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Il y a quand même des moments où ça coince...

Publié le 16 janvier 2010 par Pascal_oudot

Mon métier est un métier difficile. Je parle d'enseigner à des enfants de cinq ans. Du moins si je veux le faire de façon consciencieuse, et avec efficacité. Soit j'ai vieilli plus qu'il n'est raisonnable, soit il est devenu vraiment plus difficile de capter l'attention du public enfantin d'aujourd'hui, zappeur et saute-moutonnesque, et surtout de la conserver. Je ne veux pas dire que les enfants sont moins compétents qu'autrefois, loin de là, car je ne savais pas à leur âge le dixième de ce qu'ils savent. Mais ce sont aujourd'hui de petits vampires suceurs d'énergie hyper-gâtés auxquels les parents et grands-parents ne savent pas dire "non", et pire encore acceptent de leur part cent fois plus que ce que mes propres parents auraient accepté de moi avant de me mettre une baffe. Et je n'aurais pas recommencé. Mes élèves, à cinq ans, savent pousser loin, très loin, les limites que leurs parents déboussolés tentent vaille que vaille maladroitement et jamais à propos de leur donner.

Je connais mon travail, je sais être efficace et me faire respecter. Mais que d'énergie engloutie dans de l'accessoire! Car je suis avant tout instructeur, je ne devrais pas être autant éducateur.

Alors il y a des moments où ça coince. Quand un soi-disant "philosophe" sorti d'on ne sait où balance des âneries comme celles-ci. Que je ne peux m'empêcher de mettre en parallèle avec cela. Aujourd'hui il est clair que pour travailler dans la sérénité nous devons au contraire re-sanctuariser notre école, en extirper les échos des malaises et des atermoiements de la société, les déséquilibres et le mal-être des familles. Ras-le-bol, comme enseignant et directeur d'école, de devoir maintenant quotidiennement me transformer en assistante sociale ou en psychanalyste de bas de gamme -en attendant de devenir un punching-ball?-. Je suis instituteur, zut, pas le dépôt de la lie de notre époque!

Je ne vous parle même pas de mes fonctions de directeur d'école, que je dois ajouter sans décharge aucune à ma journée d'enseignement. Là aussi ça coince, quand je reçois trois fois le même courriel administratif dans la journée -le premier sans la pièce jointe, le second avec la pièce mais avec plein d'erreurs dedans, le troisième avec la pièce jointe corrigée (m'abstiendrai-je de préciser que je recevrai trois jours après un nouveau courriel pour me dire le contraire de la première fois?). Si je travaillais comme ça dans mon école, ce serait rapidement un beau foutoir. Deux journées en une? C'est rigolo, parce qu'on dirait que personne ne s'en rend compte, à part moi (et mes collègues directeurs, évidemment). Et surtout pas les syndicats d'enseignants, composés à 50 % d'anciens communistes ou trotskystes prétendument repentis, à 50 % d'opportunistes, à 60 % d'abrutis finis et finalement de 1 % d'idéalistes sincères égarés là on ne sait trop pourquoi. Cela fait 161 %? Ben oui, mais il y en a qui cumulent! A propos, ces gens-là, qui ne savent rien faire d'autre, nous proposent grève et manif jeudi 21 janvier. Une de plus à ajouter à toutes les inutiles accumulées depuis la rentrée de septembre dernier. Je n'y serai pas, bien entendu. Vous me trouverez comme d'habitude dans ma classe, c'est là que je suis le plus utile, pour mes élèves et leur famille. Mais il faut les comprendre, ces pauvres syndicats: les congrès nationaux approchent pour plusieurs d'entre eux, et il leur faut montrer qu'ils existent. Alors ils bandent leurs pauvres petits muscles. Ridicule.

J'aimerais quand même bien, avant ma retraite -à quel âge, au fait? A 70 ans? Vu mon état en approchant de la cinquantaine, je ne vous dis pas les dégâts!-, avant ma retraite donc j'aimerais bien qu'on me dise qu'on m'aime, et qu'on me le montre. Là, ça ne coincerait pas.


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