Je n'écris jamais de note de blog ou d'article pour remercier quelqu'un, ni pour faire plaisir - pas davantage pour faire de la peine, d'ailleurs. Mais pour dire, simplement, ce que j'ai pensé d'un livre (ou d'autre chose). Je n'ai ni amis ni ennemis au moment du commentaire.
Si je précise cela, c'est parce qu'Yvon Toussaint, dont sort aujourd'hui L'assassinat d'Yvon Toussaint, est une vieille connaissance. Il était rédacteur en chef (et peut-être directeur, puisqu'il a occupé les deux fonctions simultanément) du Soir quand il m'y a engagé. Je suis donc suspect, en me penchant sur ce livre. Vais-je lui manifester de la reconnaissance?
Non.
En revanche, je reconnais très volontiers avoir été mû par la curiosité. Ce journaliste avec qui j'ai travaillé m'avait déjà bluffé deux fois par ses talents de romanciers, dans Un incident indépendant de notre volonté, en 1974, et Le manuscrit de la Giudecca, en 2001. Qu'allait-il faire cette fois avec son homonyme? Car, je peux vous le dévoiler déjà, l'Yvon Toussaint du titre n'est pas l'Yvon Toussaint qui signe le livre. Et l'Yvon Toussaint narrateur (au statut particulier, j'y reviendrai), même si l'auteur y a mis beaucoup de lui, est encore une autre personne. Un personnage, d'ailleurs, puisqu'il s'agit d'un roman dont beaucoup d'éléments sont vrais mais où la part de fiction est importante.
Pour démêler le vrai du faux, il faudrait habiter l'esprit de l'écrivain. Ce que je suis incapable de faire. Ou se reporter à ses explications (incomplètes), fournies dès la semaine dernière dans un article du Nouvel Observateur repris par le site Bibliobs.
Quand un livre est ainsi précédé par un grand article, c'est qu'il est attendu. Parce qu'il est d'Yvon Toussaint? Je ne le pense pas. En revanche, parce qu'il s'agit d'Haïti, l'île meurtrie vers laquelle tous les regards se sont récemment tournés, oui, bien sûr.
Car l'Yvon Toussaint du titre a bien existé, et il était sénateur quand il a été assassiné à Port-au-Prince le 1er mars 1999. Il était aussi médecin, et avait fait ses études à l'Université Libre de Bruxelles - comme Yvon Toussaint (l'auteur). La coïncidence était belle. Et légitime, l'envie de tirer les fils pour voir ce qui allait en sortir.
Le narrateur se met donc en chasse. Retrouve des membres de la famille à New York, à Miami et en Haïti. Prend des notes. Se laisse aller aux rencontres de hasard. Le roman se présente sous la forme d'un récit (à la deuxième personne, comme si Yvon Toussaint se regardait sans cesse agir, à moins qu'il soit manipulé par l'auteur) où les choses arrivent au fur et à mesure, sans que s'éclaircisse pour autant la mort d'Yvon Toussaint (celui du titre).
L'assassinat d'Yvon Toussaint est un ouvrage passionnant, un amoncèlement de données amassées par un journaliste qui, à défaut de les mettre en forme dans un article, choisit d'en faire un livre, presque un polar. Et pose en même temps des questions souvent reprises, mais toujours lancinantes, sur la vérité et le mensonge dans le roman.