Magazine Cinéma
Artistes : En juin 2000, dans un numéro consacré aux acteurs américains, Les Cahiers du cinéma – a priori, pas les plus geek addicted – s’interrogeaient sur l’immense Jeff Bridges : « Et si c’était lui le meilleur ? » Les Oscars 2010 leur donneront-ils enfin raison ? Yes, they can ! Car quitte à faire mon coming out cinéphilique, I love this guy ! Et je veux le clamer haut et fort avant que tout le monde le découvre, une fois la statuette qui, j’en suis sûr, lui sera remise, à coup sûr, le 3 mars prochain.Enfant de la balle (fils de Lloyd Bridges, frère de Beau), Jeff Bridges. On peut en effet s’interroger sur le paradoxe suivant : une carrière exceptionnellement longue (40 ans), sans trous d’air à la Mickey Rourke, ni véritables pics ? Et qui jouit d’une estime et d’une popularité sans égale auprès de ses pairs et de ses fans ? Tout simplement, parce qu’il n’a jamais eu la grosse tête, construisant sa carrière tel un artisan, au feeling, à la cool, pour le fun, multipliant les rencontres, et les films improbables. Mais aussi une palanquée de chefs-d’œuvre. Nonchalance et grain de folieA l’époque des De Niro et Tom Cruise rois, Jeff Bridges est parvenu – difficilement - à imposer sa marque, entre une nonchalance assumée et un grain de folie qui donne du sel au quotidien le plus terne. Au fil des ans, son style de jeu s’est enrichi d’une mélancolie sourde. Que sa gestuelle, son regard las et sa voix inimitable traduisent à la perfection. L’interprète idéal pour incarner les anti-héros de Jim Harrisson ou Thomas McGuane à l’écran !Le point en 20 films et des poussières :- Fat City (1970) de John Huston : ah, les petits matins blêmes d’après combat de boxe ! Peut-être le film le plus personnel de son réalisateur et de son acteur. A redécouvrir d’urgence - avis aux éditeurs- La Dernière séance (1971) et sa suite Texasville (1992) de Peter Bogdanovich : pour y palper toute l’essence de l’Amérique profonde… Bridges en beautiful loser du quotidien.- Le Canardeur (1974) de Michael Cimino : un buddy movie mélancolique, sur les routes des Etats-Unis. Il joue l’acolyte de ce bon vieux Clint. Mais pourquoi ces deux-là n’ont-ils pas retourné ensemble ?- La Blessure (1975) d’Ivan Passer : son chef-d’œuvre inconnu ? Polar inclassable sur une Amérique en pleine geule de bois, juste avant l’ère Reagan. Par Ivan Passer, l’autre grand cinéaste tchèque exilé aux Etats-Unis, moins connu - hélas - que Milos Forman.- Heaven’s Gate (1981) de Michael Cimino : dans ce chef-d’œuvre absolu, il incarne l’immigrant ukrainien aux prises avec les grands propriétaires wasp issus des grandes écoles. On le voit peu, mais il en est !- Tron (1982) de Steven Lisberger : premier film à utiliser l’imagerie alors balbutiante de l’informatique. Sûrement daté, mais visionnaire. Jeff Bridges en nerd seventies.- Starman (1982) de John Carpenter : fable d’anticipation qui a un peu vieilli. Première nomination de Jeff Bridges à l’Oscar du meilleur acteur.- Le Lendemain du crime (1985) de Sydney Lumet : un pur nanar eighties, bien que signé Lumet, bien qu’éclairé par Bartkowiak, bien que joué par Jane Fonda.- A double tranchant (1985) de Richard Marquand : face à Glenn Close, il en impose carrément en victime très ambiguë. Son rôle le plus déstabilisant.- Huit millions de façons de mourir (1986) de Hal Ashby : sur le papier, la rencontre d’un des cinéastes les plus emblématiques des 70’s avec l’un des acteurs également les plus emblématiques de cette même période pour ce polar désespéré signé Lawrence Block s’annonçait idéale. Hélas, nous sommes en 1986, Ashby est au bout du rouleau, et Jeff Bridges cumule les nanars… Dommage.- Susie et les Baker Boys (1988) de Steven Kloves. La classe internationale. Bluesy, largué par la vie et les femmes, il se laisse séduire par Michelle Pfeiffer, aux côtés de son frère Beau. - Tucker (1993) de Francis Ford Coppola : son rôle le plus solaire, dans cette comédie musicale sans musique ni chansons ! A réévaluer d’urgence- Fisher King (1993) de Terry Gilliam : en DJ cynique et égoïste, il s’impose avec beaucoup de sensibilité face à Robin Williams déchaîné. Jeff Bridges retrouvera à deux reprises le cinéaste en tant que comédien dans Tideland et en tant que narrateur de Lost in la Mancha.- Etat second (1994) de Peter Weir : avec beaucoup de finesse, il campe un rescapé de catastrophe aérienne en proie à des pulsions suicidaires nietzchéennes. Il faut l’avoir vu jouer avec la mort sur les immeubles de L.A. pour vérifier combien Jeff est grand ! - Arlington Road (1995) de Mark Pellington : un polar d’inspiration hitchcockienne sur l’infiltration des réseaux d’extrême-droite dans la société américaine. Face à Tim Robbins, il incarne l’Américain moyen qui doute.- The Big Lebowski (1998) des frères Coen : The Dude, LE rôle de sa vie !- Simpatico (1999) de Matthew Warchus : sur un scénar signé Sam Shepard, face aux monstres de jeu que sont Albert Finney, Nick Nolte et Sharon Stone, il tente une composition très Actor’s studio. Très intéressant – de là à dire que c’est réussi…- Manipulations (2000) de Rod Lurie : sorte de Bill Clinton, en plus séducteur. Et matois. Très classe. Nomination à l’Oscar du second rôle.- Masked and Anonymous (2003) de Larry Charles : beautiful loser sur les traces de Bob Dylan- Iron Man (2008) de Jon Favreau : son 1er vrai blockbuster dans un vrai rôle de méchant. Besoin de payer des dettes, Jeff ?
Et très bientôt, en attendant Tron 2 et le prochain film des Coen, Les Chèvres du Pentagone, puis Crazy Heart – en route pour l’Oscar, Dude ?A découvrir le superbe site de l'acteur : jeffbridges.com. Dans la vidéo ci-dessous, Bridges raconte comment dans Stay Hungry, il a tourné une scène (coupée au montage) avec Arnold Schwarzenegger, dans laquelle les deux acteurs se retrouvaient dans une situation... ambigue. Travis Bickle
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