaven and Van Dyck is of the company".
Quelle "belle phrase" ! Quelles perspectives...
Ce livre évoque, en effet, sous forme de fausse conférence/fausse confidence, la place des femmes dans la littérature, leurs empêchements et le  rôle des hommes en matière de "génie créatif".Virginia Woolf, au tout début du livre, décrit un festin qui se prépare pour les "génies" en question dans le cadre d'une Université, les mets raffinés, les vins succulents, le riche décor, bref la vision paradisiaque d'une soirée dont les femmes sont exclues (à l'époque, en 1929, les Universités anglaises ne sont pas mixtes) et soudain : "Nous allons tous au ciel et Van Dyck est parmi nous".Il y a là comme une vision poétique absolue, un nuage d'irréalité, un chef-d'oeuvre d'espérance, l'affirmation du bonheur le plus complet... aux yeux des hommes du moins.

Mais pourquoi un peintre pour incarner cette communion, pourquoi surtout Van Dyck ?

On sait que ce flamand, né à Anvers en 1599 et devenu peintre de la cour royale d'Angleterre, a conquis un public varié en raison de son art du portrait et de son élégance. Ses nombreux tableaux (plus de 400) exaltent la richesse et la beauté de l'aristocratie qui lui passait commande : velours, soieries, rubans, chapeaux et plumes sont les accessoires courants qui accompagnent les beaux messieurs constituant l'entourage de Charles 1er et des Stuarts.En citant Van Dyck pour évoquer le paradis, Virginia Woolf ne pouvait choisir un peintre plus en vue : ses tableaux sont célèbres, ses personnages peints sont célèbres et riches, ils évoquent un monde de luxe et de volupté et en le citant, c'est aussi une certaine vision du paradis qu'elle fait ainsi apparaître, un univers espéré par les universitaires de son époque qui profitent de leur statut masculin pour bénéficier de festins auxquels les femmes n'ont pas accès.

Il y a donc aussi, dans cette jolie phrase, une ironie douce-amère qui se comprend quand on la rattache au contexte du livre.

Le sort des femmes a bien changé (en Angleterre et en Europe du moins). Leur accès au "paradis" n'est plus aussi discriminant (encore que ... salaires égaux ? quotas ?), mais Van Dyck reste Van Dyck, la Cour reste la Cour. Une certaine vision du paradis ? Celui du luxe et de la volupté pour l'au-delà ?

Allons plutôt admirer Van Dyck dans son paradis actuel, nos musées, c'est là qu'est sa place.
Pour le reste, on peut rêver à d'autres brillants guides pour nous introduire au paradis, une femme peut-être ?
Merci pour votre lecture ! Thank you for reading !

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